L’immobilier ne connait pas la crise

Par Nicolas Ritoux | 1 Décembre 2020 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Graphique dessinée à la craie, sur un tableau, illustrant la hausse du prix de l'immobilier
Photo : Nuthawut Somsuk / iStock

Le caractère « asymétrique » de la récession actuelle explique l’étonnante vigueur de l’immobilier canadien, selon Benjamin Tal, économiste en chef adjoint à la CIBC.

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« L’immobilier canadien a connu une formidable reprise en V, en termes de ventes, de prix, d’offre et de demande. Il y a de quoi se demander combien de temps il pourra demeurer ainsi », dit Benjamin Tal.

Selon l’expert, la récession économique actuelle est la plus douce de l’Histoire pour l’immobilier canadien. Et la faiblesse des taux d’intérêt ne suffit pas pour l’expliquer : ils étaient bas lors des récessions précédentes, comme en 2008 et en 1991, et l’immobilier avait souffert alors.

« C’est vrai qu’en termes absolus, les taux sont plus bas actuellement, mais à l’époque nous n’avions pas le test de résistance ni la ligne directrice B-20. Le taux minimum admissible est aujourd’hui de 4,79 %, ce qui est plus élevé que ce qu’on exigeait des acheteurs en 2008. Du point de vue de la qualification des prêts hypothécaires, les taux d’intérêt sont donc plus élevés. Pourtant, l’activité s’est accrue sur le marché. Il faut donc chercher une autre explication », dit Benjamin Tal.

Il rappelle le caractère « anormal » de la récession actuelle, qui a frappé très différemment les Canadiens selon leur niveau de revenu.

« Plus de 90 % des emplois perdus étaient à faible revenu, ce qui signifie qu’une importante proportion de la population n’a pas été financièrement touchée par la crise. Ils ont conservé leur revenu, et les taux ont chuté. C’est l’occasion qu’ils attendaient depuis plusieurs années pour passer à l’action. De plus, les personnes mises au chômage tendaient à louer leur logement, et n’interviennent donc pas dans le marché immobilier comme acheteurs ou vendeurs. C’est donc le caractère asymétrique de la récession qui explique la vigueur du marché immobilier », croit Benjamin Tal.

Selon l’économiste, 60 à 70 % de la hausse des prix repose sur le fait que beaucoup de gens sont passés de petites unités à des maisons individuelles, qui sont plus chères. L’inflation provient donc surtout de la portion plus dispendieuse du marché.

Il croit que le niveau d’activité actuel du marché ne peut durer encore très longtemps.

« On devrait voir ralentir le marché durant l’hiver, et la première victime sera le segment des condos, où beaucoup d’unités neuves sont livrées alors que la demande baisse. Les autres secteurs du marché seront moins touchés », croit Benjamin Tal.

Ceux qui veulent voir le marché revenir à ses niveaux de 2019 devront encore patienter jusqu’en 2022 ou même 2023 selon lui.

« Les éléments fondamentaux du marché n’ont pas changé. Le recul devrait se produire principalement dans les condos au cours des six prochains mois. Puis à mesure que l’économie s’améliore au second semestre 2021, j’entrevois une très forte reprise du marché immobilier. »

Ce texte fait partie du programme Gestionnaires en direct, de la CIBC. Il a été rédigé sans apport du commanditaire.

Nicholas Ritoux

Nicolas Ritoux

Nicolas Ritoux est journaliste indépendant. Il collabore à Conseiller.ca depuis 2009.