Petites capitalisations, grands espoirs

10 août 2012 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Les titres à petite capitalisation ont le vent en poupe et suscitent l’intérêt de nombreux investisseurs, qui y voient un terreau fertile pour la croissance. Mais encore faut-il savoir bien les évaluer pour miser sur le bon cheval.

En janvier dernier, la performance des titres canadiens à petite capitalisation a été supérieure de plus de 400 points de base à celle des titres canadiens à grande capitalisation. Il est vrai que « l’effet janvier » n’est pas étranger à cette remontée. « Chaque fin d’année, il y a ventes à perte à des fins fiscales (tax loss selling), ce qui entraîne une baisse des cours. Dès la nouvelle année, certains investisseurs rachètent les placements qu’ils avaient vendus à perte, d’où une réappréciation des cours », détaille Jennifer Law, vice-présidente, actions, Gestion globale d’actifs CIBC, qui se spécialise depuis 15 ans dans ces titres.

Tout de même, ce phénomène ne justifie pas à lui seul les résultats observés, qui laissent entrevoir une tendance plus durable. Mme Law attribue l’engouement en bonne partie à une plus grande confiance des investisseurs. Elle estime que ces derniers sont désormais plus en paix avec la volatilité. Ils se sont habitués aux grands titres dans les médias sur les problèmes de dettes en Europe et ont surtout compris que ce problème européen ne se réglera pas rapidement. Ils sont optimistes par rapport à l’économie et au taux de croissance des entreprises, assure-t-elle.

Par ailleurs, la situation économique nord-américaine a aussi contribué à la bonne performance des titres à petite capitalisation canadiens. « Vers le milieu de l’année 2011, les investisseurs avaient peur qu’on assiste à un effet de double prélèvement (double-dip) dans cette partie du continent, mais à la fin de l’année, les données démontraient que l’économie était en meilleure posture », poursuit Jennifer Law.

Un effet qui perdure Si Jennifer Law affirme ne pas avoir été surprise par la bonne performance de ces titres au premier trimestre de 2012, elle a été étonnée par l’étendue du phénomène et l’écart entre les titres à grande capitalisation et les titres à petite capitalisation. « C’est spectaculaire », lance-t-elle.

Et c’est de bon augure pour les mois à venir. « L’économie des marchés émergents continue d’être forte et les prévisions de croissance pour la Chine et pour l’Inde sont positives, mieux que pour la plupart des pays développés », explique-t-elle. Environ 58 % des titres canadiens de petite capitalisation détenus dans les portefeuilles sont des titres d’entreprises évoluant dans le secteur des ressources. « Ceux qui achètent le plus ces ressources (huile, cuivre, pétrole, etc.) sont la Chine, l’Inde et le Brésil, ce qui ne peut qu’avoir une incidence positive sur la performance des titres de petite capitalisation. »

Savoir choisir Mais comment choisir les bons titres de petite capitalisation? Selon Jennifer Law, distinguer le bon grain de l’ivraie est la clé du succès. « Ce n’est pas comme choisir des titres de grande capitalisation, où il y a seulement 200 noms sur la liste et où le taux de roulement est minime. Dans le cas des titres de petite capitalisation, il y a de 2000 à 3000 noms sur la liste et beaucoup de changements. Il faut analyser la compagnie : quelle est sa position sur le marché? Quelles sont ses perspectives à long terme? Sa compétition est-elle forte? On détermine ainsi qu’un produit est intéressant, qu’il a un avantage concurrentiel, que sa croissance promet d’être positive pour les deux à trois prochaines années, que l’entreprise est bien gérée et que son rendement antérieur est positif », explique Jennifer Law.

Mais ce n’est pas tout : une fois cette analyse faite, il faut en faire une autre qui portera sur la valeur de la compagnie même et ses projections de croissance. « Une fois que l’on a fait ces deux analyses, nous avons les données en main pour déterminer s’il s’agit d’une compagnie gagnante », ajoute-t-elle. Étant donné le petit nombre de candidats sur la liste, en déterminant les gagnants, on identifie par élimination les perdants.

Un bon exemple d’entreprise intéressante est Flint Energy Services, confie Jennifer Law, une compagnie de travaux de construction dans le secteur des sables bitumineux. « Nous cherchions des sociétés dans ce secteur. Nous avions déjà eu des titres de Flint, mais nous les avions vendus à l’époque où le secteur des sables bitumineux n’allait pas très bien. Aujourd’hui, le secteur se porte mieux. Nous pensons que cette compagnie va en profiter. Nous avons analysé tous les joueurs comparables et Flint se distingue vraiment du lot. »

Faut-il investir dans les titres miniers? L’année dernière, les compagnies d’exploration aurifère au Yukon ont fait la une des journaux. « Les espoirs étaient grands, tout comme le potentiel géologique. Il est cependant trop tôt pour dire si ce sera le prochain Nevada. Ces compagnies d’exploration ont mal performé l’année dernière, elles ont peiné à trouver du financement et il faudra attendre quelques années avant qu’elles aient des liquidités », précise Jennifer Law.

Pour l’heure, Jennifer Law conseille d’être prudent, avec le secteur de l’or comme avec toutes les autres explorations minières. Les investisseurs ne sont pas encore prêts à courir des risques et c’est un secteur encore assez risqué. « Dans un portefeuille de matières premières, la clé est d’équilibrer les sociétés en phase d’exploration, celles qui vont commencer à produire bientôt, et celles qui produisent déjà. Il vaut mieux diversifier le risque, car les exploratrices n’ont vraiment plus la cote. En 2011, la plupart ont perdu autour de 30 % alors que l’or a gagné 10 %. L’écart est énorme. », conclut-elle.

Cet article s’appuie sur une entrevue réalisée par Francis Plourde.