Quand les banques font payer les morts…

Par La rédaction | 2 octobre 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : Brian Jackson / 123RF

Les grandes banques australiennes ont encouragé une série de pratiques abusives à l’égard de leurs clients, allant jusqu’à réclamer des frais pour des conseils donnés à des morts, rapporte La Tribune

Fraude à grande échelle, corruption de certains dirigeants, frais injustifiés, mensonges en tous genres… Les institutions financières de l’île-continent ont beaucoup de choses à se reprocher, explique le quotidien économique français, qui précise que la Commission royale d’enquête sur les services financiers vient de publier un rapport intermédiaire de quelque 1 000 pages dans lequel elle étrille un secteur financier qualifié de « cupide » et l’accuse de diverses pratiques à la limite de la légalité.

Mise sur pied en décembre dernier par le gouvernement australien, cette commission cite notamment des cas de prélèvements de frais à des clients décédés depuis 10 ans, ou encore ceux d’employés ayant accepté d’accorder des prêts sans garantie sérieuse en échange d’argent liquide.

Les principales institutions visées par ces révélations sont la Commonwealth Bank of Australia, la Westpac Banking, l’Australia and New Zealand Banking Group et la National Australia Bank, qui sont les quatre grandes banques du pays et font partie des établissements qui réalisent les plus forts bénéfices dans le monde.

« CE RAPPORT MARQUE UN JOUR DE HONTE POUR LE SECTEUR »

Après avoir longtemps bénéficié d’une excellente réputation et figuré parmi les plus sûres de la planète aux yeux des investisseurs, les banques australiennes ont cependant vu leur image écornée au fil des ans, souligne La Tribune. « Pourquoi est-ce arrivé? La réponse semble être la cupidité, c’est-à-dire la recherche des bénéfices à court terme au détriment des règles d’honnêteté les plus élémentaires. Comment expliquer autrement de continuer à facturer des commissions de conseil à des défunts? » questionne par exemple la Commission, qui durant des mois a auditionné une centaine de témoins et décortiqué quelque 10 000 documents.

« La publication de ce rapport marque un jour de honte pour les banques australiennes. Il n’y a aucune excuse concernant les comportements révélés par la Commission royale. Nous allons régler ces problèmes sans délai afin de retrouver la confiance du peuple australien », a déclaré dans un communiqué Anna Bligh, directrice générale de l’Australian Banking Association.

Les dirigeants des quatre principales institutions financières ciblées dans le rapport seront interrogés par une commission parlementaire au cours des prochaines semaines, précise La Tribune, qui souligne que ce n’est pas la première fois que les « Big Four » sont pris en flagrant délit de mauvaise conduite envers leur clientèle. En juin dernier, la première banque du pays, la Commonwealth Bank of Australia, a ainsi accepté de payer 700 millions de dollars australiens (environ 675 millions de dollars canadiens) pour solder des poursuites pour infractions aux législations sur le blanchiment d’argent et le financement d’activités liées au terrorisme. Et quelques semaines plus tôt, elle avait été contrainte d’admettre avoir eu « un comportement inadmissible » en 2012, cette fois dans un dossier de manipulations de taux interbancaires.

« LE RÉGULATEUR A TROP SOUVENT CHERCHÉ UNE ISSUE NÉGOCIÉE »

Dans un communiqué, la Commonwealth a néanmoins promis qu’elle répondrait aux accusations contenues dans le rapport. « La Commission a mis en lumière la nécessité de changements importants concernant le système, les processus et la culture. Je m’engage à assurer que nous ayons appris des erreurs détaillées dans le rapport, pour que nous puissions réparer ce qui ne fonctionnait pas et remettre les choses en ordre pour nos clients », y déclare notamment le PDG de l’établissement bancaire, Matt Comyn.

Notant que les enquêteurs n’ont formulé aucune recommandation pour corriger la situation, La Tribune relève cependant que le rapport final de la Commission d’enquête royale « accuse les régulateurs d’avoir fermé les yeux face aux manquements des banques », ce qui pourrait mener « à des réformes réglementaires majeures » dans ce secteur et dans celui des assurances. « La plupart du temps, il ne s’est pas produit grand chose, à part des excuses […] Lorsque des fautes ont été révélées, celles-ci sont restées impunies ou alors, les conséquences n’ont pas été à la hauteur de la gravité des faits », déplore d’ailleurs la commission.

« Ce rapport démontre que les banques et autres institutions financières ont placé les profits avant les gens », a pour sa part déclaré le ministre du Trésor, Josh Frydenberg, estimant par ailleurs que « le régulateur [la Commission australienne des valeurs mobilières et des investissements, ou ASIC] a trop souvent cherché une issue négociée plutôt que passer à l’étape d’après, c’est-à-dire poursuivre en justice. »

La rédaction