L’or noir dans le rouge pour un bon moment

4 mai 2020 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Pistolet à essence devant des graphiques boursiers.
Photo : bluebay / 123RF

L’offre et la demande de pétrole ne retrouveront pas l’équilibre de sitôt, croit Brian See, gestionnaire de portefeuille à Gestion d’actifs CIBC.

« Nous sommes en plein cœur du pire scénario pour le pétrole : l’offre est substantielle mais il n’y a plus de demande. Les prix sont tombés sous zéro pour la première fois de l’Histoire. L’industrie est tombée sur un cygne noir », dit Brian See en allusion à un événement rarissime et imprévisible.

La question est maintenant de savoir combien de temps ça va durer.

« Verra-t-on encore des prix négatifs pendant plusieurs mois ? C’est possible. Les prix vont refléter la surabondance de pétrole sur le marché jusqu’à ce qu’on parvienne à réduire l’offre suffisamment, et que la demande reprenne », dit-il.

« Pour comprendre comment les prix peuvent être négatifs, il faut considérer le fonctionnement des contrats à terme sur le pétrole brut. Si les producteurs vendent ces contrats sur un mois, les intermédiaires financiers qui les leur achètent veulent les revendre avant qu’ait lieu la livraison réelle du pétrole. Normalement, les raffineries rachètent leurs contrats avant la fin du mois. Mais à cause des craintes liées à la chute de la demande et des capacités limitées d’entreposage du brut, les contrats doivent être vendus à rabais, ou même à prix négatif », explique Brian See.

Les pays producteurs s’efforcent de réduire l’offre, notamment les membres de l’OPEP, qui se sont entendus le 12 avril pour abaisser leur production de 9,7 millions de barils par jour, soit environ 10 % de l’offre mondiale. La décision s’applique aux mois de mai et de juin, après quoi les réductions seront de 7,7 millions de barils par jour pour le reste de l’année, et de 5,8 jusqu’en avril 2022, sous réserve bien sûr de nouvelles décisions d’ici là. D’autres pays producteurs réduisent leur production en réaction aux bas prix, comme les États-Unis, le Canada, le Brésil et la Norvège. Mais cela n’est pas encore assez, selon Brian See.

« Il y a tout simplement trop de pétrole dans le monde à l’heure actuelle. Les réductions entreprises sont insuffisantes pour contrer la chute de la demande en raison de la COVID-19, qu’on estimait à 30 millions de barils par jour à son plus haut. La demande va doucement remonter à mesure que la Chine et d’autres pays reprennent leur activité économique, mais c’est quand même trop peu, trop tard », déplore-t-il.

Pour voir les prix remonter, il faudra d’abord voir les statistiques de la pandémie s’améliorer. Alors seulement la demande de pétrole pourra-t-elle réellement reprendre, et avec elle le cours du baril. Mais il ne faut pas l’espérer pour 2020 selon l’expert.

« Quand la demande remontera, elle devra d’abord puiser dans les stocks excédentaires de pétrole brut, d’essence et de diesel. La reprise devrait être plus marquée dans les années 2021 et 2022 avec les réductions soutenues de la production, et du fait que les producteurs n’investissent plus pour remplacer les ressources qui s’épuisent. Cela générera un resserrement de l’offre, mais pas avant deux, trois ans ou plus. D’ici là, la demande devrait être redevenue normale et les prix du pétrole pourront alors revenir entre 40 et 50 dollars américains le baril. »