PL 141 : près de la moitié des conseillers insatisfaits

20 août 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Si près de la moitié des lecteurs de Conseiller se disent mécontents du projet de loi 141 tel qu’il a été adopté en juin dernier, une proportion presque aussi importante avoue ne pas se sentir concernée, révèle un sondage effectué par la publication, qui s’adresse pourtant aux professionnels en services financiers.

Parmi les 1 479 participants au sondage, qui ont voté du 20 juin au 14 août directement sur le site web de Conseiller, 44 % se sont dit insatisfaits du projet de loi 141, tel qu’il a été adopté le 13 juin dernier, avec ses amendements.

Rappelons que le controversé projet de loi a été amendé plus de 400 fois avant son adoption. L’abolition de la Chambre de la sécurité financière (CSF) et de la Chambre de l’assurance de dommages (ChAD) prévue au départ n’a ainsi pas survécu dans la version finale. Défendue avec acharnement par le ministre des Finances Carlos Leitāo, l’intégration de la mission des chambres à l’Autorité des marchés financiers (AMF) était contestée par une partie de l’opposition, les associations de consommateurs et de nombreux conseillers.

DES GAINS POUR LES CONSOMMATEURS

D’autres aspects du projet de loi ont été modifiés avant son adoption. Les consommateurs pourront porter plainte contre une institution financière et entrer dans un processus de médiation sans payer de frais, contrairement à ce qui était proposé dans la première version. Les critères du Fonds d’indemnisation des services financiers ont été assouplis et les victimes de fraudes pourront désormais demander rétroactivement une compensation. Ils pourront aussi porter les décisions du Fonds en appel.

L’encadrement de la vente d’assurance en ligne, qui inquiète les associations de défense des droits des consommateurs, a aussi été modifié. Désormais, quiconque veut vendre de l’assurance en ligne devra se constituer en cabinet et respecter les règles de conformité qui s’appliquent à tous les cabinets.

UN CONSEILLER SUR TROIS INDIFFÉRENT

Malgré ces changements (et bien d’autres encore), les conseillers restent apparemment peu convaincus de la pertinence de ce projet de loi. De fait, seulement 10,68 % en sont entièrement satisfaits. Un autre 16,23 % se dit satisfait, mais en partie seulement. Peut-être plus étonnant, un conseiller sur trois (29,07 %) ne se sent tout simplement pas concerné par le projet de loi 141.

C’est le cas de Ian Sénéchal, conseiller en sécurité financière auprès de Conseiller.net et représentant en épargne collective auprès d’Investia Services Financiers Inc. Il est aussi coauteur de l’ouvrage D’endetté à millionnaire.

« Depuis le début de ma carrière en 2011, il y a des changements réglementaires presque chaque année en investissement ou en assurances, affirme-t-il. J’ai choisi depuis longtemps de m’adapter rapidement et efficacement à chacun de ceux-ci, sans perdre mon temps à les combattre. Mon mantra, c’est adapte-toi rapidement ou tu vas avoir du trouble! »

Ce qui ne veut pas dire qu’il n’a aucune opinion sur le projet de loi 141. En fait, il se dit déçu que le ministre ait reculé sur la question de la fusion des deux chambres à l’AMF. Selon lui, la multiplication des changements réglementaires ces dernières années découle en grande partie de la multiplication des organismes régulateurs.

« Tout le monde veut changer les choses et nous, qui sommes au milieu de tout ça, on a l’impression de se faire bombarder, déplore-t-il. S’il n’y avait qu’un seul organisme canadien, ça ferait mon bonheur. En investissement, je paie un permis en Ontario, au Québec, au Nunavut et en Colombie-Britannique pour m’occuper d’une clientèle en expansion, qui bouge rapidement et change de province souvent. »

Il partage l’intérêt affiché par le ministre pour le principe d’un guichet unique. « Si les conseillers sont mêlés dans tout ça, imaginez comment les clients lésés font pour trouver les bonnes ressources pour les aider! », lance-t-il.

UNIR LES CONSEILLERS

De son côté, Daniel Guillemette, président de Diversico, s’attriste plutôt de la division que semble révéler le sondage de Conseiller.

« J’ai l’impression que certains vont en conclure que les conseillers sont extrêmement divisés et que, conséquemment, tous les changements législatifs qui seront faits à leur détriment n’auront aucune conséquence, explique-t-il. Nos associations n’ont pas encore réussi à créer cette unité passionnelle qui caractérisait l’époque de l’Association des intermédiaires en assurance de personnes du Québec (AIAPQ).

L’AIAPQ était l’organisation qui a précédé la CSF de la fin des années 1990 à l’an 2000. Elle visait à protéger le public en inspectant, surveillant, disciplinant et formant ses membres. Elle est disparue, mais tous ne l’ont pas oubliée. En janvier 2014, Flavio Vani, président de l’Association des professionnels en services financiers (APCSF), regrettait ouvertement sa disparition dans un article de Conseiller, arguant que les représentants n’avaient plus vraiment voix au chapitre depuis sa dissolution.

De son côté, Daniel Guillemette espère que le mouvement Asteris aura un effet rassembleur pour les conseillers indépendants. Lancé en 2018, Asteris veut regrouper ces conseillers et leur fournir une accréditation attestant de leur indépendance dans tous les aspects qui entourent leur pratique, en plus de développer des pratiques plus uniformes.

Quant au projet de loi 141, il reste difficile d’estimer ses répercussions, puisqu’il faut encore attendre de connaître les règlements qui en détermineront l’application. Reste à voir s’ils viendront modifier le regard que les conseillers portent sur cette imposante pièce législative.