Magasiner aux États-Unis, oui. Mais attention à l’IRS!

Par Annie Boivin | 26 juin 2012 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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The stars and stripes with dollar bills of the USA

Tel qu’annoncé dans le dernier budget fédéral, l’exemption pour les voyageurs a été bonifiée. Ainsi, depuis le 1er juin dernier la valeur des marchandises que peuvent importer en franchise de taxes et des droits les Canadiens qui voyagent à l’étranger, a été augmentée à 800 $ pour un séjour de plus de 48 heures aux États-Unis (voir encadré Nouveaux plafonds), de quoi nous donner envie d’aller magasiner de l’autre côté de la frontière.

Bien qu’aller magasiner chez l’Oncle Sam puisse être financièrement avantageux, y aller trop souvent peut devenir fiscalement périlleux! C’est que le substantial presence test permet au fisc américain de venir imposer le revenu d’un non-résident américain, qui est considéré comme un étranger résident fiscal, uniquement par le trop grand nombre de jours qu’il aura passé aux États-Unis au cours de l’année et des deux années précédentes. Et attention! Le fisc américain possède sa propre définition d’une journée, qui n’est pas nécessairement une présence physique de 24 heures. Dans le calcul servant à déterminer le statut de résidence fiscale américaine, un aller-retour ou quelques heures passées aux États-Unis compte pour une journée.

À ces journées de loisirs et de magasinage, doivent s’ajouter les séjours annuels que font régulièrement les Canadiens dans le Sud. En réalité, selon les lois fiscales américaines, ce ne sont pas six mois par année, mais précisément 122 jours par année que doivent passer au maximum les gens qui traversent la frontière de façon régulière pour les loisirs ou pour leurs vacances (voir encadré Personnes dispensées).

Ainsi, votre client qui séjourne fréquemment aux États-Unis pourrait être considéré comme un résident fiscal américain s’il satisfait aux critères du substantial presence test pour une année-calendrier. Les gens qui satisfont les critères de ce test doivent avoir été physiquement présents aux États-Unis :

  • 31 jours durant l’année-calendrier courante et
  • 183 jours durant la période de trois ans, qui inclus l’année calendrier en cours et les deux années-calendrier précédentes.

Pour faire ce calcul, il faut d’abord calculer tous les jours durant lesquels une personne a été présente aux États-Unis durant l’année en cours, auxquels s’ajoutent un tiers du nombre de jours passés en sol américain l’année précédente et un sixième des jours de présence durant l’année précédent l’année précédente. Par exemple, supposons que votre client ait été présent aux États-Unis 120 jours en 2010, en 2011 et en 2012. Pour déterminer si votre client satisfait aux critères du substantial presence test pour 2012, il faut considérer les 120 jours de l’année 2012, auxquels s’ajoutent 40 jours en 2011 (soit le tiers de 120) et 20 jours pour l’année 2012 (un sixième de 120 jours). Puisque ce total sur la période trois ans est de 180 jours, votre client ne sera pas considéré comme un résident fiscal américain en 2012 en vertu des règles du substantial presence test. Mais, si le total de cette simple addition avait excédé le chiffre magique de cent quatre-vingt-deux, votre client aurait échoué le test et il aurait conséquemment été reconnu comme étant un résident fiscal américain. C’est le cas des gens qui ont l’habitude de passer régulièrement six mois par année aux États-Unis, comme vos clients snowbirds ou ceux qui habitent près de la frontière américaine et qui y traversent fréquemment pour faire leurs courses.

En reprenant notre exemple, pour l’année 2012, nous devons considérer le nombre de jours de présence en totalité, disons 180. À ce nombre, il faut ajouter 60 jours en 2011 (soit le tiers de 180) et 30 jours pour 2010 (soit un sixième de 180), soit un total de 270, ce qui excède de beaucoup 182!

