Liquidation d’un REER et économie d’impôt

Par Michelle Munro | 2 novembre 2010 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Andriy Popov / 123RF

Comment tirer le maximum de la liquidation d’un REER.

Si vous avez un client qui va avoir 71 ans cette année et qui est en bonne santé, n’oubliez surtout pas de le féliciter. Même si l’espérance de vie augmente, 71 ans demeure un âge respectable. C’est aussi une étape importante, parce que c’est l’âge auquel la loi oblige les particuliers à liquider leur régime enregistré d’épargne-retraite. Dans cet article, j’utiliserai l’exemple d’un investisseur – appelons-le Alain Simard – qui a continué de travailler jusqu’à 71 ans, scénario plausible en cette période d’incertitude économique. Je vais énumérer ses options de conversion du REER en termes généraux, puis suggérer une stratégie pour sa dernière année de REER qui pourrait l’aider, ainsi que vos clients, à profiter des droits de cotisation inutilisés additionnels tout en générant une économie d’impôt.

QUATRE FAÇONS DE LIQUIDER UN REER  Alain Simard a eu 71 ans en juillet et il a jusqu’au 31 décembre pour liquider son REER. Il peut procéder de l’une des quatre façons suivantes, chacune ayant des avantages et des inconvénients. Voici donc les choix qui s’offrent à lui :

  • Retrait en une somme forfaitaire. Alain peut retirer tous les fonds de son REER et ajouter cette somme à son revenu imposable ordinaire. L’institution financière qui s’occupe de ses affaires fera une retenue d’impôt sur le produit brut du retrait, qu’il devra inscrire sur sa déclaration de revenus pour l’année à titre de revenu ordinaire et qui servira à calculer le montant réel d’impôt exigible. Selon la taille du REER et tout autre revenu qu’Alain gagne pendant l’année de transition, c’est peut-être la méthode de liquidation d’un REER la moins efficace sur le plan fiscal, étant donné qu’Alain pourrait voir une bonne partie de son épargne durement amassée s’envoler en impôts. Comme si ce n’était pas assez, pas un sou de cette épargne ne sera admissible au crédit d’impôt sur le revenu pour pension. Visiblement, c’est le choix le moins intéressant pour la plupart des investisseurs;
  • Alain peut utiliser le produit de son REER pour souscrire une rente. Une rente est un contrat d’assurance qui va lui procurer un revenu régulier pendant la durée du contrat, l’impôt sera prélevé au fur et à mesure que les versements seront perçus et un maximum de 2000 $ par année à même ses versements sera admissible au crédit d’impôt pour pension. Alain peut choisir un des trois types de rente : certaine, qui garantit des versements à lui ou à sa succession pendant une période fixe; viagère sur une seule tête, payable sa vie durant; et réversible, qui procurera des versements à Alain et à son conjoint durant toute leur vie. L’option qu’il choisira déterminera le montant qu’il recevra chaque mois. La situation d’Alain ainsi que l’évolution des taux d’intérêt influenceront également le montant qu’il devrait allouer aux rentes comparativement à un fonds enregistré de revenu de retraite, qui se veut plus flexible;
  • Alain peut aussi convertir son REER en un fonds enregistré de revenu de retraite (FERR), ce qui lui permet de gérer ses placements dans divers titres tout en étant imposé seulement sur le montant qu’il retire dans le courant de l’année. À l’instar des rentes, un maximum de 2000 $ des versements annuels d’un FERR peut être exempté grâce au crédit d’impôt sur le revenu pour pension. L’inconvénient d’un FERR est que la loi oblige le particulier à effectuer des retraits minimums annuels, allant de 7,38 % du total du fonds à 71 ans à un maximum de 20 % à 94 ans. Il existe un moyen de réduire le taux des retraits minimums. Si le conjoint d’Alain était plus jeune, il pourrait choisir de baser son retrait minimum annuel sur l’âge de son conjoint, réduisant ainsi le pourcentage qu’il retirerait; et finalement;
  • Si Alain a adhéré à un régime de pension agréé d’une entreprise, il pourrait avoir transféré la valeur actualisée de son régime à un compte de retraite immobilisé (CRI) ou un RER immobilisé (RERI). Les principales options de conversion de son CRI ou de son RERI à 71 ans sont de transférer le produit dans une rente viagère, un fonds de revenu viager (FRV) ou un fonds de revenu de retraite immobilisé (FRRI). Nous vous avons donné un aperçu des options de rente ci-dessus. Les FRV et les FRRI sont semblables aux FERR en ce qui a trait à l’imposition, mais comportent des restrictions, comme des retraits maximums, ce qui les rend plus compliqués.

