Poursuites annulées contre Éric Weynant

Par Didier Bert | 21 août 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
4 minutes de lecture

Sous le coup de 41 chefs d’accusation de l’Autorité des marchés financiers (AMF) pour placement illégal, Éric Weynant a réussi à éviter le dénouement de son procès. La Cour du Québec vient d’annuler les poursuites à l’encontre du fondateur de la firme Phasoptx, entamées en avril 2013, en raison de la jurisprudence créée par l’arrêt Jordan.

L’AMF accusait Éric Weynant d’avoir placé des millions d’actions de son entreprise Phasoptx sans respecter la Loi sur les valeurs mobilières. Le fondateur de la firme avait plaidé non coupable aux 41 chefs d’accusation, soit pratique illégale (neuf chefs), démarchage illégal (cinq chefs), aide au placement sans prospectus (21 chefs) et transmission d’informations trompeuses (six chefs).

Au total, M. Weynant aurait placé plus de 30 millions d’actions pour un capital-actions de 11 569 549 $, selon la preuve déposée par l’Autorité. Avec cet argent, il disait vouloir commercialiser un connecteur de fibre optique utilisant un alliage à mémoire de forme. Malgré cette collecte, Phasoptx n’a jamais mis en marché le moindre produit.

Son procès a débuté en mars dernier, mais il a déposé une requête en annulation des poursuites lors de sa comparution. Le procès a alors été reporté en septembre le temps d’étudier cette demande, dans laquelle M. Weynant se prévalait de la jurisprudence établie par l’arrêt Jordan. Depuis cette décision de la Cour suprême prise en juillet 2016, les délais supérieurs à 18 mois sont considérés comme déraisonnables pour les procès devant les tribunaux provinciaux.

TOUS LES CHEFS D’ACCUSATION ABOLIS

Éric Weynant a finalement obtenu gain de cause le vendredi 11 août.

« Le juge a accepté la requête, confirme à Conseiller Sylvain Théberge, directeur des relations médias de l’AMF. Oui, il s’agit d’une décision liée à l’arrêt Jordan. »

« Tous les chefs d’accusation ont été cassés », pointe pour sa part Noël St-Pierre, l’avocat d’Éric Weynant, qui n’a pas souhaité commenter davantage la décision.

Un des actionnaires de Phasoptx floué s’est dit déçu et aspire désormais à « s’extirper de ce marais », soit ne plus entendre parler de Phasoptx. Cet investisseur, qui a souhaité conserver l’anonymat par crainte de représailles juridiques, ne s’attend plus à revoir son argent. Son seul espoir serait une faillite de l’entreprise, afin de pouvoir faire constater fiscalement ses pertes, précise-t-il.

PAS UNE PREMIÈRE

L’AMF n’a pas pu préciser à Conseiller si elle comptait faire appel, ni si elle estimait que cette décision signifiait l’annulation définitive des poursuites contre Éric Weynant, vacances du personnel obligent.

Mais une telle décision de la cour n’est pas une nouveauté pour l’AMF. « Il ne s’agit pas du premier cas où l’arrêt Jordan est invoqué et accepté, précise Sylvain Théberge. Nous nous efforçons toujours de conclure nos enquêtes dans les meilleurs délais possibles. Mais la réalité d’un crime financier nécessite parfois du temps pour établir une preuve solide. De plus, des délais de cour échappent souvent à notre contrôle. »

L’AMF devrait-elle remettre en question ses pratiques pour éviter de telles annulations de poursuites? « Cela n’a rien à voir avec la façon dont les enquêtes sont menées, mais concerne plutôt un ensemble d’éléments qui touchent aussi le système de justice lui-même », soutient le porte-parole de l’Autorité.

IL PERSISTE ET SIGNE

Malgré la poursuite de l’Autorité, M. Weynant a continué de rencontrer de potentiels partenaires techniques et financiers en Europe et en Asie. Il s’est néanmoins frappé à plusieurs écueils. Des gens d’affaires européens ont notamment fait machine arrière après un an de collaboration avec M. Weynant. Au printemps, sa conjointe et lui ont été condamnés à mettre en vente leur condo d’Outremont afin de payer des frais de copropriété dus depuis plusieurs années.

La Commission des normes du travail poursuit présentement Phasoptx pour des salaires impayés.

Enfin, l’Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ) vient d’achever une enquête concernant M. Weynant, qui aurait utilisé le titre d’ingénieur sans en avoir le droit. Il reste au procureur à « évaluer s’il y a matière à poursuite », précise l’OIQ.

Didier Bert

Didier Bert est journaliste indépendant. Il collabore à plusieurs médias sur les thèmes de l’économie, des finances et du droit.