Plaidoyer pour la création d’une Banque du Québec

Par La rédaction | 8 juin 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Léo-Paul Lauzon dénonce l’existence d’un cartel des grandes banques canadiennes, allant à l’encontre de la mise en place d’une véritable économie de marché favorisant la concurrence.

« Je crois à l’économie de marché lorsqu’il y a une véritable économie de marché, scande Léo-Paul Lauzon, professeur au département des sciences comptables de l’UQAM. Quand celui-ci favorise la concurrence et permet aux consommateurs d’obtenir le juste prix comme c’est le cas dans la restauration ou dans l’automobile. Or ce n’est vraiment pas le cas dans le secteur bancaire aujourd’hui au Canada. »

La solution selon lui passerait par la création d’une Banque du Québec avec des points de service présents dans les succursales de la SAQ, de la SAAQ ou encore de Postes Canada, aussi bien en ville que dans les régions éloignées. Il s’agirait d’une société en propriété collective et à but lucratif, dont les bénéfices iraient à l’État afin de lui permettre de financer les services publics.

« En disant cela, j’ai bien conscience de ne pas être populaire, admet-il. Dès que l’on parle de privatisation, qu’il s’agisse de la SAQ, des garderies, des aéroports ou encore de la poste, ça fait la manchette des jours durant. Mais annoncer que l’on souhaite créer une nouvelle entité publique, ça passe complètement sous le tapis. »

PAS DE CONCURRENCE

Il constate pourtant que de plus en plus de banques ont fermé leurs succursales dans les régions éloignées et même dans certains quartiers urbains, moins intéressants financièrement pour les actionnaires des grandes banques. Il épingle d’ailleurs de la même façon Desjardins, qui certes n’a pas d’actionnaires mais des sociétaires, mais qui se comporte de la même façon que ses consœurs, selon lui. Il en veut pour preuve la fermeture de nombre de points de services ces derniers mois.

Léo-Paul Lauzon fustige également l’indécence des profits des grandes banques qui, trimestre après trimestre, engrangent des bénéfices records et qui n’ont finalement pas eu à souffrir de la récession de 2008.

« Elles agissent comme un véritable cartel, affirme-t-il. Sinon, comment expliquez-vous que même si la Banque du Canada n’a pas relevé son taux directeur la semaine dernière, elles aient augmenté leurs taux hypothécaires? Comment expliquez-vous qu’elles augmentent toutes leurs frais bancaires à peu près en même temps? Il n’y a pas de réelle concurrence dans le secteur bancaire et ce sont les consommateurs qui en font les frais. »

Les consommateurs mais aussi les PME, précise M. Lauzon, qui affirme qu’elles sont de plus en plus nombreuses à s’en plaindre.

L’ÉTAT DÉJÀ PRÊTEUR

Le professeur indique par ailleurs qu’il serait assez facile pour le gouvernement québécois de créer cette Banque du Québec. Il explique que celui-ci est déjà dans le secteur, par l’entremise d’un organisme comme Investissement Québec par exemple, dont le rôle est de prêter de l’argent aux entreprises.

« C’est quoi une banque? poursuit-il. Un bureau qui gère des dépôts et qui prête de l’argent. Le gouvernement prête déjà, et gérer des dépôts, c’est franchement facile. Aujourd’hui, le gouvernement prend tous les risques en prêtant aux entreprises auxquelles les banques ne veulent pas prêter. Et il s’interdit de gérer la partie dépôts, qui pourrait lui rapporter pas mal plus. »

En tant que société en propriété collective, la Banque du Québec serait soumise à plus de surveillance. Elle ne pourrait pas non plus proposer des taux et des frais exorbitants et le marché privé serait alors obligé de se réguler lui-même pour faire face à cette concurrence, soutient Léo-Paul Lauzon.

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