Mensonges, contradictions et roman policier

Par Suzanne Dansereau | 10 novembre 2016 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
4 minutes de lecture

<< Page précédente

Le tourbillon des tactiques déroutantes ne s’arrête pas là. Les témoignages de Thibault changent selon les circonstances et il n’offre aucune preuve corroborant ses affirmations.

Ainsi, il affirme avoir fait 24 ou 25 dépôts de 6 M$ et 8 M$ dans ses polices, pour dire plus tard que les montants se situaient entre 4 M$ et 6 M$.

Quand on lui demande d’où provenait l’argent, il évoque en premier lieu un compte en Suisse, puis, lors d’un témoignage subséquent, il indique que le compte était à Nassau, aux Bahamas. Que c’était un ami nommé Richard Kaiser qui s’en occupait… ou Lionel Kaiser, il ne se rappelle pas. Mais peu importe : il est mort, déclarera finalement M. Thibault, et les traces écrites de ces transactions ont disparu avec lui…

Lors d’un témoignage devant le tribunal québécois en 2011, il affirme d’abord que ses investissements offshore ont été « absolument déclarés » à l’impôt, puis il se ravise : « une partie seulement » a été déclarée. Puis, il conclut qu’il ne s’en souvient plus. Pourtant, il avait affirmé sous serment en 2002 ne jamais avoir déclaré ces montants à l’impôt.

Au sujet d’Oliver, son complice – qui, rappelons-le, a retourné sa veste en échange d’une immunité – on tombe littéralement dans le roman policier. Il raconte au tribunal qu’en novembre 2007, il l’a enregistré à son insu lors d’une rencontre à l’aéroport de Montréal en présence d’un agent de la Sûreté du Québec, pour ensuite transmettre l’enregistrement au FBI. Cet enregistrement allait démontrer son innocence, selon lui.

Puis, invité à produire cette preuve, il donne une autre version : l’agent en question est un policier à la retraite, le FBI devient un laboratoire de la police américaine et l’enregistreuse… n’a pas fonctionné.

Dans son jugement, Me De Grandpré soulève une autre contradiction : alors qu’il prétend être le meilleur courtier et donner des rendements formidables à ses clients, il finit par déclarer qu’il a perdu en Bourse les 12 millions prêtés par la banque TD et les 9 millions de retraits frauduleux de ses polices.

ZÉRO CRÉDIBILITÉ

Et c’est ainsi que dans son jugement rendu le 11 juillet 2011, le juge De Grandpré de la Cour supérieure du Québec a choisi d’accorder plus de crédibilité au témoignage de Clifford Oliver qu’à celui de M. Thibault.

« Le tribunal a du mal à accorder foi à Thibault lorsqu’il lui demande de le regarder dans les yeux quand il lui dit qu’il n’est pas un voleur ni un fraudeur et qu’il n’a jamais eu recours à des stratagèmes pour soutirer de l’argent à qui que ce soit » (…) À l’opposé de Oliver, Thibault a le regard fuyant (…) Il cherche toujours à s’expliquer avant de répondre à une question. Il n’est pas troublé par les procédures disciplinaires dont il a été l’objet, procédures qu’il continue de contester malgré les décisions finales. Il s’entête au lieu de reconnaître ses erreurs. »

Réaction de Jacques-André Thibault : il porte sa cause en appel, accusant le juge De Grandpré de partialité. L’appel est rejeté et ses polices résiliées. Quant aux dédommagements qu’il devait payer à Empire, l’assureur n’en a reçu qu’une fraction, soit moins de 400 000 $ sur 35,8 millions.

Le 1er novembre 2012, Thibault déclare une faillite personnelle de 75,4 M$, la plus importante des faillites personnelles de l’année au Québec.

Page suivante >>


Empire c. Thibault, une saga hors normes :

La rédaction vous recommande :

Suzanne Dansereau