Lutte au blanchiment d’argent : pas l’affaire de tous

Par La rédaction | 12 Décembre 2016 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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La lutte contre le blanchiment de capitaux pourrait être plus efficace en Europe si tout le monde collaborait rigoureusement, souligne le plus récent rapport de Tracfin sur les risques de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme. Une situation qui rappelle beaucoup celle du Canada.

Ce n’est pourtant pas que les signalements soient en baisse. L’an dernier, l’organisme français en a reçu 45 266, en hausse de 18 % par rapport à 2014, rapporte Le Figaro. Toutefois, la vaste majorité (93 %) émanaient des banques et établissements de crédit, du secteur de l’assurance ou d’établissements de paiement. Où étaient les avocats, les experts-comptables et autres professionnels concernés par ce vaste problème?

DES PROFESSIONNELS QUI SE DÉFILENT

C’est la question que pose Tracfin, en déplorant le manque de mobilisation de certaines professions. L’organisme pointe du doigt les gestionnaires d’actifs, les banques d’affaires, les marchands d’art, les experts-comptables, les avocats, les professionnels de l’immobilier ou les agents sportifs, des domaines pourtant reconnus comme vulnérables au blanchiment d’argent et à la pénétration par des intérêts criminels.

Même les déclarations transmises souffrent souvent d’une faible qualité. Elles sont régulièrement incomplètes et présentent un faible niveau d’analyse, souligne le rapport.

PAS MIEUX AU CANADA

Une situation qui est loin de surprendre le spécialiste en déontologie financière Michel Mailloux. Bien au fait des problèmes de la France sur ce plan, il rappelle que pendant longtemps, les banques remplissaient des rapports… mais ne les envoyaient pas, puisque rien ne semblait les y obliger. Des changements à la loi ont été nécessaires pour régler ce problème.

Et on aurait tort de se gausser. Au Canada, par exemple, le secteur immobilier est très peu conforme aux exigences de lutte contre le blanchiment d’argent. Plus tôt cette année, un rapport du Groupe d’action financière (GAFI) révélait que l’immobilier était particulièrement vulnérable au blanchiment d’argent, tout comme les organismes de charité et les compagnies d’assurance vie.

« En septembre, les résultats d’un rapport du CANAFE montraient que sur 823 agences immobilières étudiées, 31 seulement étaient parfaitement conformes, 324 montraient des déficiences limitées et 468 étaient franchement déficientes », rappelle Michel Mailloux.

MAUVAISES PERCEPTIONS

Selon lui, plusieurs raisons expliquent le peu d’empressement de certains professionnels à épauler la lutte contre le blanchiment d’argent. Le problème n’est pas nécessairement la législation, mais plutôt les perceptions et l’attitude des professionnels.

« Ce n’est pas à moi de faire la police », se disent plusieurs d’entre eux. Beaucoup ont aussi l’impression de ne pas être vulnérables, car ils se font payer par chèque, et non en argent comptant. « Or, dans la chaîne du blanchiment d’argent, le chèque est souvent la deuxième étape », rappelle Michel Mailloux.

Certains professionnels, comme les avocats et les notaires, sont couverts par une autre législation que celle des banques et des compagnies d’assurance, jugée passablement moins transparente par M. Mailloux. « Les banques et les caisses, qui sont en première ligne, collaborent beaucoup, explique-t-il. Le Mouvement Desjardins est particulièrement rigoureux à cet égard. Mais plusieurs autres secteurs professionnels, incluant celui des assurances et ceux des fonds communs ou des placements en général, le sont beaucoup moins. »

Il juge qu’il n’est pas si complexe de se conformer et rappelle qu’il y a un risque à ne pas le faire. En avril 2016, le CANAFE a imposé une pénalité de 1,1 M $CAN contre une banque canadienne (qu’il n’a pas voulu identifier) pour avoir omis de rendre compte d’une transaction suspecte et de divers transferts d’argent. Le risque est d’autant plus élevé que depuis juillet 2010, la fraude fiscale est un acte criminel au Canada. Mieux vaut prévenir…

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