Pas de honte à spéculer

Par André Gosselin | 24 mars 2011 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Dans le discours des professionnels de l’investissement, le mot « spéculation » a généralement une connotation péjorative, écrit André Gosselin, Ph. D., fondateur de la philosophie de gestion d’Orientation Finance. Le spéculateur s’oppose à l’investisseur, dans la mesure où le premier n’aurait pas une démarche rationnelle de placement, alors que le second connaîtrait mieux les limites et les risques associés à une catégorie d’actifs.

Pourtant, le Larousse définit le terme « spéculer » comme des opérations financières ou commerciales en vue d’obtenir un gain d’argent de leur exploitation ou, plus fréquemment, de leur revente. Si on accepte cette définition, cela pourrait vouloir dire que tous les boursicoteurs sont des spéculateurs, qu’il s’appelle Warren Buffett ou Joe Bleau.

J’ai toujours eu de la difficulté à distinguer l’investisseur du spéculateur. À mon avis, tous les investisseurs et même tous les gens d’affaires sont à des degrés divers des spéculateurs. Qu’est-ce qu’un homme d’affaires prospère, sinon un spéculateur qui a réussi?

Des auteurs ont aussi suggéré que l’investisseur devient un spéculateur quand il n’hésite pas à emprunter pour acheter des actions. Je connais des gestionnaires de fonds de couverture (hedge fund) qui utilisent un effet de levier très important dans leurs opérations boursières, dans le cadre d’une stratégie qui demeure tout de même très prudente et défensive, puisqu’elle est en quelque sorte immunisée contre les tendances à la baisse du marché dans son ensemble.

C’est le cas entre autres avec les opérations d’arbitrage sur les fusions et acquisitions, quand la stratégie consiste à acheter la compagnie qui fait l’objet d’une acquisition et à vendre à découvert celle qui se porte acquéreur. Le gestionnaire de ce type de fonds peut utiliser à fond ses marges de crédit afin de tirer le maximum de son opération d’arbitrage, tout en réduisant le risque du marché à zéro, ou presque. Vu sous cet angle, il est moins « spéculateur » que vous et moi.

La spéculation financière n’est pas une activité humaine condamnable. La colonisation de l’Amérique a été une entreprise de spéculation. L’établissement des premières colonies américaines a été rendue possible par des compagnies qui promettaient un rendement de 20 % à ceux qui voulaient financier cette aventure, comme le fit sir Walter Ralegh avec la Virginia Company au début du 17e siècle.

La création de New Amsterdam (qu’on baptisa plus tard New York) fut rendue possible par une émission d’actions de la Dutch East India Company, lesquelles faisaient l’objet d’une intense spéculation à la Bourse d’Amsterdam. Plusieurs chefs d’États américains et fondateurs de la nation américaine furent des spéculateurs, à commencer par George Washington lorsqu’il fonda la Mississippi Company pour acheter et revendre les terres de l’Ouest, Benjamin Franklin avec ses activités spéculatives sur les terres de l’Illinois, ainsi que Thomas Jefferson et Alexander Hamilton dans le même créneau.

La spéculation, qu’elle soit boursière, immobilière, foncière ou autre, fait partie intégrante de la mentalité des Américains, des Canadiens et de tous ceux qui ont choisi d’immigrer sur ces terres d’accueil, et qui avaient un rêve à réaliser dans des pays qui offrent moins de contraintes que partout ailleurs. La spéculation est inhérente à toute nation qui encourage les initiatives, et dont l’imagination et l’action sont tournées vers le futur. Ce n’est pas différent avec la Bourse.

Le contenu de cette chronique a été gracieusement fourni par le cabinet Orientation Finance.

André Gosselin