PlexCoin : des Québécois poursuivis aux États-Unis

Par La rédaction | 5 Décembre 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : 123RF

La Securities and Exchange Commission (SEC) accuse un couple de Québécois d’avoir arnaqué des milliers d’investisseurs à hauteur de 15 millions de dollars en leur vendant frauduleusement une monnaie virtuelle, rapporte Radio-Canada.

Lundi, le gendarme de la Bourse aux États-Unis a annoncé avoir engagé des poursuites contre Dominic Lacroix, 35 ans, et sa conjointe, Sabrina Paradis-Royer, 26 ans. Les éléments à charge contre le couple figurent dans un document de 35 pages déposé le même jour en cour fédérale, à Brooklyn, dans l’État de New York.

La SEC y réclame entre autres le remboursement des sommes volées, en plus de dommages et intérêts ainsi que des pénalités financières. Elle demande aussi que des interdictions soient prononcées pour empêcher les deux Québécois de procéder à de nouvelles offres du même type. Selon l’autorité de régulation, Sabrina Paradis-Royer « a elle-même dirigé le débours des fonds de comptes [d’argent recueilli], étant complètement au courant ou en faisant fi avec zèle des agissements de son partenaire Lacroix », écrit Le Journal de Montréal. Citant le document déposé en cour, le quotidien précise que l’argent ainsi recueilli « n’était pas destiné à faire du développement d’affaires, mais plutôt à financer les dépenses de Lacroix et de Paradis-Royer, incluant des projets de décoration de maison ».

UNE PROMESSE DE PROFIT DE 1 354 % EN 29 JOURS!

Le document de la SEC rappelle en outre que Dominic Lacroix et sa société PlexCorps ont fait la promotion et vendu sur Internet leur cryptomonnaie, baptisée PlexCoin, en faisant miroiter aux investisseurs qu’ils pourraient réaliser un profit de… 1 354 % en 29 jours! La SEC y allègue notamment que Lacroix s’est employé à faire passer cette monnaie virtuelle pour une cryptomonnaie sophistiquée « dans le but d’échapper aux obligations d’enregistrement des lois fédérales américaines sur les valeurs mobilières. »

Dans un communiqué (en anglais) publié lundi matin, l’organisme américain de réglementation indique que Lacroix et PlexCorps ont levé jusqu’à 15 millions de dollars auprès de plusieurs milliers de particuliers depuis août « en promettant mensongèrement un retour sur investissement de 1 à 13 en moins d’un mois » à des investisseurs aux États-Unis et ailleurs dans le monde par le biais d’une ICO (Initial coin offering). La SEC ajoute qu’elle a obtenu une ordonnance d’urgence du tribunal pour obtenir les gels des éléments d’actifs du couple et de leur compagnie.

Cette procédure est la première engagée par la Cyber Unit, l’unité spéciale de la SEC créée en septembre, qui a pour mission de lutter contre les fraudes en ligne. « Cette première affaire engagée par l’unité de cyber-crime répond à toutes les caractéristiques d’une véritable fraude en ligne et est exactement le genre d’escroquerie qu’elle continuera à traquer », explique dans le communiqué son responsable, Robert Cohen. « Nous avons agi rapidement pour protéger les petits investisseurs des fausses promesses de cette collecte de fonds en cryptomonnaie », insiste-t-il.

L’AMF A AIDÉ LES AMÉRICAINS DANS LEUR ENQUÊTE

Le succès des ICO, qui échappent à toute régulation, inquiète plusieurs autorités de surveillance du secteur financier dans le monde, souligne l’Agence France-Presse. « Pour lever des fonds, pas besoin de banque-conseil ou de feu vert des autorités, il suffit de présenter son projet sur son site internet, en précisant le prix du « jeton » que l’on s’apprête à émettre et les droits qu’il ouvre », détaille l’AFP. L’agence ajoute que si ce genre d’opérations demeurait jusqu’ici « cantonnées à un public confidentiel et spécialisé », ce n’est plus aujourd’hui le cas en raison de « la fascination croissante pour les cryptomonnaies » au sein du grand public.

Dans son communiqué, la SEC souligne par ailleurs qu’elle apprécie l’aide que lui a offerte l’Autorité des marchés financiers (AMF) et présente Dominic Lacroix comme un « récidiviste », en rappelant ses démêlés avec la justice québécoise. Celui-ci a en effet été déclaré coupable notamment d’outrage au tribunal en octobre dernier par la Cour supérieure du Québec après qu’il eut défié une ordonnance du Tribunal administratif des marchés financiers (TMF) lui enjoignant de fermer les sites qui proposaient le PlexCoin.

L’AMF avait alors fait valoir que la mise en circulation de cette cryptomonnaie avait permis à l’homme d’affaires et à sa compagnie d’encaisser plus de 11 millions de dollars. Lors des observations sur la peine, le 14 novembre, Radio-Canada rappelle que l’Autorité avait réclamé six mois de prison assortis d’une amende de 10 000 dollars à titre personnel pour Dominic Lacroix. Elle avait en outre réclamé une autre amende, cette fois de 100 000 dollars, pour une compagnie qu’il dirige à Québec.

« MÉPRIS DES AUTORITÉS RÉGLEMENTAIRES »

Le communiqué de la SEC mentionne enfin le fait que Lacroix « a montré à plus d’une reprise son mépris des autorités réglementaires », puisqu’« un t-shirt a même été mis en vente sur un site lié à Plexcorps, où l’on voit un homme faire un geste offensant à l’endroit de l’AMF », note le JdeM. Rappelons qu’en 2013, Dominic Lacroix et sa compagnie Micro-Prêts avaient plaidé coupable à six chefs d’accusation pour placement illégal, pratique illégale et transmission d’informations fausses ou trompeuses. La Cour du Québec leur avait alors imposé une amende de 25 000 dollars.

Selon l’Autorité, entre sept et huit millions de dollars investis dans le PlexCoin n’ont toujours pas été retrouvés et Radio-Canada relève que l’enquête a récemment indiqué que d’importants montants avaient transité dans les comptes bancaires de Sabrina Paradis-Royer.

Cette affaire survient dans un contexte où les cryptomonnaies connaissent un succès grandissant au pays, et ce, malgré les multiples mises en garde dont elles ont fait l’objet de la part des autorités de régulation. Ainsi, Impak Coin, la première monnaie cryptographique officiellement avalisée par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) a été mise en vente cet automne. Quelques jours plus tard, les ACVM avaient toutefois publié un avis à valeur d’avertissement pour les fintech tentées de se lancer dans l’aventure sans respecter certaines règles.

La SEC approuve une première vente de cryptomonnaie

Indeco a procédé hier à la première prévente d’éléments d’actifs cryptographiques au monde selon les règles de la SEC pour la réglementation du financement participatif, annonce la compagnie américaine dans un communiqué (en anglais).

« Ces règles permettent à tous, quelle que soit leur valeur nette ou leur niveau de revenu, d’investir dans des titres émis par des entreprises en démarrage », indique Indeco, qui précise que « avec le prix du bitcoin qui a récemment dépassé la barre des 10 000 dollars, l’intérêt des investisseurs pour les actifs cryptographiques est intense ».

« Nous nous sommes engagés à respecter les règlements de la SEC dans cette période de prévente, dans l’ICO que nous proposons ainsi que dans le marché secondaire. Nous savons que tous les éléments d’actifs cryptographiques seront soumis à un examen réglementaire et nous prévoyons créer une valeur substantielle pour nos investisseurs en développant proactivement une offre conforme à la réglementation », conclut Indeco.

La rédaction