L’industrie financière québécoise se porte bien

Par La rédaction | 20 juin 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Le secteur financier québécois est en grande forme. Même s’il fait face à plusieurs vents contraires, il a connu une croissance de 3,9 % en 2016 par rapport à l’année précédente, indique l’Autorité des marchés financiers.

L’an dernier, l’industrie représentait ainsi 6,5 % du produit intérieur brut de la province, soit une contribution de 20,7 milliards de dollars à son économie, révèle l’AMF dans son Rapport annuel sur les institutions financières 2016, dévoilé hier au grand public. Elle passe en revue les principaux défis qui se posent aux différents acteurs du marché des services financiers, notamment dans les domaines économiques, technologiques et environnementaux.

« L’industrie financière se transforme rapidement sous l’effet combiné des nouvelles technologies et de la rapidité avec laquelle l’information circule. À cet égard, bien que les innovations technologiques offrent de multiples occasions pour les acteurs du marché, elles apportent aussi leur lot de nouveaux défis », note l’AMF.

« Cette évolution du secteur modifie la façon dont les institutions financières interagissent avec leur clientèle », notamment en les obligeant à diversifier leur offre de produits et services afin de placer le consommateur « au cœur de leurs préoccupations ». Face à cette « mouvance des marchés », l’Autorité souligne qu’elle doit « demeurer vigilante et veiller à l’actualisation de ses encadrements ».

S’ADAPTER AUX NOUVELLES RÉALITÉS DU MARCHÉ

Dans ce contexte, le rapport relève que « l’évolution des principes d’encadrement internationaux au cours des dernières années a été suffisamment importante pour nécessiter une mise à jour de la Ligne directrice sur la gouvernance en 2016 ». Les changements qui y ont été apportés ont, entre autres, « permis de revoir le cadre de gouvernance pour y introduire formellement l’approche basée sur les trois lignes de défense » que sont la gouvernance, la gestion intégrée des risques et la conformité. De surcroît, l’Autorité a « bonifié les dispositions touchant la divulgation, misant ainsi sur l’importance d’agir d’une manière transparente envers toutes les parties intéressées ».

Dans cette optique, la Ligne directrice sur la gestion des risques a aussi été actualisée en 2015 et celle sur la conformité a également été revue afin de refléter « certains constats de surveillance ». De façon générale, les modifications apportées à l’encadrement de l’Autorité « tiennent compte de facteurs externes tels que la faiblesse persistante des taux d’intérêt, le niveau d’endettement élevé des ménages et la fréquence accrue des catastrophes naturelles », précise le rapport.

Ainsi, l’accroissement de l’endettement des ménages est « demeuré au cœur des préoccupations » de l’organisme, ce qui l’a amené à annoncer récemment l’émission prochaine d’une nouvelle ligne directrice sur l’octroi de crédit responsable orientée sur le traitement équitable des consommateurs. De plus, il maintient une vigie constante de l’évolution du secteur immobilier, car « la volatilité de ce marché est susceptible d’affecter la solidité du système financier québécois ». Dans son analyse, l’AMF estime d’ailleurs que les faibles taux d’intérêt « ne sont pas étrangers » à l’actuel niveau d’endettement des Canadiens. Ce phénomène, « étroitement lié au risque de crédit des institutions financières », préoccupe l’Autorité depuis quelques années. À l’échelle nationale, la dette des consommateurs représente désormais près de 170 % du revenu total disponible.

LES EMPRUNTEURS SONT TRÈS VULNÉRABLES

« Les conditions avantageuses offertes par les créanciers, non seulement par le biais des faibles taux d’intérêt, mais aussi par la souplesse des périodes d’amortissement du crédit à la consommation, contribuent à augmenter l’endettement des ménages », analyse le rapport. Celui-ci relève que « la conjonction de ces paramètres financiers crée, aux yeux des emprunteurs, une perception artificiellement avantageuse de leur capacité de remboursement », alors qu’en réalité ceux-ci sont de plus en plus vulnérables à une éventuelle augmentation des taux d’intérêt ou à « tout autre facteur affectant négativement leurs revenus ».

