Québec veut contrer la pénurie de main d’œuvre

Par La Presse Canadienne | 26 novembre 2021 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Pour résorber la pénurie de main-d’œuvre, le gouvernement Legault va payer les étudiants qui se dirigeront vers des « professions ciblées » en santé, en génie et en technologie de l’information, et ce, dès la session d’automne 2022.

Ces bourses incitatives seront octroyées après chaque session réussie à temps plein, selon la mise à jour économique dévoilée par le ministère des Finances du Québec, jeudi. Au collégial, un étudiant admissible recevra 1500 $ par session pour un total de 9000 $ pour un programme d’étude de trois ans.

À l’université, le montant octroyé sera de 2500 $ par session, ce qui représente une somme totale de 15 000 $ pour un programme de trois ans et de 20 000 $ pour un programme de quatre ans.

Le ministère prévoit que la mesure coûtera 1,7 milliard de dollars (G$) au Trésor public d’ici 2025-2026. Il s’agit de la plus importante part de l’enveloppe de 2,9 G$ sur cinq ans prévue pour atténuer la pénurie de main-d’œuvre. Le gouvernement y consacrera aussi 988,6 M$ à même les enveloppes budgétaires des différents ministères.

Avec ce plan, Québec veut « former, requalifier et attirer » près de 170 000 travailleurs dans certains domaines d’activité d’ici cinq ans. Les cinq secteurs ciblés sont: la santé et les services sociaux, l’éducation, les services de garde éducatifs à l’enfance, le génie et les technologies de l’information et la construction.

Le gouvernement a fait connaître son plan tandis que le marché du travail québécois doit composer avec une rareté de la main-d’œuvre qui s’aggrave dans plusieurs secteurs de l’économie. Le vieillissement de la population et la diminution de l’immigration en raison de la pandémie expliquent cette tendance. Il y aurait près de 279 000 postes vacants au Québec, selon Statistique Canada.

Pour combler ses propres besoins de main-d’œuvre, le gouvernement va accorder des primes pour favoriser le retour à l’emploi de professionnels à la retraite, notamment des infirmières, des préposés aux bénéficiaires, des enseignants et des éducatrices en service de garde. Le ministère prévoit consacrer 60,3 M$ à cette mesure sur deux ans.

Pour un travailleur gagnant un salaire de 40 000 $, la prime salariale représenterait un revenu supplémentaire de 2640 $ à 3156 $ pour une année, selon l’exemple donné dans la mise à jour économique.

DES OUBLIÉS

Dans le milieu des affaires, certains secteurs se sentent oubliés par les mesures ciblées déployées par le gouvernement. « Malheureusement, le secteur manufacturier ne s’y retrouve pas, déplore en entrevue Véronique Proulx, directrice générale de Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ). C’est clair qu’on est déçu. »

Les PME, pour leur part, « restent sur leur faim », malgré les milliards prévus, dit François Vincent, vice-président pour le Québec de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI). « Les autres secteurs économiques méritent et doivent aussi être appuyés par le gouvernement du Québec. »

Pourtant, la pénurie de main-d’œuvre s’aggrave au fil des mois pour les PME, ajoute François Vincent. Il note qu’en janvier 26 % de ses membres disaient avoir dû refuser des ventes ou des contrats en raison d’un manque de personnel. En novembre, cette proportion est montée à 44 %.

Le secteur manufacturier risque de perdre des travailleurs au détriment des secteurs ciblés par Québec, s’inquiète Véronique Proulx. « Le secteur de la construction va chercher des employés dans notre secteur. J’ai des membres qui m’appellent justement pour me dire qu’ils perdent des employés aux dépens du secteur de la construction. »

En ciblant certains secteurs, le gouvernement a décidé de prioriser les services essentiels, comme la santé et l’éducation, et les secteurs économiques « stratégiques », explique Eric Girard, ministre des Finances. « On ne peut pas tout faire, a-t-il dit en conférence de presse. Comme gouvernement, c’est important de faire des choix. »

Le gouvernement valorise les professions nécessitant une formation universitaire, mais oublie d’autres métiers qui nécessitent une formation secondaire ou collégiale, croit Véronique Proulx. Elle donne en exemple les soudeurs ou les électromécaniciens. « Ça fait longtemps qu’on dit que ce type d’emploi-là ou ce type d’étude-là n’est pas assez valorisé au Québec. »

Au Conseil du patronat du Québec (CPQ), on aurait aimé des actions pour aider les employeurs dans l’immédiat. On donne en exemple l’intégration des personnes éloignées du marché du travail et la rétention des travailleurs expérimentés, « une main-d’œuvre pourtant disponible et sous-valorisée ».

« L’absence de mesures à court terme risque d’être néfaste pour plusieurs secteurs de notre économie et plusieurs régions du Québec », avance Karl Blackburn, président et chef de la direction du CPQ, dans un communiqué.

DES ZONES D’INNOVATION

Le gouvernement ajoute 444 M$ supplémentaires sur cinq ans destinés au développement économique. Ce montant tient compte de la promesse de brancher tous les Québécois à l’internet haute vitesse d’ici septembre 2022, annoncée en juillet dernier pour un montant de 94 M$.

Le ministère prévoit un montant de 100 M$ pour lancer les premières zones d’innovation. Plusieurs projets ont été déposés et font l’objet d’une analyse. La mise à jour n’a pas donné plus de détails sur les secteurs visés, mais on affirme que des projets seront présentés « prochainement ».

La Presse Canadienne