Naviguer à travers la chute du pétrole

Par Jean-François Parent | 16 juin 2015 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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La baisse de quelque 40 % du prix du baril observée dans la dernière année est là pour rester, forçant une réévaluation des stratégies d’investissement.

« La donne a changé sur les marchés pétroliers », relate Warren Jestin, économiste en chef de la Banque Scotia, de passage à Montréal plus tôt cette semaine.

Selon lui, « on ne parle plus d’un baril à 110 $, mais plutôt d’un baril dont le prix oscille autour de 50 à 60 $ » et ce, pour les prochaines années.

Les deux derniers trimestres, caractérisés par une chute importante des cours du pétrole, se sont cependant soldés par un retour à l’équilibre des prix du secteur énergétique. Le fléchissement de 28 % de l’indice TXOE du secteur énergétique de la Bourse de Toronto ne devrait pas se poursuivre. La volatilité du secteur semble terminée, au profit de la stabilité, observe Warren Jestin.

Le récent plaidoyer des pays du G7 pour une baisse draconienne de la consommation des énergies fossiles et les investissement importants dans celles renouvelables sont autant de facteurs qui devraient maintenir les prix aux alentours de 60 $ le baril, estime Michael Dooley, président portefeuilles américains chez Cabezon Investment Group.

En effet, « les Saoudiens et l’OPEP, qui contrôlent les plus importantes vannes du secteur pétrolier mondial, vont certainement maintenir le prix du baril à son plus bas niveau pour miner les investissements dans les sources d’énergie alternatives », dit-il.

UN IMPACT SUR LES PORTEFEUILLES

Les secteurs pétrolier et gazier comptent pour plus de 20 % de la capitalisation boursière canadienne. Leur impact sur les portefeuilles des épargnants est donc prépondérant. Et d’autres secteurs comme le crédit s’en trouvent affectés, estime Alessandro Rebucci, de l’Université Johns Hopkins.

« Les investissements corporatifs dans le secteur énergétique sont en baisse de 30 % au Canada, explique le chercheur. On note également un resserrement du crédit, ce qui affecte l’immobilier. En parallèle, les évaluations boursières sont très élevées. Tout cela fait en sorte qu’il est temps de penser à encaisser ses profits », ajoute M. Rebucci.

PASSER À L’OFFENSIVE

Pour les investisseurs, le malheur des uns fait cependant le bonheur des autres. Ainsi, la consommation et les services financiers sont en hausse, note l’économiste en chef de la Banque Nationale Stéfane Marion dans son analyse boursière de juin.

« La récente baisse des prix de l’essence a permis aux consommateurs d’accroître leurs dépenses discrétionnaires à l’échelle de tout le pays à un niveau inégalé jusque-là qui prépare le terrain pour un rebond du PIB et des bénéfices canadiens », écrit le stratège.

Il recommande ainsi une diminution des actifs énergétiques, au profit des secteurs financier et de la consommation. Il estime que la baisse du secteur énergétique devrait provoquer une « augmentation des investissements des entreprises [et] une création d’emplois honorable », deux éléments favorables au secteur bancaire.

Selon le planificateur financier Gaétan Veillette, du Groupe Investors, la situation actuelle a un impact négatif sur les portefeuilles des clients comptant plus 10 % d’actifs dans le secteur énergétique. « Mais elle a un impact positif pour ceux qui épargnent dans ce secteur », alors qu’il peut être souhaitable d’augmenter leur pondération, afin de profiter des soldes en vigueur. Il estime que l’état actuel des secteurs des services financiers et de la consommation sont de bon augure pour les investisseurs.

Il est cependant d’avis que pour les investisseurs en épargne collective, « généralement, ne pas bouger est la meilleure stratégie ». Les gestionnaires de fonds communs ont déjà immunisé leurs investissements pour contrer la situation actuelle.

STRATÉGIE FISCALE EN VUE

Par contre, si un épargnant entend générer du profit, Gaétan Veillette estime qu’une stratégie fiscale est une bonne solution.

« Dans un portefeuille non enregistré, on peut cristalliser sa perte et on se donne un coussin de déductions fiscales. Une perte en capital réalisée donne lieu à des déductions. »

Par ailleurs, pour un retraité qui détient des actifs énergétiques dans un REER ou un FERR, « la baisse de valeur du marché peut être l’occasion de défiscaliser les gains pour les transférer au CELI par exemple ». Gaétan Veillette explique qu’un impôt reporté permet de générer de 1 à 2 % de rendement supplémentaire.

Il met en garde ses clients tant contre un excès de zèle que contre un excès de prudence, en citant l’analogie d’une voiture sur l’autoroute. « Si on va trop vite, on risque de frapper un mur. Mais si on va trop lentement, on risque de se faire emboutir », conclut-il.

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Jean-François Parent