La question du surendettement des ménages est d’autant plus préoccupante qu’on assiste au Québec à la fois à une croissance de la dette hypothécaire résidentielle et à celle des prêts personnels octroyés par les grandes banques et le Mouvement Desjardins. « Ces acteurs détiennent une importante proportion du financement aux particuliers, constate l’AMF, qui précise que « le portefeuille de crédit aux particuliers des institutions financières a plus que doublé au cours des 10 dernières années, et ce, autant au chapitre des prêts résidentiels que pour tout autre type de financement ».

La volatilité du marché immobilier représente une autre variable importante que les institutions financières doivent prendre en considération dans leur gestion du risque de crédit, souligne également le rapport. « Compte tenu de l’importance des parts de marché de certains prêteurs en matière de crédit aux particuliers », une « surveillance active » des signaux émanant du secteur immobilier s’impose plus que jamais puisque ceux-ci sont « susceptibles d’influencer la solidité du système financier québécois », note-t-il. Le document ajoute qu’une telle veille permettra à l’AMF « d’intervenir en cas de dégradation progressive ou soudaine de la qualité de leur portefeuille de crédit ».

DES ENJEUX TECHNOLOGIQUES COMPLEXES

« Les enjeux technologiques posent des défis de taille à tous les acteurs du marché. En effet, bien que le développement des technologies constitue une occasion pour les entreprises et puisse répondre à un intérêt grandissant de la part des consommateurs, il contribue à l’émergence de nouveaux risques », indique le rapport. Face à l’essor des fintech, mais aussi de l’économie collaborative, l’AMF travaille donc conjointement avec les intervenants du marché et les autorités gouvernementales « afin que l’encadrement demeure optimal tout en continuant de protéger adéquatement les consommateurs qui souhaitent bénéficier des innovations disponibles en toute sécurité ».

Pour atteindre cet objectif, elle a instauré un Groupe de travail sur les fintech, dont la direction coordonne les travaux du Comité consultatif sur l’innovation technologique, du Laboratoire fintech et divers autres chantiers spécialisés. En outre, elle préside et contribue au bac à sable réglementaire mis sur pied par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières, un environnement d’essai sécurisé pour les logiciels et sites web (sandbox) permettant l’expérimentation de nouvelles technologies.

Selon une étude réalisée en 2016 par PricewaterhouseCoopers, 83 % des dirigeants de grandes institutions financières mondiales s’attendent à ce qu’une portion de leurs activités soit touchée par les nouvelles technologies d’ici 2020. Dans le milieu bancaire, ce pourcentage grimpe à 95 %. Les institutions sondées estiment qu’entre 21 % et 28 % de leurs parts de marché sont à risque d’être perdues au bénéfice des fintech avant la fin de la décennie.

Autant de transformations qui « interpellent le régulateur », puisque « les activités des entreprises fintech viennent tester l’ordre établi en matière de réglementation et d’encadrement », note le rapport. Sa recommandation? « Pour permettre une évolution ordonnée du secteur sans compromettre la confiance et la protection des consommateurs, les organismes de réglementation doivent démontrer une certaine ouverture à l’innovation et aux nouvelles façons de concevoir et d’offrir des produits et services financiers. »

LA QUESTION DES CHANGEMENTS CLIMATIQUES

Les enjeux environnementaux, notamment liés aux catastrophes naturelles et aux changements climatiques, ont accaparé l’attention de l’industrie de l’assurance de dommages en 2016. Compte tenu de l’ampleur grandissante de ces phénomènes, l’Autorité en a fait un autre enjeu clé de son Plan stratégique 2017-2020.

Bien que les assureurs de dommages soient plus directement touchés par les dégâts matériels occasionnés par ces phénomènes, les grandes banques et les Caisses Desjardins sont également concernées par le risque lié à la transition d’une économie fondée sur le carbone vers une économie plus verte, basée sur les énergies renouvelables. Dans ces conditions, « les investisseurs, prêteurs et assureurs se doivent de prendre en compte les risques et les occasions associés aux changements climatiques », insiste l’AMF.

« L’édition 2016 [du rapport] est le fruit d’un travail concerté basé sur notre connaissance approfondie du marché et sur les données statutaires fournies par les coopératives de services financiers, les sociétés de fiducie et sociétés d’épargne ainsi que les assureurs de personnes et de dommages qui exercent au Québec. Ce document dresse le portrait financier global de chacun des secteurs et fournit les données permettant d’apprécier la situation financière et l’envergure des opérations des institutions qui y sont associées, excluant les banques », conclut Louis Morisset, président-directeur général de l’Autorité.

La rédaction