Projet de loi 141 : les Pl. Fin. refusent le statu quo

Par Hélène Roulot-Ganzmann | 27 novembre 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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L’Institut québécois de planification financière (IQPF) affirme que le projet de loi 141 ne change rien à sa principale revendication. Pour lui, le public ne sera jamais mieux protégé que par la création d’un ordre professionnel des planificateurs financiers.

« Pour nous, c’est le statu quo », analyse la présidente-directrice générale et porte-parole de l’Institut, Jocelyne Houle-LeSarge, qui avoue ne pas être surprise par le projet de loi déposé par Québec en octobre. Selon elle, des rumeurs avaient couru avant le dépôt du texte devant l’Assemblée nationale et beaucoup se sont avérées.

Bien que remaniée, notamment pour s’adapter aux nouvelles pratiques relatives à la distribution de produits et services financiers en ligne, la nouvelle Loi sur la distribution des produits et services financiers (LDPSF) ne chamboulerait pas réellement la pratique des Pl. Fin. si elle est adoptée, croit Mme Houle-LeSarge.

« Notre formation demeure la même, dit-elle. Les exigences nécessaires pour exercer notre métier également. »

Le seul bouleversement qui pourrait toucher ces professionnels du conseil est la disparition de la Chambre de la sécurité financière (CSF) et le transfert de ses pouvoirs à l’Autorité des marchés financiers (AMF). En matière de déontologie, les planificateurs financiers relevaient jusqu’ici de la Chambre. Avec la nouvelle loi, leur activité serait surveillée par l’Autorité et sanctionnée par le Tribunal administratif des marchés financiers (TMF) en cas de manquement.

« On revient donc à l’esprit de ce qui avait été voulu en 2004 lorsque l’AMF a été créée, estime-t-elle, c’est-à-dire à l’idée d’un guichet unique pour la protection du public. Pour le consommateur, c’est plus simple. »

LE PUBLIC BIEN PROTÉGÉ?

Si statu quo il y a, il n’est toutefois pas au goût de tous au sein de la profession.

En entrevue à Conseiller, Sylvain B. Tremblay, vice-président, Gestion privée à Optimum Gestion de Placements et président du conseil d’administration de l’IQPF, a ainsi confié ne plus souhaiter être encadré par la LDPSF, et ne pas être le seul dans ce cas. Les Pl. Fin. ne se considèrent pas comme des distributeurs de produits, mais bien comme des professionnels offrant du conseil, selon lui.

« Je gère des portefeuilles et des dossiers de planification financière à honoraires. Je ne vends rien et je ne touche pas de commissions. Si je fais une mauvaise recommandation, comment puis-je me faire attraper? C’est tellement complexe que cela n’arrive jamais » , précise M. Tremblay.

Dans l’ancienne mouture de la LDPSF, toujours en vigueur tant que le projet de loi 141 n’est pas adopté, l’article 330 stipule que le syndic de la CSF « exerce ses fonctions à l’égard des représentants en assurance de personnes, des représentants en assurance collective, des planificateurs financiers et des représentants de courtier en épargne collective et des représentants de courtier en plans de bourses d’études ».

La directrice des communications de la Chambre, Julie Chevrette, ajoute que la CSF encadre effectivement les planificateurs financiers pour leur déontologie et discipline dans leur activité de conseil.

Mais dans les faits, il est rare qu’un planificateur financier soit sanctionné pour son activité de conseil. Dans les deux dernières années, en effet, la CSF n’a eu à traiter qu’un seul dossier disciplinaire comportant un chef d’accusation sur les activités de conseil d’un planificateur financier.

Est-ce la preuve que les planificateurs financiers sont irréprochables? M. Tremblay croit plutôt que leur encadrement n’est pas bien adapté à leur réalité.

LE RETOUR DE L’ORDRE

Quoi qu’il en soit, l’IQPF continue de clamer que seule la création d’un ordre professionnel des planificateurs financiers pourrait protéger efficacement le public. Pourquoi? Jocelyne Houle-LeSarge répond que des exemples détaillés figurent dans le dossier déposé à l’Office des professions du Québec, mais que « stratégiquement », elle préfère ne pas en dire plus.

Entre les lignes, on comprend cependant qu’aujourd’hui, tous les planificateurs financiers ne relèvent pas des mêmes instances et qu’un ordre pourrait remettre la situation à plat et donner la possibilité aux clients de mieux s’y retrouver, en cas de problème notamment.

Certains planificateurs financiers ne relèvent en effet que de la CSF et de l’AMF. D’autres, à la fois de ces deux organismes et de leur ordre professionnel. C’est notamment le cas des avocats et notaires ayant également le titre de Pl. Fin.

« Là où ça se complique, c’est avec les comptables et les administrateurs agréés, précise la présidente de l’IQPF. Ces deux professions ont une entente avec l’AMF. Les CPA et les Adm.A qui ont un permis de planification financière et qui ne travaillent pas pour un organisme qui vend des produits, ni ne supervisent d’employés qui vendent des produits, ne relèvent pas de l’AMF, mais de leur ordre professionnel, tant pour leur formation continue que pour leur code d’éthique. Ceux qui vendent des produits, en revanche, sont chapeautés par l’AMF. »

DOSSIER DE LONGUE HALEINE

Pourtant, établir un ordre professionnel pour les Pl. Fin. est loin d’être à l’ordre du jour gouvernemental. Contacté par Conseiller, le ministre des Finances Carlos Leitao estime que sa réforme, adoptée telle quelle, augmente la protection des consommateurs.

« Dans un environnement en forte évolution, le renforcement de la confiance du public à l’égard du secteur financier permettra d’en favoriser le développement, dit-il pour toute explication. La réforme législative […] constitue en effet une réforme complète et cohérente des services financiers sans aucun compromis à la protection du consommateur. »

Il rappelle également que la décision de créer un ordre revient à l’Office des professions du Québec, qui a d’ailleurs déjà rejeté une telle demande en 2008, selon lui.

« Ce n’est pas un refus, conteste Jocelyne Houle-LeSarge. Il s’agit d’une recommandation de statu quo. Le dossier est toujours ouvert et nous continuons à faire des représentations. Pour nous, le dépôt de ce projet de loi ne change donc rien. Nous allons continuer à tout mettre en œuvre auprès du ministère de la Justice pour obtenir notre ordre ».

Quant à savoir quel texte législatif devrait régir l’ordre… Mme Houle-LeSarge croit qu’il est bien trop tôt pour répondre à cette question. Exactement 46 professions sont aujourd’hui régies par un ordre, mais seules 25 bénéficient d’une loi particulière. Les autres sont régies par le Code des professions, une loi-cadre qui réglemente la pratique, précise les conditions d’exercice professionnel et confère à l’Office des professions la responsabilité de veiller à ce que chaque ordre assume sa fonction principale d’assurer la protection du public.

« L’important pour nous, c’est que tous les planificateurs soient soumis au même code d’éthique, conclut Jocelyne Houle-LeSarge. Et nous gardons espoir. C’est un dossier de longue haleine. Certains groupes ont mis 20 ans à obtenir gain de cause. »

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Hélène Roulot-Ganzmann