Proposition de valeur

4 août 2011 | Dernière mise à jour le 4 août 2011
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Comment préserver votre vision du métier? Quatre conseillers nous font part de leur expérience.

1. Soins de santé financière La carrière de Bev Moir a débuté en mode survie. Cette conseillère en investissement et planificatrice financière chez ScotiaMcLeod avait été infirmière par le passé. Elle s’est lancée dans le conseil pour aider les gens à améliorer leur santé financière. Mais au début, elle voulait aider tout le monde.

« Je sentais que je devais ouvrir grand la porte à quiconque voulait investir avec moi », se souvient-elle.

Bev Moir voulait travailler auprès de femmes de carrière et de leurs familles, mais elle avait peur que cette cible soit trop restreinte : « C’était comme si je saisissais toutes les occasions d’investissement qui passaient ». Elle a donc commencé à se présenter comme une conseillère dédiée aux femmes.

« En me spécialisant, j’ai été capable de mieux situer mon offre », raconte Bev Moir. C’est pourquoi elle propose maintenant à ses clientes sans engagement de consolider leurs avoirs auprès d’elle. « Je ne suis pas gênée de leur en parler car ça leur permet d’obtenir un meilleur service et plus d’attention, et ça m’aide à faire un meilleur travail. Je leur dis : prenez une décision. Partez ou restez. Je le fais autant pour moi que pour elles. »

Elle a aussi appris à dire non aux clients qui ne correspondent pas à ce qu’elle recherche. « Cela libère mon temps et je peux me consacrer aux clients plus profitables. Je n’aurais jamais cru cela quand j’ai commencé, mais je le vois bien à présent », assure-t-elle.

Sa détermination a été soumise à rude épreuve quand un prospect motivé est venu la voir en 2006 sans posséder le minimum d’avoirs requis par son cabinet. Cinq ans plus tard, il a atteint le montant demandé; mais le minimum de Bev Moir avait encore augmenté, et elle a dû lui dire non une seconde fois. « Il valait mieux pour lui de rester avec le conseiller qu’il avait déjà. Sinon, il aurait demandé plus de service que ce que son niveau d’avoirs lui permettait », explique-t-elle. Soucieuse de l’aider malgré tout, elle a appelé le bureau qui s’occupait de lui.

« J’ai pu le mettre en contact avec la bonne personne dans cette équipe. Son dossier avait simplement été laissé à l’abandon », raconte Bev Moir. « Il m’a dit : « si je reviens dans cinq ans, vous allez encore me dire que je suis trop petit ». Mais je ne m’attends pas à le revoir parce qu’il est maintenant à la bonne place. »

2. Un portefeuille chouchouté Natalie Jamison n’a jamais eu besoin de refuser un client parce qu’il ne correspondait pas à son offre de services.

« Mon positionnement est toujours très clair, dit la conseillère de RBC Gestion de patrimoine. Quand des clients me sont référés, ils ont exactement le bon profil. »

Natalie Jamison définit son cabinet, Women and Wealth, comme une « boutique ». Le mot a été délibérément choisi pour refléter ses origines françaises, ainsi que sa précédente carrière. Avant de rejoindre l’industrie des services financiers en 1996, elle a travaillé dans des hôtels cinq étoiles en Europe et au Canada. « C’est là que j’ai appris l’art du service haut de gamme, affirme-t-elle. Pour moi, le service à la clientèle est plus qu’une passion : c’est une vocation. On y consacre sa vie entière. »

Son autre choix délibéré a été de se lancer dans un intense travail de préparation pour mettre sur pied son cabinet. Après avoir défini sa vision d’affaires en 2005, Natalie Jamison a passé deux ans à faire des recherches sur son créneau prioritaire : les femmes professionnelles qui aiment les services haut de gamme. Elle a ainsi découvert qu’au Canada, quatre démarrages d’entreprises sur cinq sont effectués par des femmes, ce qui l’a conduite à dédier une partie de sa pratique aux entrepreneures. Pour mieux connaître ce public, elle s’est jointe à un club de gens d’affaires et à la chambre de commerce locale. « Cela a ouvert mon esprit à de nouvelles façons de gérer mes affaires : à la manière d’un entrepreneur, mais avec l’avantage des ressources d’une grande entreprise. Je contrôle de destin en tant que conseillère. »

Cela implique maîtriser ses relations avec les clients. Natalie Jamison va droit au but lorsqu’elle demande à ses clients de lui en référer de nouveaux. « Je leur dis : « j’aimerais faire affaire avec d’autres personnes comme vous ». Quand on a une relation authentique, le message passe naturellement. »

Plus tôt dans sa carrière, elle n’aurait pas réussi à être aussi directe. « C’est venu avec les années d’expérience et ma confiance dans la valeur que j’offre », reconnaît-elle.

Un conseil pour les conseillers moins expérimentés? « Inspirez-vous de votre expérience dans d’autres emplois. Tout le monde vient de quelque part. »

3. Fidèle à elle-même Shelley Streit n’a plus peur de dire qui elle est. Cette conseillère albertaine dirige le cabinet Guiding Light Financial, qui a débuté avec les investissements traditionnels en 2006 avant de se tourner vers la gestion de dette et de revenu disponible, à la fin 2010.

