Plusieurs Québécois inquiets pour leur avenir financier

Par La rédaction | 23 janvier 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Près d’un Québécois sur trois se dit inquiet par rapport à sa situation financière, indique un rapport publié vendredi par la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke.

Intitulé Fiscalité et perception financière : la connaissance de la fiscalité améliore l’évaluation que les gens font de leur situation, ce document d’une vingtaine de pages a été rédigé par Antoine Genest-Grégoire, Jean-Herman Guay et Luc Godbout. Sa conclusion? Il existe un fort sentiment de précarité, en particulier parmi les jeunes, et celui-ci est encore plus fort lorsqu’ils possèdent un faible niveau de littératie fiscale.

Partant du principe que si la sécurité financière des ménages « a indéniablement un caractère objectif, mesuré par des indicateurs comme le ratio endettement-revenu disponible », les chercheurs postulent qu’elle revêt également « une part subjective ».

« L’évaluation que les gens font de leur propre situation peut dépendre des buts qu’ils se fixent, des inquiétudes qu’ils nourrissent quant à l’avenir ou des perceptions très quotidiennes quant à leur capacité à faire face aux obligations financières qu’ils ont contractées », estiment-ils.

UN MILLIER DE PERSONNES SONDÉES

Pour tenir compte de ce biais, ils ont donc demandé à un millier de personnes de remplir un questionnaire construit autour de sept indicateurs. Dans chacun des cas, les sondés devaient juger si la situation évoquée dans l’énoncé correspondait très bien, assez bien, assez mal ou très mal à leur situation.

Le but était d’évaluer combien d’entre eux se trouvaient dans une situation difficile ou préoccupante, afin d’ensuite « dresser le profil des individus les plus enclins à se retrouver dans une situation qu’ils estiment problématique d’une manière ou d’une autre, en tenant notamment compte de leur degré de compréhension des enjeux fiscaux ».

Au premier énoncé, « Nos revenus annuels dépassent nos dépenses », près d’un Québécois sur deux (44 %) a répondu que sa situation était difficile. Cette perception atteignait même 50 % parmi les 25 à 34 ans, comparativement à 41 % pour les 18-24 ans et les 65 ans et plus.

DE FORTES VARIATIONS SELON LES REVENUS

Logiquement, les réponses varient fortement en fonction du statut économique et social des sondés. Ceux qui ont les plus bas revenus sont peu nombreux à considérer que leurs revenus dépassent leurs dépenses (37 %), alors que 87 % des personnes ayant un revenu familial de 150 000 dollars et plus disent le contraire.

De même, interrogés à savoir s’ils ont souvent de la difficulté à payer leurs factures à la fin du mois, nombre de répondants ont répondu par l’affirmative. Les différences apparaissent particulièrement marquées entre les 18-24 ans (53 %) et les 55-64 ans (23 %). Les citoyens à plus faible revenu sont nettement plus nombreux à estimer que leurs fins de mois sont difficiles (60 %).

À l’énoncé « Considérant nos actifs et nos dettes, je suis confortable financièrement », près des deux tiers des personnes interrogées (60 %) ont répondu par l’affirmative. Seuls 50 % des 25-44 ans indiquent avoir cette perception, comparativement à plus de 76 % pour les 55-64 ans. Enfin, plus du tiers des répondants estiment que leurs dettes dépassent leur actif.

PESSIMISME PAR RAPPORT À LA RETRAITE

Tout n’est cependant pas noir dans ce tableau, affirment les chercheurs de l’Université de Sherbrooke, puisque 69 % des gens questionnés estimaient que leur situation financière s’était maintenue ou améliorée depuis quelques années, les hommes se montrant plus optimistes que les femmes (72 % contre 64 %). Sans surprise, les plus bas revenus étaient moins nombreux que les autres à partager ce sentiment.

De même, près des trois quarts des personnes interrogées disaient avoir confiance que leur situation financière se maintiendrait ou s’améliorerait au cours des prochaines années.

