Qui a peur de Marine Le Pen?

Par La rédaction | 27 février 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Marine Le Pen lors de la convention présidentielle du Front National en 2007. (Photo : Antoine Bayet)

On a eu le Brexit, puis Donald Trump. Voici que le nouvel épouvantail du monde financier se nomme… Marine Le Pen. Coup sur coup ces derniers jours, une grande banque américaine et des responsables politiques allemands se sont inquiétés des répercussions négatives de son élection à la présidence française.

Marine Le Pen, présidente de la République française? Cette perspective demeure hypothétique, mais de moins en moins improbable. La plupart des sondages continuent de donner la dirigeante du Front National gagnante au premier tour, mais perdante au deuxième. Toutefois, l’écart se resserre. Le sondage Elabe du mardi 21 février la montre perdante au deuxième tour avec 44 % des voix contre François Fillon et 41 % si elle s’oppose plutôt à Emmanuel Macron. Une nette progression par rapport au sondage de l’Institut IFOP du début janvier, lequel lui prédisait 36 % des voix contre Fillon et 35 % contre Macron. Et comme les sondages tenaient le Brexit pour battu et prédisaient une victoire nette d’Hillary Clinton aux présidentielles américaines, leurs prédictions ne rassurent personne.

PIRE QUE LEHMAN BROTHERS?

Inquiétudes, donc, et pas juste en France, selon Les Echos. Des analystes de Bank of America Merrill Lynch soutiennent que l’entrée à l’Élysée de Marine Le Pen serait plus grave encore que la faillite de Lehman Brothers. À leur avis, cela pourrait provoquer un événement de crédit majeur, aux retombées systémiques (faillite de la France, défaut de paiement, restructuration de la dette nationale) susceptibles de faire exploser la planète finance.

C’est le poids de la France sur le marché de la dette émise en euros qui inquiète particulièrement les analystes. La France compte pour près d’un quart du marché des titres de dette émis en obligations d’entreprises dans cette devise (22,6 %), selon l’indice BoAML. La dette des entreprises françaises sur les marchés atteint 410 milliards d’euros de valeur nominale, réduisant la possibilité pour les investisseurs de couvrir leur exposition.

Le risque Le Pen, qui augmente déjà les taux auxquels la France peut emprunter, pourrait s’étendre si son plan économique, prévoyant notamment une sortie de l’euro, était appliqué.

UN VOISIN NERVEUX

Ce scénario-catastrophe n’a pas échappé à l’attention du voisin allemand, de plus en plus nerveux, rapportent Les Echos. Décorum oblige, les politiques se gardent pour la plupart d’exprimer leurs craintes au grand jour. D’autant plus que personne ne souhaite alimenter le Front National, toujours prompt à dénoncer la mainmise de l’Allemagne sur l’Europe et à déplorer la perte de la souveraineté qui en découlerait pour la France.

Le ministre des Finances, Wolfgang Schäuble, s’est tout de même permis cette sombre prédiction. « Si Madame Le Pen devenait présidente, obtenait ensuite la majorité à l’Assemblée nationale et faisait ce qu’elle a annoncé, alors l’Union européenne et l’Union monétaire dans sa forme actuelle serait naturellement dans une crise existentielle. Ce serait la fin. »

De son côté, la Bundesbank (la banque centrale allemande) refuse de céder au pessimisme, disant continuer de croire que le prochain gouvernement français « restera fidèle à l’Europe ». Cela n’empêche pas ses dirigeants de discuter des précautions qu’il faudra prendre en cas de scénario différent.

De son côté, l’économiste allemand Clemens Fuest, à la tête de l’Institut de recherche économique Ifo, croit qu’il faut se préparer à une fuite de capitaux massive d’Europe du Sud vers l’Allemagne.

Craintes excessives de la planète financière ou prévisions lucides? L’avenir le dira bien assez vite. Le premier tour de l’élection présidentielle française se tiendra le 23 avril, rapidement suivi d’un deuxième vote le 7 mai.

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