Pourquoi ce changement? Au début de l’année dernière, Shelley Streit s’est retrouvée profondément endettée, et désillusionnée par le matérialisme de l’industrie des services financiers. « J’en avais assez de faire semblant, dit-elle. Les tailleurs Armani dans les réunions, ce n’était plus pour moi. » Déterminée à modifier ses habitudes, elle s’est mise à la recherche d’un conseiller qui pourrait l’aider à gérer son argent, sans jamais révéler qu’elle était une collègue.

Les conseillers n’étaient pas intéressés à réduire son endettement : ils se contentaient de lui rappeler de dépenser moins que ce qu’elle gagnait. « Ah, vraiment? , se moque-t-elle. Les gens veulent surtout savoir comment régler leurs dettes. » Voyant cela, Shelley Streit a réorienté sa pratique au mois d’octobre vers la gestion de dette et de revenu disponible, en s’inspirant de la vedette des finances personnelles Gail Vaz-Oxlade et de son mentor, la conseillère Stephanie Holmes-Winton.

La réaction ne s’est pas fait attendre : dans une ville de 5000 habitants, 30 se sont présentés à son séminaire du mois de février sur la gestion de dette et de revenu disponible, tenu à la bibliothèque locale.

« Les gens nous demandent de les accompagner en continu dans la gestion de leur endettement, comme un entraîneur personnel », explique Shelly Streit, qui a aussi reçu des demandes de ses clients existants. Avant le changement, les clients investissaient, mais décaissaient quelques mois plus tard pour pouvoir dépenser. « Si ces gens choisissent d’investir avec moi, je renforce mon entreprise parce que j’ai expérimenté avec leur comportement. »

Sa motivation? « L’endettement est un vrai problème. C’est dans nos familles, dans nos collectivités, et ça affecte tout le monde », observe Shelley Streit, en citant l’Institut Vanier de la Famille selon lequel l’endettement moyen par foyer a atteint 100 000 $ en 2011. « Si je peux changer le monde une famille à la fois, c’est ce que je vais faire. »

Ses choix font l’objet de critiques. « Des conseillers me disent que je fais du bénévolat », dit Shelley Streit, même si elle a développé son propre modèle de rémunération avec la permission de Placements Manuvie. D’autres lui reprochent de facturer des gens endettés. « Si je vous permets d’économiser 70 000 $ et que votre famille reste solide, est-ce que ça vaut quelque chose? Mon tarif est inférieur à celui d’un avocat », souligne-t-elle.

La croissance rapide de ses affaires ne lui fait pas oublier ses priorités. « Si j’essaye de tout faire à la fois, je ne suis pas fidèle à moi-même ni à ma famille. » Elle a appris à se concentrer sur les choses qu’elle fait bien, et à sous-traiter le reste.

Quant aux clients, Shelley Streit applique une politique de la porte ouverte, mais donne des limites très claires. « Si vous avez un autre conseiller mais que vous cherchez un plan de gestion de dette, nous pouvons vous aider. Nous signerons une clause de non-concurrence. J’ai commencé à faire cela pour m’aider moi-même autant que les autres, explique-t-elle. En revanche, je ne peux pas continuer à travailler avec des clients qui se trouvent toujours des excuses. »

4. La conseillère qui consulte Lisa Applegath se voit comme une gestionnaire de style de vie, qui va au-delà des investissements. Première vice-présidente et conseillère au Applegath Group (CIBC), elle adore le contact humain et n’aurait jamais fait ce métier sans sa composante relationnelle.

« Mes garçons rient de moi parce que je bavarde avec tout le monde », s’esclaffe-t-elle.

Ce plaisir n’est pas un obstacle à la clarté de son positionnement. Il l’incite à être d’autant plus ferme dans ses critères lorsqu’elle choisit ses clients… ou s’en sépare.

« Nous nous débarrassons des relations qui ne fonctionnent pas pour faire de la place à celles qui marchent, résume-t-elle. Si un client refuse obstinément de suivre nos conseils, je vais l’appeler et lui dire : « M. Richard, vous avez de toute évidence un problème de confiance envers notre équipe. Le temps est venu de faire un ajustement ». »

Nous sommes dans une bonne période pour prendre ce type de décisions. « Je ne toucherais pas à ma clientèle si les marchés avaient chuté de 30 %, mais en ce moment nous pouvons nous le permettre, car nos comptes ont plus que repris leur santé. »

Afin d’intensifier ses relations existantes, Applegath Group a créé un conseil consultatif au beau milieu de la récession, lorsque ses clients risquaient le plus d’être mécontents. Le conseil regroupe les dix meilleures relations du cabinet.

« Avant la première réunion, j’ai eu mal au ventre toute la journée », se souvient Lisa Applegath. Mais elle n’avait rien à craindre. « Nos clients nous ont assuré que nous faisions bien notre travail. C’était très instructif. Depuis, nous faisons appel au conseil consultatif chaque fois que nous créons un nouveau processus. »

Cette ouverture aux critiques a payé peu à peu. « Nous avons approfondi nos relations avec les membres du conseil, ce qui les a amenés à apporter de nouveaux avoirs ou à référer d’excellents clients », dit-elle.

Après deux ans et demi de conseil consultatif, Lisa Applegath ne retournerait jamais en arrière. « Si vous avez une vision de votre profession, c’est essentiel de l’aligner avec celle des gens qui y sont le plus attachés. »

Cet article est tiré de l’édition de juin du magazine Conseiller. Consultez-le en format PDF.