En revanche, lorsqu’il est question de « pouvoir avoir un niveau de vie convenable à la retraite », nombre de sondés se montrent plutôt pessimistes, puisque 46 % d’entre eux pensent que cela ne sera pas le cas. Si les hommes sont plus confiants que les femmes d’y parvenir (57 % contre 51 %), les 25-34 ans sont seulement 41 % à avoir cette perception, comparativement à 71 % des 55-64 ans.

De nouveau, les revenus plus élevés sont globalement synonymes d’une plus grande confiance envers un niveau de vie convenable à la retraite. Le taux passe de 25 % pour les répondants disposant de 20 000 dollars ou moins de revenu à 88 % chez ceux dont le revenu familial atteint 150 000 dollars et plus.

L’UTILITÉ DE LA LITTÉRATIE FISCALE

De manière générale, « les gens qui estiment être détenteurs de très bonnes connaissances fiscales sont significativement moins inquiets » que les autres, note aussi le rapport. Pour une femme jeune, peu scolarisée et avec de faibles revenus, la probabilité de faire partie des inquiets tombe de 77 % à 66% lorsque l’on passe d’un très faible niveau de littératie fiscale à un niveau élevé. Et dans le cas d’un homme ou d’une femme gagnant entre 40 000 et 60 000 dollars, cette probabilité passe respectivement de 31 % à 20 % et de 34 % à 23 %.

Pour le profil d’un homme âgé de plus de 65 ans, fortement scolarisé et avec un revenu élevé, le gain n’est que de deux points, puisque la probabilité qu’il aille grossir le camp des personnes stressées passe seulement de 4 % à 2 %. « L’effet des connaissances fiscales est donc plus fort chez les groupes les plus défavorisés socialement. Par contre, la connaissance fiscale est toutefois elle-même déterminée socialement, étant plus répandue chez les plus fortunés », constate le rapport.

« La littératie fiscale, et sans doute la littératie financière […], est un facteur de sécurité financière, peu importe les autres déterminants sociaux, parce qu’il s’agit d’une qualité qui témoigne du degré de maîtrise des citoyens par rapport à leur situation financière. Une situation sur laquelle on a le sentiment d’avoir une emprise est beaucoup moins menaçante qu’une autre qu’on a l’impression de devoir subir sans pouvoir y faire quoi que ce soit », insistent les chercheurs de l’Université de Sherbrooke.

UNE INQUIÉTUDE ANCRÉE DANS LE RÉEL

Leur conclusion? « L’inquiétude financière, malgré son caractère subjectif, est ancrée dans une réalité sociale; elle est liée à des déterminants objectifs relativement simples. […] Les ménages avec des revenus ou des actifs plus importants sont bien moins enclins à faire preuve d’insécurité financière que ceux pour lesquels ils sont plus faibles. »

« Les résultats [de l’étude] présentent à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle. Ils peuvent être vus de façon favorable en considérant qu’ils montrent que les ménages ont une perception relativement juste de leur sécurité financière réelle, et donc qu’ils ont à tout le moins de bonnes chances d’être au courant que leur situation est précaire, le cas échéant. La mauvaise nouvelle est qu’une part non négligeable de la population semble se considérer dans une situation précaire sur le plan financier, du moins d’un point de vue subjectif. Cela devrait évidemment être une source de préoccupation pour les décideurs publics lorsqu’ils réfléchissent aux politiques de soutien du revenu, de retraite ou de logement. »

Le sondage a été réalisé par CROP du 16 au 21 novembre auprès de 1 000 Québécois qui ont rempli un questionnaire en ligne. Comme 100 d’entre eux n’ont pas répondu à toutes les questions, particulièrement celles touchant le revenu personnel et familial, l’analyse a été faite sur la base d’un échantillon de 900 personnes. Les résultats ont par ailleurs été pondérés afin de refléter la distribution de la population adulte du Québec selon le genre, l’âge, la région de résidence, la langue maternelle et le niveau de scolarité.

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