Quand les juges trinquent avec KPMG

Par La rédaction | 7 mars 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Après avoir dénoncé des pratiques jugées trop laxistes de lutte à l’évasion fiscale, voici que Radio-Canada et CBC font état de petites fêtes lors desquelles certains juges fraternisent avec les comptables et avocats de ceux qu’ils sont appelés à juger.

Par exemple : la conférence de l’Association de fiscalité internationale, qui se tenait l’an dernier à Madrid. Des comptables, avocats, professeurs, fonctionnaires et juges s’y rencontrent pour discuter des enjeux fiscaux planétaires. Jusque-là, pas de problème. C’est lorsque la nuit tombe que certaines situations deviennent plus délicates.

MÉLANGE DES GENRES

Le congrès, dont KPMG est l’un des principaux commanditaires, organise en effet plusieurs soirées fort prisées. Rappelons que le cabinet comptable est la firme à l’origine du stratagème d’évitement fiscal à l’île de Man, qui lui donne si mauvaise presse présentement. Le juge Denis Pelletier, dont le tribunal entend les causes de la Cour canadienne de l’impôt portées en appel, s’est rendu à l’une de ces soirées organisée au musée du Prado, en compagnie de son épouse. Ce que sa porte-parole a d’abord nié, avant de changer d’idée lorsque Radio-Canada lui a fait savoir qu’elle avait filmé le juge et sa femme sortant de cette fête.

Deux jours plus tard, c’est le juge Randall Bocock, de la Cour canadienne de l’impôt, qui se rendait à une soirée organisée par le cabinet Dentons. En 1999, ce cabinet, nommé à l’époque Fraser Milner, a fourni à KPMG un avis juridique pour valider son stratagème de l’île de Man. Ironie du sort, le juge Bocock est justement celui qui gère la cause opposant les autorités fiscales canadiennes à la famille Cooper de Victoria, qui aurait utilisé le stratagème de KPMG à l’île de Man.

FRÉQUENTATIONS RISQUÉES

Pour des fiscalistes comme André Lareau et Marwah Rizqy, il y a apparence de conflit d’intérêts, peu importe si ces juges discutent ou non des causes lors de ces soirées.

Et ce genre d’occasions ne semble pas si rare. En avril 2016 déjà, Radio-Canada révélait qu’un groupe de comptables, dont des représentants de KPMG, avait reçu des responsables de l’Agence du revenu du Canada (ARC) dans un cocktail au très exclusif club Rideau. Même le commissaire de l’ARC, Andrew Treusch, s’y était rendu. Au même moment, l’ARC était pourtant en négociations avec KPMG, qui refusait d’identifier ses clients ayant eu recours à son stratagème.

Si plusieurs, dont l’Institut d’éthique appliquée, avaient trouvé douteux que des fonctionnaires de l’ARC trinquent avec les grandes firmes comptables, ce n’était pas le cas du sous-commissaire de l’Agence, Ted Gallivan. « Nous tentons d’avoir une culture à l’ARC où les hauts fonctionnaires répondent aux citoyens et ça inclut les grands cabinets comptables. Je ne crois pas que ce soit un problème », avait-il soutenu.

L’ARC réagit

L’Agence du revenu du Canada (ARC) serait-elle agacée par les critiques quant à son traitement de l’affaire KPMG?

Alors que Radio-Canada et CBC diffusent reportage sur reportage sur le sujet, voici que l’ARC publie sur son site web un long message rappelant ses efforts de lutte contre l’évasion et l’évitement fiscal. On peut notamment y lire que l’ARC « a un système rigoureux en place qui lui permet de s’attaquer à l’évasion fiscale et à l’évitement fiscal abusif sur de nombreux fronts, à l’échelle nationale et internationale ».

Suit une liste des actions posées par l’ARC à cet effet, comme l’examen des transferts d’argent de plus de 10 000 $ et l’échange de renseignements avec des partenaires internationaux. Elle lance même un appel aux citoyens, les invitant à s’informer sur leurs obligations et corriger leur situation au besoin. Reste à voir si cette demande sera entendue.

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