Première partie – Affaire Marcoux : rappel des faits

Par Didier Bert | 6 mai 2013 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Qui est Michel Marcoux?

  • – Président, administrateur et actionnaire majoritaire du cabinet montréalais Avantages Services Financiers inc. (certificat 122786 dans la discipline du courtage en épargne collective jusqu’en octobre 2010), fondé en 1995.
  • – Ancien chroniqueur pour Le Devoir, Les Affaires et le canal Argent.
  • – Co-auteur du guide annuel Investir en 2012 (Les Éditions Transcontinental), Comment investir dans les fonds éthiques (Les Éditions Transcontinental/Collection Affaires Plus), L’ABC des fonds mutuels (Éditions Au Carré).

Vous avez un peu perdu le fil? L’enchaînement des événements en quelques dates-clés.

2004 : Lors d’une inspection de l’Autorité des marchés financiers (AMF) portant sur des comptes ouverts au Canada par Avantages Services Financiers pour son client Dominion Investments, une firme de courtage exerçant aux Bahamas, Michel Marcoux déclare sous serment qu’il ne possède aucune information indiquant que les noms des détenteurs véritables des comptes suivants étaient autres que Dominion Investments : Africa – Gala – Original – Banane – Grey Old – Popoye – Burton – Ignal – Snake – Caroub – Lèvre – Taco – Discus – Long Time – Wok – Eric – Martien – Premium – Foug – Métis – Abrasive, Fremiol et Midas.

Janvier 2006 : Le FBI arrête l’homme d’affaires québécois Martin Tremblay, dirigeant de la firme Dominion Investments, accusé par la justice américaine d’avoir blanchi un milliard de dollars.

À la demande de l’AMF, le Bureau de décision et de révision en valeurs mobilières (BDRVM) décide de bloquer tous les actifs appartenant à la firme Dominion Investments ainsi que ceux de son président, Martin Tremblay. Parmi ces actifs, la valeur de ceux qui se trouvaient sur des comptes ouverts par Avantages Services Financiers s’établit à 6 288 392 $.

Février 2006 : Michel Marcoux renouvelle ses déclarations, sous serment.

Janvier 2007 : Michel Marcoux maintient encore sa version, sous serment.

Mars 2007 : La justice américaine condamne Martin Tremblay à 4 ans de prison, en se basant sur sa reconnaissance de culpabilité reconnaissant le blanchiment de seulement 20 000 $.

Mars 2008 : L’AMF dépose des accusations au pénal contre Michel Marcoux pour fausses déclarations.

Mars 2009 : Michel Marcoux dépose une reconnaissance de culpabilité, hors cour, aux accusations de fausses déclarations. L’AMF lui inflige une amende de 15 000 $.

Extrait de la décision nº 2009-PDG-0030 en date du 24 mars 2009 de l’Autorité des marchés financiers (AMF) à l’encontre du cabinet Avantages Services financiers :

  • « Michel Marcoux a fourni à l’Autorité des informations fausses ou trompeuses, entravant ainsi le travail de l’Autorité, notamment en l’induisant en erreur;
  • Michel Marcoux a sciemment nuit à une enquête menée par l’Autorité en refusant de dévoiler des informations essentielles à la conduite de l’enquête menée dans le dossier Dominion Investment et en donnant à l’Autorité des informations fausses ou trompeuses;
  • Il appert également que la dirigeante responsable d’Avantages, Marie-Josée Gagnon, avait connaissance de cette situation et l’a tolérée;
  • Plus spécifiquement, il appert que Marie-Josée Gagnon connaissait les noms des détenteurs véritables des comptes appartenant officiellement à Dominion Investment;
  • En effet, lors d’un échange de courriels intervenu entre une employée de Dominion Invesment et Marie-Josée Gagnon, madame Gagnon requérait de la part de Dominion Investment de « ne pas indiquer le nom réel des clients des comptes »;
  • De plus, en date du 23 mars 2004, Marie-Josée Gagnon demandait à Michel Marcoux, par courriel, de « vérifier avec Midas pour la répartition des actifs de la fiducie Midas », mentionnant avoir discuté avec lui (Midas) à ce sujet; »

Juillet 2009 : Martin Tremblay sort de prison et part vivre aux Bahamas.

Mai 2010 : La Cour d’appel fédérale canadienne relaxe Martin Tremblay des accusations d’évasion fiscale formulées par l’Agence du revenu du Canada.

Octobre 2010 : Avantages services financiers abandonne sa licence de courtier en épargne collective auprès de l’AMF. Michel Marcoux choisit de transférer des comptes vers le cabinet Mérici services financiers, dont quatre appartenant à Dominion Investments.

Mars 2012 : L’émission Enquête de Radio-Canada montre que la GRC a communiqué des informations non vérifiées (notamment sur des liens présumés entre Martin Tremblay et les Hells Angels) à la justice américaine, que celle-ci a utilisées pour obtenir la condamnation de Martin Tremblay.

Août 2012 : Le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière, saisi par Caroline Champagne, la syndique de la Chambre, relaxe Michel Marcoux de sept chefs l’accusant de manquement à la déontologie. « Il savait ou devait savoir que de procéder ainsi pouvait constituer l’indice notamment d’un stratagème d’évitement fiscal », accuse la syndique dans la plainte disciplinaire. M. Marcoux est reconnu coupable de trois chefs d’accusation d’entrave à l’enquête de l’AMF. La décision du comité s’appuie sur sa reconnaissance de culpabilité déposée devant l’AMF.

Extrait de la décision du comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (CSF) en date du 7 août 2012 sur la plainte disciplinaire portée par Caroline Champagne, syndique de la CSF, contre Michel Marcoux :« En terminant, il faut souligner que l’étude et l’analyse des nombreux documents, échanges, courriels, correspondances… etc. mis en preuve par la plaignante laissent voir que dans les faits l’intimé n’a pas transmis aux enquêteurs qui l’interrogeaient toute l’information dont il disposait ou qu’il possédait à l’égard de l’identité des titulaires véritables des comptes en cause. À titre d’exemple, le témoignage de E.L. est à l’effet que l’intimé savait qu’il avait utilisé le pseudonyme Gala.Voici le témoignage de E.L. :« Q. Le nom « Gala », ça vient d’où ça?R. Gagné, ma conjointe, « GA ». « LA », Lacouture.Q. Est-ce que monsieur Marcoux est au courant du pseudonyme « Gala »?R. Oui.

Q. Il est au courant.

R. Là, je peux pas dire s’il le sait par cœur, là, dans sa tête, mais au départ, sur le formulaire, c’était marqué.

Q. C’était marqué « Gala » sur le formulaire.

R. Oui.

Q. Okay.

R. Bien, c’est lui, d’ailleurs, qui nous avait demandé de choisir un pseudonyme. » [16]

Et plus loin :

« Q. Comme ça, monsieur Marcoux sait très bien qui vous êtes?

R. Oui.

Q. Il sait que Gala c’est…

R. Oui.

Q. … c’est Éric Lacouture.

R. Oui. »

Février 2013 : Le comité de discipline de la Chambre condamne Michel Marcoux à une radiation de deux mois pour ces trois chefs d’accusation.

Mars 2013 : La Chambre et Michel Marcoux font, chacun de leur côté, appel de la décision du comité de discipline de la Chambre pour les chefs d’accusation pour lesquels ils n’ont pas eu gain de cause.

Didier Bert

Didier Bert est journaliste indépendant. Il collabore à plusieurs médias sur les thèmes de l’économie, des finances et du droit.