Quel est le profil type du fraudeur économique ?

Par Denis Méthot | 18 septembre 2014 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Catherine Rossi, professeure à l’Université Laval et détentrice d’un Ph. D en criminologie,.

Et quelles sont les conséquences de ses actes sur ses victimes ?

Le fraudeur en valeurs mobilières est à coup sûr un Blanc de sexe masculin, il est âgé en moyenne de 50 ans, il occupe un emploi de col blanc, il y a de fortes chances qu’il soit propriétaire ou dirigeant d’une entreprise et il a de bonnes économies ainsi que quelques dettes.

Deux chercheurs américains, David Weisburd et Elin Waring, ont tracé au début des années 2000 un profil des criminels à col blanc. Même si le portrait de ces fraudeurs a pu évoluer en 13 ans en raison des «progrès» des crimes informatiques, leur étude ne vieillit pas, aux dires de Catherine Rossi, professeure à l’École de service social, programme de criminologie, à l’Université Laval, qui participait comme conférencière au forum sur la criminalité économique.

Ce tableau de Weisburd et Waring établit le profil des fraudeurs économiques (voir ci-dessous) selon le type de crimes commis. Il a été réalisé à partir d’échantillons provenant des données du FBI consignées par l’Université Yale.

Lois anti-trust, valeurs mobilières Évasion fiscale, corruption Fraude au crédit, fraude à l’assurance, vol d’identité Détournements de fonds
Blanc ou caucasien (%) 100 80 à 90 60 4 70 75
Sexe masculin (%) 100 80 à 90 85 55 à 80
Moyenne d’âge 50 45 37 30
Sans emploi (%) 0 7 20 2
Emploi « Col Blanc (%) 98 78 84 97
Propriétaires et dirigeants d’entreprise 70 30 18 18
Économies 145 000$ 40 000$ 6 000$ 2 000$
Dettes 32 000$ 20 000$ 3 000$ 2 000$
Études supérieures (%) 50 23 23 18


Les motivations des fraudeurs économiques varient selon les groupes d’individus. Les cols blancs le font par appât du gain, pour déjouer le système ou mettre une partie de leur argent à l’abri des impôts de leur pays.

Le «mafiaboy» est plutôt à la recherche d’un sentiment de supériorité, il veut briller aux yeux des amis, il va frauder par challenge et défi technique en pénétrant les ordinateurs d’institutions financières ou de grandes compagnies et agences.

Les femmes? Plutôt absentes du décor en matière de crime économique. Elles vont s’adonner à des vols, du recel ou parfois des petits détournements de fonds.

Du côté des personnes fraudées

Au Canada, l’immense majorité des crimes commis sur une année impliquent des personnes qui se connaissent, même en ce qui concerne des gestes violents. En matière de crimes économiques, la situation est tout à fait différente. La victime n’est pas en présence du criminel. Le fraudeur en veut à ses économies ou sa carte bancaire, pas à la personne elle-même.

Selon Catherine Rossi, l’immense majorité des pertes occasionnées par les crimes économiques sont inférieures à 1 000$. Plus les sommes sont faibles, plus le nombre d’incidents est élevé.

La fraude la plus courante serait ce message qui vous dit : «Vous avez gagné!»

La plus coûteuse est la fraude à l’investissement, où des personnes ont perdu des centaines de milliers de dollars et les économies de toute une vie aux mains d’escrocs à col blanc.

  • L’immense majorité des pertes occasionnées par les crimes économiques sont inférieures à 1 000$.

Des conséquences dramatiques

Le portrait des impacts des crimes économiques, tels que les grandes fraudes financières, décrit par Catherine Rossi est triste et désolant. Les effets se font sentir sur plusieurs plans et peuvent être dramatiques : pertes financières sèches, relatives et pertes par ricochet, conséquences psychologiques (dépression), notamment.

Des victimes, qui ont déjà beaucoup perdu au plan pécuniaire, se voient déclarées inaptes à gérer leurs avoirs, la fraude va entraîner une réorganisation familiale, provoquer une diminution des habitudes et du niveau de vie, amener de l’isolement ou au contraire de la sursollicitation.

Les fraudes ont aussi des retombées négatives majeures sur le personnel d’entreprises impliquées, même si ces employés n’y sont pour rien. Elles auront un effet sur le moral des travailleurs, l’esprit d’entreprise, leur fonds de retraite pourra être affecté, les gestes criminels vont aussi entraîner une perte de confiance de la clientèle et donc des pertes de revenus.

En outre, les fraudes vont amener une pression nouvelle provenant des dirigeants de l’entreprise et des assurances ainsi qu’un surinvestissement en personnel et en temps dans les mesures de formation et de prévention pour éviter la répétition de ces actes.

Les grandes fraudes financières au Québec
  • Affaire Earl Jones (1986-2009)
    • 158 investisseurs floués
    • Pertes brutes de plus de 50 M$
    • Aucune indemnisation
    • Recours collectif contre la RBC en cours
    • Peine de 11 ans d’emprisonnement
  • Affaire Norbourg – Vincent Lacroix
    • 9 200 victimes
    • Pertes brutes de 115 millions
    • Recouvrement et indemnisation incomplète
    • Peine de 12 ans, puis de 13, purgée en grande partie dans la communauté
  • Affaire Norshield au Québec

    • 2 000 investisseurs
    • 159 M$ en pertes
    • 4,5 M$ d’amendes pour le fondateur de Norshield et deux autres ex-dirigeants. De plus, ils ont été bannis à vie du commerce des valeurs mobilières.
    • En octobre 2013, la Cour supérieure du Québec a autorisé un recours collectif contre la RBC, RBC Dominion valeurs mobilières et RBC Marchés des capitaux pour l’achat d’actions d’Olympus United Funds, une division de Norshield.

La criminalité économique en 5 questions :

Des conséquences quantifiables ? Quels outils de lutte ? Quel est le profil type du fraudeur économique ? L’investissement socialement responsable peut-il réduire la criminalité économique? Que fait le CANAFE ?

Denis Méthot