Si votre client a séjourné 183 jours ou plus, selon les critères de ce test il pourrait devoir, en plus de payer des impôts au Canada, en payer aussi aux États-Unis.

Afin d’éviter de devoir payer de l’impôt aux États-Unis sur l’ensemble de leurs revenus gagnés au cours de l’année, les Canadiens qui traversent la frontière de façon régulière et qui ne satisfont pas aux critères du substantial presence test, doivent compléter, chaque année avant le 15 juin de l’année suivante, le formulaire 8840-Closer Connection Exception Statement for Aliens, de l’Internal Revenue Service (IRS). À noter qu’un formulaire par personne doit être produit et non pas un par couple.

À défaut d’envoyer ce formulaire à temps, vos clients devront se tourner vers une autre porte de sortie pour éviter de devoir payer de l’impôt au Canada et aux États-Unis, sur l’ensemble de leurs revenus. Plus complexe, cette seconde solution oblige vos clients à produire une déclaration fiscale aux États-Unis, soit le formulaire 1040-NR (U.S. Nonresident Alien Income Tax Return) et le formulaire Form 8833 (Treaty-Based Return Position Disclosure Under Section 6114 or 7701(b)). À défaut d’envoyer aux autorités fiscales américaines les documents requis, vos clients qui ne satisferont pas aux critères du substantial presence test risquent de devoir payer des pénalités de non-divulgation et des impôts à l’Oncle Sam, et ce pour toutes les années durant lesquelles l’IRS les aura considérés comme étant des étrangers résidents fiscaux des États-Unis.

Bien connaître vos clients et connaître leurs routines de déplacement vous permettra de leur donner des conseils judicieux et de les référer à des experts, au besoin. Ce n’est qu’en faisant une analyse complète et détaillée de l’ensemble de leur situation financière et familiale et de leurs habitudes de vie que vous découvrirez peut-être aussi qu’en plus d’échouer le substantiel presence test, ils pourraient être assujettis aux droits successoraux américains sur les biens qu’ils possèdent aux États-Unis.

Nouveaux plafonds

Durée du séjour à l’étranger

Plafonds en vigueur auparavant

Plafonds depuis le 1er juin 2012

Plus de 24 heures

50 $

200 $

Plus de 48 heures

400 $

800 $

Plus de 7 jours

750 $

800 $

Personne dispensée Vous ne devez pas compter les jours où vous répondiez à la définition de personne dispensée. Le terme « personne dispensée » ne désigne pas une personne qui est dispensée de l’impôt américain, mais toute personne qui appartient à l’une des catégories suivantes et qui est dispensée de compter ses jours de présence aux États-Unis :

  • Une personne qui séjourne temporairement aux États-Unis à titre de foreign government-related individual;
  • Un professeur ou stagiaire qui séjourne temporairement aux États-Unis en vertu d’un visa « J » ou « Q » et qui répond pour l’essentiel aux conditions du visa;
  • Un étudiant qui séjourne temporairement aux États-Unis en vertu d’un visa « F », « J », « M » ou « Q » et qui répond pour l’essentiel aux exigences du visa;
  • Un athlète professionnel qui séjourne temporairement aux États-Unis pour prendre part à une compétition dans le cadre d’un événement sportif au profit d’un organisme de bienfaisance.

Si vous excluez des jours de présence aux États-Unis parce que vous appartenez à une catégorie spéciale, vous devez remplir le formulaire Form 8843, Statement for Exempt Individuals and Individuals with a Medical Condition.

Source : IRS

Annie Boivin, B.A.A., Pl. Fin., D.Tax., TEP est vice-présidente, Planification fiscale et successorale, chez Richardson GMP Limitée. Son équipe d’experts internes collabore avec les conseillers en placement et propose des solutions de gestion de patrimoine personnalisées, conçues pour répondre aux besoins en matière d’impôt, de succession, de philanthropie, d’assurance et de relève d’entreprise.

Annie Boivin