Maltraitance financière : les CPA s’inquiètent

Par La rédaction | 17 septembre 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Femme âgée
Photo : 123RF

À l’occasion du début des auditions sur le projet de loi 18, qui modifie certaines lois et dispositions en matière de protection des personnes, l’Ordre des CPA s’inquiète de la protection des personnes vulnérables contre la maltraitance financière.

Dans un communiqué et un mémoire diffusés mardi, l’Ordre souligne que « la maltraitance financière constitue le type de maltraitance le plus fréquemment rapporté » et que, face à cette réalité, son devoir est de « tout mettre en œuvre pour resserrer les mailles du filet de sécurité des personnes vulnérables qui sont susceptibles d’en être victimes ».

L’organisme dit saluer plusieurs propositions mises de l’avant dans le projet de loi (voir l’encadré), et plus spécialement « la volonté manifeste du législateur de reconnaître le caractère évolutif de la perte de facultés cognitives et de respecter l’autonomie des personnes inaptes ou en voie de le devenir ».

CRÉER UN GUICHET UNIQUE POUR SIGNALER LES ABUS

Si la reconnaissance du fait qu’un assistant puisse aider une personne majeure et que les « volontés et préférences » de cette dernière en matière de régimes de protection constituent autant d’« avancées positives  », l’Ordre ajoute que cela demeure néanmoins insuffisant. En particulier, pour qu’une personne en perte d’autonomie puisse bénéficier pleinement de l’assistance d’une aide digne de confiance, ce dernier « doit pouvoir intervenir auprès de tiers sans se faire objecter que des renseignements personnels concernant le majeur assisté ne peuvent lui être communiqués ».

À cette fin, le projet de loi devra donc être bonifié pour « relever expressément les professionnels et autres intervenants du milieu financier du secret professionnel ou du devoir de confidentialité auquel ils sont tenus dans leurs interactions avec l’assistant au majeur ».

Pour atteindre cet objectif, les CPA proposent au Curateur public de l’aider à réviser le guide de rédaction du mandat de protection et de « mettre au point un formulaire de reddition de compte qui serait mis à la disposition du mandataire et de la personne désignée pour la recevoir sur une plateforme infonuagique sécurisée ».

Débordant du simple cadre du projet de loi à l’étude, l’Ordre souhaite par ailleurs attirer l’attention des parlementaires sur « les lacunes du régime actuel de signalement par les professionnels de situations de maltraitance, qui n’offre qu’une protection limitée aux aînés et aux personnes victimes d’abus financiers ».

« Alors que le système québécois sert souvent d’exemple au reste du Canada en matière de protection du public, il est grand temps que les professionnels soient autorisés à dénoncer à un membre de la famille ou au Curateur public tant le comportement abusif du représentant juridique d’une personne inapte que l’inaptitude soupçonnée d’un de leurs clients », insistent les CPA.

Enfin, ces derniers recommandent que soit centralisé le signalement de situations de maltraitance auprès d’un guichet unique et que ce rôle soit confié au curateur.

Projet de loi 18 : Québec souhaite renforcer la protection des personnes inaptes

Même quand elle est jugée inapte, toute personne conserve ses droits civils et doit pouvoir les exercer, du moins lorsque cela est possible. C’est à partir de cette prémisse que le gouvernement québécois entend revoir le degré de protection offert aux personnes vulnérables, rapporte La Presse canadienne. Déposé en avril dernier à l’Assemblée nationale, le projet de loi 18 vise notamment à éviter la traditionnelle opposition entre personnes « aptes » et « inaptes », en modulant l’encadrement offert par le Curateur public en fonction de l’état de la personne et de ses besoins. Qu’il s’agisse d’un aîné souffrant de la maladie d’Alzheimer ou d’un jeune adulte autiste ou déficient intellectuel, Québec affiche l’intention de faire du « sur-mesure » en procédant au cas par cas.

Si quelqu’un fonctionne bien en général, mais éprouve des difficultés à payer ses factures, par exemple, à administrer ses biens ou à se démêler dans l’appareil gouvernemental, le législateur pourrait ainsi privilégier une forme d’aide temporaire et ciblée ne nécessitant pas de processus judiciaire. Si un autre est jugé inapte et ne peut plus exercer ses droits et ses activités normales, il pourrait lui être adjoint un mandataire, comme par le passé, mais qui aurait désormais de nouvelles obligations. Dans ce cas, une démarche judiciaire ainsi qu’une évaluation médicale et psychosociale demeureront toutefois requises.

DIMINUER LE RISQUE D’EXPLOITATION

Si le projet de loi est adopté en l’état, le mandataire d’une personne inapte devra notamment dresser un inventaire de ses biens et rendre des comptes à une tierce partie désignée, à moins que la personne jugée inapte n’y ait renoncé explicitement dans un document notarié. Toujours dans le cas où le projet sera adopté tel quel, c’est le Curateur public qui deviendra directeur de la protection des personnes vulnérables.

Les changements proposés incluent notamment le passage de trois types de régimes de curatelle (conseiller au majeur, tutelle et curatelle) à un seul : le régime unique de protection personnalisée. Quant à l’actuel mandat d’inaptitude, il serait rebaptisé « mandat de protection ». Québec prévoit aussi créer un nouveau statut d’« assistant », destiné aux personnes en légère perte d’autonomie, et ayant besoin de quelqu’un pour effectuer certaines tâches. C’est la personne elle-même qui devra désigner cet « assistant », à qui seront confiés certains pouvoirs et dont le nom figurera dans un registre.

Avec cette réforme, Québec dit vouloir valoriser davantage l’autonomie des personnes vulnérables, tout en leur permettant d’exercer leurs droits civils le plus longtemps possible. En toile de fond, le gouvernement indique également qu’il souhaite ainsi diminuer le risque d’exploitation et de maltraitance financière.

La rédaction