L’investissement ESG a besoin d’un encadrement plus serré

Par La rédaction | 23 octobre 2020 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : lovelyday12 / iStock

Le Canada devance les États-Unis, mais accuse passablement de retard sur l’Europe en ce qui concerne l’encadrement de l’investissement ESG. C’est ce qui ressort d’un récent panel organisé sur le sujet par Morningstar.

C’est en prenant connaissance d’un document du Groupe de travail sur la modernisation relative aux marchés financiers en Ontario que Morningstar a décidé d’y consacrer une rencontre. Le Groupe de travail a émis de nombreuses propositions en juillet dernier, notamment celle de rendre obligatoire la divulgation de l’information importante relative aux facteurs ESG et améliorer la diversité des conseils d’administration.

Le panéliste Robert Walker, président d’ICGN et directeur, LVC Strategies, Canada, conclut que le Canada se retrouve dans une position familière, soit « entre les États-Unis qui affichent un lourd retard et montrent une certaine hostilité envers l’ESG et l’Union européenne (UE), qui représente la référence ». L’UE a instauré des exigences très ambitieuses de divulgation et de critères pour pouvoir qualifier une activité économique de « durable », qui pourraient servir d’exemple au Canada.

DES DONNÉES NÉCESSAIRES

Michael Jantzi, fondateur de Sustainalytics, croit que l’information relative aux facteurs ESG est devenue un incontournable. « Juste au Canada, nous suivons 70 sociétés canadiennes de pétrole et gaz, parmi lesquels seulement la moitié ont des systèmes de divulgation ESG ou affichent une bonne performance sur la divulgation ESG », déplore-t-il. Il ajoute que plus de 80 % des minières canadiennes n’effectuent aucune divulgation, que ce soit sur le plan environnemental ou quant à leurs impacts sur les droits fonciers ou les relations avec les communautés autochtones et locales. 

« Avant, je croyais en la divulgation volontaire, mais ça ne fonctionne pas, donc je me retrouve maintenant fermement dans le camp des rapports ESG obligatoires », poursuit-il. Il précise d’ailleurs qu’en ce qui concerne les rapports, le Canada tire de la patte même par rapport aux États-Unis ou de plus petits États comme Taïwan.

En entrevue à Conseiller, Michel Magnan, professeur de comptabilité à l’Université Concordia et président de la Chaire Stephen A. Jarislowsky sur la gouvernance d’entreprise, affirme que nous nous trouvons à un moment charnière. « Il a fallu attendre jusque dans les années 1930 pour que l’on entame une standardisation des normes comptables et les états financiers, rappelle-t-il. Je crois que nous en sommes à un stade similaire en matière de reddition de comptes pour les facteurs ESG. Ça commence à s’améliorer. »

Il ajoute toutefois que l’on se heurte à un obstacle supplémentaire. « Les facteurs ESG englobent une foule d’éléments, qui ne se rapportent pas toujours facilement en dollars, contrairement aux résultats financiers, donc ça représente un gros défi ».

Dans l’article de Morningstar, Melanie Adams, vice-présidente et directrice, gouvernance d’entreprises et investissement responsable de RBC Gestion mondiale d’actifs, souligne l’importance de progresser dans ce domaine. « Nous ne pouvons évaluer correctement les sociétés sans incorporer d’information ESG et nous avons besoin de ces divulgations pour établir nos valeurs, explique-t-elle. Avec des règles plus strictes, nous obtiendrons de l’information cohérente et comparable, alors nous pourrons confronter les compagnies à leurs pairs. »

UNE STANDARDISATION À CONSTRUIRE

« Depuis deux décennies au moins, les investisseurs posent de plus en plus question sur des facteurs ESG aux entreprises et celles-ci divulguent de plus en plus d’information à ce sujet, mais il n’y a pas de standards obligatoires », ajoute l’experte en finance durable Rosalie Vendette. Il existe des standards pour rapporter ces informations, comme ceux de Sustainability Accounting Standards Board (SASB), de Global Reporting Initiative (GRI) ou de la Task Force on Climate-related Financial. Cependant, ils sont tous volontaires et différents. 

Cette situation est difficile pour les investisseurs puisqu’elle complique leur évaluation des compagnies. Mais elle est aussi lourde pour les émetteurs eux-mêmes. « Il est temps de structurer et de standardiser tout cela », estime Mme Vendette. 

Elle précise qu’il y a déjà des travaux qui s’effectuent en ce sens. Le Forum économique mondial a récemment publié un ensemble de mesures et d’informations environnementales, sociétales et de gouvernance (ESG) universelles pour mesurer le capitalisme inclusif. SASB et le GRI ont annoncé en juillet dernier une collaboration pour aider les entreprises et les investisseurs à mieux comprendre comment utiliser ces deux standards de manière complémentaire.

« Il reste aux organismes de réglementation canadiens à revoir leurs exigences et leur encadrement, afin d’aider les investisseurs à obtenir les informations liées aux facteurs ESG dont ils ont besoin pour prendre leurs décisions », conclut Mme Vendette.

La rédaction