Quelle croissance pour 2013?

Par Anaïs Chabot | 18 février 2013 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Réunis dans le cadre de la conférence Perspectives économiques 2013 de la Jeune Chambre de commerce de Montréal (JCCM), François Dupuis, vice-président et économiste en chef du Mouvement Desjardins, Laurent Simon, professeur agrégé à HEC Montréal et Laurent Martin, chef économiste, Affaires internationales et vigie stratégique à l’Autorité des marchés financiers, ont livré leurs prévisions de ce que sera l’économie cette année.

Les trois spécialistes ont d’abord été interrogés sur le bilan qu’ils font de l’année 2012. Pour François Dupuis, 2012 s’est comporté comme il le prévoyait. Il n’y a pas eu d’autres chocs et pas de récession mondiale. La bonne nouvelle, selon lui, est la manière dont se sont comportées les banques centrales en 2012. La mauvaise est le départ de Mark Carney de la Banque du Canada. Pour Laurent Martin, il y a eu plusieurs bonnes nouvelles en 2012 : les interventions musclées de la Banque centrale européenne qui ont permis d’apaiser les marchés financiers et le marché immobilier américain qui a commencé une remontée beaucoup plus tôt que prévu et de manière plus forte de ce qui était envisagé. « C’est très important pour nous au Québec, ça a un impact sur nos exportations. » La mauvaise nouvelle pour lui est le ratio d’endettement des ménages canadiens qui ne cesse d’augmenter, et ce, de façon importante. Finalement, la déception de Laurent Simon en 2012 a été la crise qui s’est poursuivie. Mais, il y a de l’espoir, selon le professeur des HEC, puisque les gens commencent à être conscients de cette crise et que les organisations commencent à réfléchir autrement.

Quelle croissance pour le Canada? François Dupuis croit que la croissance canadienne ne dépassera pas les 2 % en 2013, comme ce fut le cas en 2012. « C’est une croissance qui, à la limite, peut être satisfaisante, mais pas fantastiques et qui amène beaucoup de défis quant aux dépenses publiques », dit-il. L’exportation canadienne profitera de la reprise de l’économie aux États-Unis, ajoute-t-il. Même son de cloche du côté de Laurent Martin. Il croit que, compte tenu de la reprise anticipée du secteur des exportations des États-Unis et de la force de la devise américaine, la croissance canadienne en bénéficiera. Cependant, l’assainissement budgétaire négatif, tant au fédéral que dans les provinces canadiennes, aura un impact négatif sur la croissance, pense-t-il.

Un marché immobilier en difficulté Une baisse du secteur immobilier résidentiel est à prévoir aussi, selon Laurent Martin. Pour François Dupuis, tant les ventes de maisons existantes que de maisons neuves vont ralentir. Dans les secteurs où il existe beaucoup de condos, comme à Montréal, les prix devraient baisser, prévoit-il. Malgré tout, les taux d’intérêt devraient demeurer bas. Et il ne croit pas, comme l’affirmaient des analystes européens en mai dernier, que le marché immobilier canadien subira une baisse prononcée. « Les prix vont croître moins rapidement, mais ils ne baisseront pas », a-t-il dit à Conseiller.ca.

Qu’est-ce que la croissance en 2013? Faut-il revoir les notions de ce qu’est la croissance? Pour Laurent Simon, on ne peut plus s’attendre à des taux de croissance comme on a connu auparavant. François Dupuis partage ce point de vue. Pour lui, « c’est la fin des taux de croissance faciles et rapides auxquels on était habitué dans les pays industrialisés. C’est un gros problème, qui causera beaucoup de nouveaux défis. » Pour Laurent Martin, la croissance a été le levier financier pendant longtemps. « La réduction des leviers d’endettement dans l’ensemble des pays industrialisés, que ce soit des leviers du secteur des services financiers ou des secteurs privés, a créé d’autres perspectives de croissance. » Selon lui, l’arrivée sur le marché du travail de millions de travailleurs originaires des pays en développement a créé une offre de travail énorme et a eu une incidence à court terme sur la croissance. D’autres facteurs, comme la déréglementation du secteurs des services financiers, et donc l’accroissement du crédit facile, sont des décisions que l’on tente de renverser, ce qui a un effet modérateur sur la croissance.

Une crise mondiale? Pour François Dupuis, la crise est toujours présente, même s’il y a moins de tension financière. « Mais, ça ne prend pas grand chose pour que ça revienne, surtout du côté de l’Europe. » Et la situation américaine est loin d’être réglée, explique-t-il. « L’année 2013 sera une année de transition, avec encore énormément de risques. » Cependant, il voit certains signes encourageants, notamment le marché immobilier américain, la confiance des ménages états-uniens, etc., ce qui va peut-être sauver le Canada, ajoute l’économiste en chef du Mouvement Desjardins. « La crise est contenue, mais elle est loin d’être résolue. Il est fort probable qu’aux cours des prochains mois et des prochaines années, il y aura encore des problèmes en Grèce, en Italie et au Portugal. Leurs situations sont encore très précaires. » Mais, il ne croit pas à un éclatement de la zone euro, même s’il risque d’y avoir quelques soubresauts. Les Européens sont rendus trop loin dans leur processus. Les coûts seraient énormes. »

Anaïs Chabot