Que veut Wall Street?

Par La rédaction | 19 juin 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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bourse de Paris

Depuis quelques mois, deux sénateurs américains reçoivent les propositions de changement de règlement dont rêvent les institutions financières, les entreprises et les organisations de défenses des consommateurs. Bloomberg a récemment présenté quelques-unes des recommandations des plus grands joueurs financiers du pays.

Mike Crapo, le républicain à la tête du Comité sur les banques du Congrès américain et son collègue démocrate Sherrod Brown ont reçu plus de 130 propositions la semaine dernière seulement. Selon Bloomberg, la diversité des opinions exprimées démontre bien qu’il sera difficile de réconcilier tout le monde et de répondre à toutes les attentes.

Au gouvernement, le courant va plutôt dans le sens d’une grande dérèglementation. Le 8 juin, la Chambre des représentants a voté en faveur d’une loi qui réduirait à néant de grands pans de la Loi Dodd-Frank, adoptée dans la foulée de la crise de 2008. Le département du Trésor a pour sa part présenté plusieurs recommandations pour alléger la réglementation sur les banques, dans un rapport présenté récemment.

DÉBAPTISER DES FONDS

Mais que veulent au juste les institutions financières? Chez BlackRock, le plus grand gestionnaire d’actifs au monde, on demande en fait une toute petite modification à la Règle Volcker. Détestée à Wall Street, cette dernière interdit aux banques de prendre des positions risquées sur les marchés avec leurs capitaux propres. Une partie de cette règle limite l’investissement des banques dans les fonds de couverture (hedge funds) et les firmes d’investissement privées.

BlackRock estime que l’industrie financière sera dans l’obligation de changer les noms de centaines de fonds à cause d’une retombée inattendue de cette règle, une perspective qui inquiète aussi TIAA, Natixis SA et UBS O’Connor, entre autres.

Le problème vient de l’interdiction faite aux fonds de couverture de porter le nom de banques. Les régulateurs ne veulent pas que les investisseurs croient que les banques seront ultimement responsables de leurs pertes si les investissements rencontrent des problèmes. Ils ne souhaitent pas non plus que les banques se précipitent au secours de fonds de couverture en difficulté qui portent leur nom, afin de protéger leur réputation, et ce, au risque de se fragiliser elles-mêmes.

Mais BlackRock explique que PNC Financial Services Group, une banque régionale, détient plus de 20 % de BlackRock. Du point de vue de la Banque centrale américaine, cela fait de BlackRock une filiale de PNC. Ainsi, les fonds de couverture BlackRock et les fonds d’investissement privés BlackRock devraient changer de nom, puisque ce nom est associé à une banque. Une grosse contrariété que BlackRock aimerait bien éviter.

FINI LE FILET DE SÉCURITÉ

De son côté, Paul Singer, d’Elliott Management, souhaiterait que les régulateurs perdent leur pouvoir d’intervenir auprès d’une banque en difficulté. Pour lui, cette règle de la loi Dodd-Frank permet à des fonctionnaires de saisir de gigantesques institutions financières en se basant sur leur seul jugement.

Plusieurs banques et actionnaires de Wall Street apprécient pourtant cette sécurité supplémentaire. Mais lui, comme d’ailleurs l’administration de Donald Trump, craint que cela ne mène à d’autres sauvetages de banques aux frais des contribuables.

Paul Singer souhaite aussi que l’on resserre les règles sur les marchés dérivés et que l’on rende le trading plus transparent. Les dérivés, qu’il utilise allègrement lui-même, introduiraient plus de risques que de bénéficies dans le système financier, selon lui.

DÉFENDRE SES INTÉRÊTS

De son côté, Uber souhaite pouvoir offrir des actions à ses chauffeurs sans que ces derniers n’aient à payer pour les acheter, ce qui est interdit pour l’instant.

Pacific Investment Management Co (PIMCO), l’un des plus grands détenteurs de titres adossés à des hypothèques, veut que les règles aident à ressusciter le marchés des hypothèques non garanties par le gouvernement, moribond depuis la crise de 2008. Pour éviter une nouvelle crise des subprimes, Dodd-Frank oblige les banques à toujours assumer une part du risque lié à ces hypothèques. La logique étant que les banques prêteront avec plus de prudence si elles ne peuvent refiler tous les risques à d’autres. Mais ces règles ont aussi rendu l’échange de titres associés à ces hypothèques très difficiles.

On le voit, les élus américains n’ont pas fini de cogiter pour intégrer toutes ces propositions et produire de nouvelles règles suscitant une adhésion suffisante pour être adoptées et mises en vigueur.

La rédaction