OPINION – Les potentiels effets pervers des fonds à honoraires

Par Sylvain Beaulieu, collaboration spéciale | 9 mars 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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On traite beaucoup de l’abolition éventuelle des commissions intégrées ces derniers temps, mais je n’ai entendu personne parler des effets pervers des fonds à honoraires. Pourtant, ils sont bien réels.

Actuellement, avec la fiche d’un fonds à commission de suivi intégrée, le client sait exactement le rendement net qu’il obtient. De toute façon, nous devons lui expliquer les frais qu’il encourt en lui remettant l’aperçu de fonds. Il connaît la commission de suivi qu’il paie (et que je reçois) et les frais associés au fonds. Trop simple?

Si j’avais l’esprit un peu tordu, je pourrais « valoriser » les résultats d’un fonds en le vendant à honoraires avec une fiche montrant au client le rendement AVANT les honoraires, et ensuite facturer l’équivalent de la commission de suivi intégrée. Les fiches que je lui remettrais lui feraient croire que son fonds est très performant, mais comment saura-t-il le classement réel de son fonds après honoraires?

Encore plus pervers, avec des comptes à honoraires, la réglementation me permettrait de facturer jusqu’à 1,5 % d’honoraires pour un fonds d’obligations canadiennes qui ne devrait pas coûter au client plus que 0,5%.

Ainsi, pour régler un problème qui n’en est peut-être pas un, on devra commencer à donner des aperçus de fonds qui exagèrent les rendements réels que le client obtiendra. La loi permettrait même de facturer plus cher que ce que le fonds à commission intégrée nous rapporte.

Belle amélioration pour le client et la transparence des produits qu’il achète!

Il m’arrive d’utiliser les fonds à honoraires avec les clients qui détiennent plus de 100 000 $ dans plus d’un compte. Cela me permet de leur donner un rabais par rapport au fonds de classe A et réduit mes honoraires.

Mais pour le client qui a un compte de 15 000 $? Cela implique d’ajouter une ou deux étapes pour établir une entente d’honoraires et y lier tous les comptes du client (REER, CELI, REEE, etc.). De plus, les frais des comptes à honoraires sont rarement inférieurs à 100 $ par année si le solde ne dépasse pas les 100 000 $ (compte autogéré enregistré), alors que les comptes à commission au solde comparable ne comportent pas de frais.

Ce sont encore les petits qui souffriront le plus… Plusieurs seront possiblement livrés à eux-mêmes, ou deviendront tributaires du conseiller que les banques voudront bien leur fournir et qui, souvent, ne sera pas le même d’une année à l’autre…. Comment établir une stratégie de retraite dans ce contexte?

Quand j’étais directeur d’une caisse de village, qui avait 1 000 clients, moins de 20 clients détenaient environ 75% de l’argent déposé à la caisse (environ 6 M$). Les 980 autres possédaient le reste, soit 1 500 $ chacun. Si cette expérience reflète une certaine réalité, on peut considérer que 95 à 98 % des gens commencent par de petits comptes, car rares sont ceux qui quittent le nid familial avec 100 000 $ et plus dans leur compte.

Bref, à qui sert vraiment cette réforme? Les nouvelles propositions me semblent beaucoup moins transparentes pour le client qu’actuellement, où on lui remet un aperçu du fonds, complété par des explications quant aux frais et commissions de suivi. Plus simple et plus clair, il me semble.

Sylvain Beaulieu Conseiller en sécurité financière (détenteur d’un permis de l’Institut IFSE), Sun Life

Sylvain Beaulieu, collaboration spéciale