L’incorporation des professionnels… ça s’en vient

Par Me Richard Chagnon et Yves Chartrand | 9 février 2016 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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• Ce texte est paru dans l’édition de juillet-août 2001 de Conseiller. Il est aussi disponible en format PDF. Vous pouvez également consulter l’ensemble du numéro sur notre site Web.


Cela pourrait aussi modifier la façon dont certains de vos clients détiendront leurs placements…

La communauté fiscale en parlait de façon sérieuse depuis que le budget provincial de 1992 avait évoqué cette possibilité pour les médecins, dentistes, avocats, comptables, notaires, etc. Mais, depuis ce temps, la machine s’était arrêtée et le sujet avait presque été relégué aux oubliettes.

Cependant, la possibilité pour un professionnel d’incorporer son entreprise continuait de progresser dans d’autres juridictions provinciales, notamment en Ontario (devrons-nous encore dire merci à l’Ontario de mettre de la pression sur le Québec?). Le gouvernement du Québec a donc réagi… Ainsi, le 1er décembre 2000, le projet de loi 169 a été présenté à l’Assemblée nationale, lequel projet de loi vise à modifier le Code des professions afin de permettre l’exercice des activités professionnelles à l’intérieur d’une société.

Notez cependant que ce sera à l’ordre professionnel visé de permettre que ses membres exercent leurs activités au sein d’une société et de déterminer les conditions suivant lesquelles ces activités pourront être exercées.

Le projet de loi 169 a été adopté le 21 juin 2001. Il ne reste qu’à attendre la permission par l’ordre professionnel visé à autoriser ses membres à exploiter leurs activités au sein d’une société.

Ce n’est qu’à ces conditions que le régime fiscal québécois reconnaîtra les effets de cette législation, c’est-à-dire le régime fiscal applicable aux sociétés par actions pour les professionnels qui choisiront cette voie. Entre autres, la possibilité de bénéficier d’un taux réduit d’imposition d’environ 22 % sur les premiers 200 000 $ annuels de revenus actifs constitue un attrait intéressant. La liste des avantages et aussi des inconvénients est cependant très longue, mais, bien utilisée, la société par actions peut s’avérer fort avantageuse.

De plus, à la suite du dernier budget provincial, il a été précisé que l’on reconnaîtrait que les nouvelles sociétés de professionnels puissent bénéficier du congé fiscal de cinq ans. Il est bien entendu que les conditions d’admissibilité très exigeantes au dit congé fiscal provincial devront être respectées, notamment celle relative au fait qu’il ne doit pas s’agir de la continuité de l’exploitation d’une entreprise déjà existante.

À titre d’exemple, un jeune médecin ou dentiste qui débute aura avantage à incorporer sa pratique dès le départ et ainsi à bénéficier du congé fiscal de cinq ans au Québec. Autrement, il ne pourra plus s’y qualifier. Cela peut aisément représenter des économies fiscales atteignant plus de 100 000 $ sur cinq ans pour les nouvelles sociétés qui remplissent les conditions.

LAISSER LES FONDS DANS LA SOCIÉTÉ À DES FINS DE PLACEMENT

Il va de soi que les professionnels qui utiliseront la voie de l’incorporation auront généralement tout intérêt à laisser la plus grande partie des profits réalisés dans la société afin que de tels profits soient imposés au taux approximatif de 22 %. Par la suite, ils pourront effectuer leurs placements par l’entremise de leur société et ils auront donc un capital plus important à investir. Notez cependant que les revenus de placement ne bénéficient pas du taux réduit d’imposition. Les revenus d’intérêt et la fraction (50 %) imposable des gains en capital y sont d’ailleurs actuellement imposés à un taux de 52,3 %, tandis que les dividendes de sociétés publiques le sont à un taux de 33,33 %. Par conséquent, le report de l’imposition des revenus de placement sera un objectif recherché.

RÉMUNÉRATION DU PROFESSIONNEL

D’autre part, la combinaison salaire-dividendes que choisira le professionnel aura aussi un impact sur le montant éventuel de ses cotisations à son REER dans la mesure où son salaire annuel fera en sorte qu’il aura un «revenu gagné» inférieur à 75 000 $.

Vous pouvez donc constater que la façon dont le professionnel investira son épargne sera modifiée en fonction des véhicules financiers différents qu’il utilisera s’il choisit l’incorporation…

En conclusion, de multiples nouvelles règles fiscales s’appliqueront bientôt à certains professionnels. Voilà pourquoi nous travaillons déjà à l’élaboration d’un volumineux et détaillé chapitre sur ce sujet pour nos cours de formation à l’automne. Nous serons prêts. Le serez-vous?

Yves Chartrand, M. Fisc., est fiscaliste au CQFF et Me Richard Chagnon, M. Fisc., est membre du groupe BCF.

Me Richard Chagnon et Yves Chartrand