En votre qualité de conseiller en placements d’Alain, vous pourriez lui recommander de liquider son REER en ayant recours à une ou plusieurs des méthodes susmentionnées, à l’exception d’un retrait intégral à 71 ans, qui n’est carrément pas recommandé en raison de la ponction fiscale. Vous pourriez lui recommander un FERR, qui l’aiderait à garder le contrôle des sommes investies ou, s’il est surtout intéressé à un revenu viager fiable, une rente.

CONNAÎTRE VOTRE CLIENT RAPPORTE GROS  Plus vous connaissez la situation d’Alain, plus vous serez en mesure de bien le conseiller. Il a pris sa retraite vers 65 ans d’une carrière en ingénierie, quoiqu’il travaille encore comme consultant autonome. Il n’a pas encore touché à son REER, car son revenu de consultant et son épargne non enregistrée lui suffisent pour l’instant. Il a cotisé le maximum à son REER chaque année.

Maintenant qu’il a 71 ans, il a un problème. En 2012, il a gagné un revenu, ce qui signifie qu’il va générer des droits de cotisation à un REER pour 2013. Toutefois, en raison de son âge, il doit liquider son REER au plus tard le 31 décembre 2012. Alain ne peut plus cotiser à son REER, puisque des cotisations à un REER ne peuvent être versées dans une rente, un FERR, un FRV ou un FRRI.

ÉCONOMIE DE DROITS DE COTISATION ET D’IMPÔT  Vous pourriez lui conseiller une stratégie qui permettrait à Alain non seulement d’utiliser ses droits de cotisation additionnels mais aussi d’économiser de l’impôt; c’est une bonne façon de célébrer ses 71 ans. Voici comment cela fonctionne. Alain a déjà cotisé le montant maximum pour 2012, mais vous lui suggérez de verser sa cotisation REER pour 2013 en décembre 2012. La première tranche de 2000 $ de « surcotisations » ne comporte aucune pénalité; le reste sera assujetti à une pénalité de 1 % par mois. L’économie d’impôt provenant de la cotisation REER déductible pour 2011 devrait plus que compenser la pénalité de 1 %.

Chiffres à l’appui, les avantages de cet exemple sont évidents. Disons qu’en 2010, Alain gagne un revenu de travailleur autonome de 75 000 $ et que son taux marginal d’imposition est de 35 %, ce qui lui donne 13 500 $ (75 000 $ X 18 %) en nouveaux droits de cotisation à un REER pour 2011. En décembre 2012, il cotise la somme de 13 500 $ à son REER et il liquide ensuite le régime. Après déduction de la surcotisation admissible de 2000 $, Alain a surcotisé la somme de 11 500 $ qui sera assujettie à une pénalité de 1 % pour un mois, soit 115 $. Le 1er janvier 2013, Alain pourra se prévaloir de ses nouveaux droits de cotisation à un REER, à savoir 13 500 $ et pourra déduire la cotisation versée en décembre 2012 de son revenu de 2013. Si l’on présume qu’en 2013, Alain conserve un taux marginal d’imposition de 35 %, il pourra réaliser une économie d’impôt sur ses cotisations à son REER de 4725 $ (13 500 $ x 35 %). Lorsque l’on déduit la pénalité de 115 $ payée pour la surcotisation à son REER de son économie d’impôt brute de 4725 $ sur la déduction REER, son économie d’impôt nette s’élève à 4610 $.

AIDER LES CLIENTS DE DEUX MANIÈRES  À l’instar de toute stratégie, des mises en garde s’imposent. Par exemple, Alain Simard aurait tout intérêt à calculer et à rembourser lui-même sa pénalité, puisque que l’Agence du revenu du Canada établira vraisemblablement une pénalité sur laquelle il devra payer des intérêts en plus. Cependant, cette stratégie ne convient pas à tout le monde. Si le client liquidait simplement son REER en l’encaissant, cela ne fonctionnerait pas. L’idéal, c’est de renseigner et d’aider le client à liquider son REER. Lorsque vous lui exposerez les options pouvant lui procurer la sécurité financière après 70 ans, dites-lui qu’il pourrait aussi se présenter des occasions de réaliser une importante économie d’impôt, ce qui est doublement avantageux.


Michelle Munro est directrice, Planification fiscale, à Fidelity Investments Canada.

Bien que les renseignements figurant dans cet article servent à expliquer différentes questions de planification fiscale, ils sont de nature générale. Ces renseignements ne doivent pas être interprétés ni considérés comme des conseils fiscaux. Les lecteurs devraient consulter un conseiller en investissement, un avocat et un conseiller en planification fiscale avant d’adopter une stratégie fiscale ou de placement.

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