Moins de commissions sur l’assurance vie en Australie

Par La rédaction | 21 Décembre 2016 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Le gouvernement australien a récemment adopté une loi qui réduira les commissions initiales payées sur les produits d’assurance vie et plafonnera les frais courants, rapporte International Adviser.

En vertu de cette nouvelle législation, les commissions initiales versées aux conseillers en services financiers seront progressivement abaissées à 60 %, soit environ la moitié de ce qu’ils peuvent actuellement gagner. De leur côté, les commissions récurrentes seront plafonnées à 20 %.

LA LOI ENTRERA EN VIGUEUR EN 2018

La nouvelle loi prévoit une période de « récupération » de deux ans de la commission initiale, aux termes de laquelle 100 % des frais versés pourront être retournés au client durant la première année, et 60 % en cas d’expiration d’une police.

Ces changements entreront en vigueur le 1er janvier 2018 et s’appliqueront à tous les conseillers en assurance vie du pays.

À l’origine, le gouvernement australien souhaitait aller beaucoup plus loin en interdisant totalement les commissions initiales. Toutefois, après avoir discuté de la question avec les représentants de l’industrie, il a accepté d’assouplir sa position, un geste qui a été apprécié par l’ensemble de la profession, souligne International Adviser.

DES CONSEILS DE PIÈTRE QUALITÉ

« Même si la plupart des conseillers ont bien compris que la réduction graduelle des commissions initiales qui entrera en vigueur à partir de 2018 sera compensée par une rémunération continue plus élevée, il s’agit là d’un changement vraiment important pour eux », explique Brad Fox, directeur général de l’Association of Financial Advisers in Australia.

« Les conseillers doivent travailler ensemble afin d’apprendre davantage de leurs expériences par rapport aux différents modèles de rémunération en vigueur, comme les commissions hybrides et les commissions nivelées, et par rapport aux frais », ajoute le dirigeant. Résolument optimiste, celui-ci assure que « le fait de passer en douceur d’un système à l’autre entraînera une valorisation accrue des pratiques pour les professionnels du secteur ».

La ministre australienne du Revenu et des Services financiers, Kelly O’Dwyer, a justifié ces dispositions en expliquant que les commissions initiales généraient un « haut niveau » de conseils d’assurance vie de mauvaise qualité.

En 2014, une étude de l’Australian Securities and Investments Commission, le régulateur de l’industrie, a révélé que dans 45 % des cas impliquant des commissions initiales élevées, les conseils fournis aux clients ne satisfaisaient pas à la norme légale. « Les changements apportés à la loi permettront de réduire considérablement les conflits d’intérêts et décourageront les conseillers de vendre aux consommateurs des produits d’assurance vie ne présentant aucun avantage pour eux », se félicite Kelly O’Dwyer.

L’ACCAP N’A PAS ENCORE TRANCHÉ

Interrogée par Conseiller sur l’intérêt éventuel d’une telle réforme au Canada, l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes n’a pas souhaité s’exprimer. « Nous n’avons pas de position sur cette question en particulier. La rémunération et la distribution sont des sujets qui sont actuellement discutés au sein des différents groupes de travail [de l’industrie], mais je ne peux prévoir dans quel sens iront les discussions », déclare Suzie Pellerin, vice-présidente adjointe, Affaires publiques et gouvernementales pour l’ACCAP-Québec.

Sur son site web, l’Association indique toutefois que « le maintien d’une solide approche client et l’établissement de processus et de procédures aptes à protéger les clients sont depuis longtemps les piliers de la législation sur les assurances, de la réglementation du marché, et de l’industrie des assurances vie et maladie au Canada ». Elle ajoute qu’elle entend « améliorer le système actuel et garantir qu’un cadre robuste et de calibre international soit en place pour les consommateurs de produits d’assurance » au pays.

« VIVE LE MODÈLE AUSTRALIEN! »

Daniel Guillemette se montre en revanche nettement plus prolixe. « Je suis bien évidemment en faveur d’une telle réglementation au Québec, affirme le président du cabinet de services financiers Diversico. C’est d’ailleurs un modèle que j’utilise depuis 1992 avec mon contrat Clé d’Or de la Great-West et je suis profondément déçu que la vaste majorité des autres assureurs n’aient pas suivi cette compagnie qui a proposé un modèle de commission nivelée dès 1981, soit 35 ans avant que cela ne devienne un sujet d’actualité ».

« Avec une commission de première année plus modeste, les conseillers apprennent à mieux gérer leurs propres finances et à avoir une vision à plus long terme de leur carrière, poursuit-il. De plus, après seulement quelques années, ils deviennent totalement indépendants des nouvelles ventes et peuvent alors consacrer plus de temps à conseiller et moins de temps à vendre. Il est plus facile d’être objectif quand on n’a pas à se préoccuper de son propre panier d’épicerie! »

« La commission nivelée a permis à Diversico d’atteindre l’indépendance financière sans même qu’une seule vente soit requise au cours d’une année donnée. J’ai ainsi pu me détacher complètement des ventes pour me consacrer entièrement à la vision stratégique de ce qui est devenu mon entreprise. Sans ce système, nous devrions faire comme la majorité des conseillers qui ont adopté le modèle de commission immédiate et courir chaque semaine après la prochaine vente. Et il est clair que je n’aurais jamais pu investir des millions de dollars dans la conception et le développement d’un projet comme iGeny », détaille le dirigeant.

LA FIN DES AGENTS GÉNÉRAUX?

Daniel Guillemette relève toutefois que « l’introduction de la commission nivelée par voie de réglementation risquerait d’avoir un effet dévastateur sur le modèle québécois, puisque cela signifierait certainement la mort de la majorité des agents généraux ». En effet, « l’enveloppe prévue par les actuaires pour la distribution ne permet pas d’offrir une rémunération perpétuelle pour l’agent général ni pour le conseiller », souligne-t-il.

« Le contrat Clé d’Or de la Great-West est certainement celui qui sera utilisé par les assureurs si une nouvelle réglementation arrive un jour au Québec, estime le patron de Diversico. Dans ce modèle, il n’y a pas d’agent général. La relation entre l’assureur et le conseiller est directe. Toute la commission nivelée est versée au conseiller, et ce, tant que la police demeure en vigueur. »

Sa conclusion? Il prédit « un avenir difficile » aux agents généraux, « qui se font déjà brasser depuis quelques années », et juge que l’éventuelle importation au Québec de la réglementation adoptée en Australie « pourrait bien donner le coup de grâce à plusieurs d’entre eux ».

« Les plus aptes à tirer leur épingle du jeu seront certainement ceux qui auront adopté un modèle léger et peu coûteux. Pour les autres, un grand coup de barre sera nécessaire s’ils veulent survivre », prévoit-il.

La rédaction