Rapport interne embarrassant : l’AMF joue sur les mots

Par Pierre-Alexandre Maltais | 4 mars 2015 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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L’Autorité des marchés financiers (AMF) s’est retrouvée dans l’embarras mardi matin à la suite de la diffusion d’un reportage du Journal de Montréal alléguant que l’organisme « croulait sous la mauvaise gestion dans ses enquêtes ».

Les termes utilisés par le journaliste seraient « grandement exagérés », selon le porte-parole de l’AMF Sylvain Théberge, qui s’est dit « très étonné » de la teneur de l’article lorsque nous l’avons contacté. Selon lui, des « recours appropriés » contre le Journal ne sont pas à exclure.

Des termes rigoureusement exacts

Pourtant, lorsque joint par Conseiller, le journaliste Jean-Nicolas Blanchet a pu confirmer sans l’ombre d’un doute ses dires. L’utilisation des termes « inefficience », « ignorance » ou « confusion » par le journaliste pour décrire les lacunes constatées dans l’administration de la preuve électronique par l’AMF sont écrits noir sur blanc dans le rapport de KPMG, et ne découlent en aucun cas de l’interprétation personnelle de celui-ci.

Voici trois extraits du document* qui nous ont été fournis par le journaliste :

  • « Le contenu du dossier électronique (preuves et documents de travail) est dispersé dans divers dossiers, répertoires et boîtes courriel, ce qui entraîne une confusion entre les documents de travail et les preuves, ainsi qu’entre les documents originaux et les copies. »
  • « Les enquêteurs et analystes ignorent l’existence d’outils logiciels utilisés par d’autres à l’Autorité. »
  • « La communication des dossiers à l’interne, entre les unités, se fait selon des modalités fréquemment inefficaces (impression, numérisation, gravure de CD). »

Ton alarmiste

Il n’en demeure pas moins que l’AMF clamait mardi que « contrairement au ton alarmiste utilisé par le journaliste, le rapport souligne plutôt la qualité des processus implantés à l’AMF, lesquels se comparent avantageusement à ceux qu’on retrouve dans d’autres organisations au Québec ».

Le porte-parole de l'AMF, Sylvain Théberge

« Il n’y a aucun équilibre entre ce que [le journaliste] a écrit et ce que nous lui avons fourni comme information. Il mise seulement sur les points à améliorer en utilisant un ton très négatif », ajoute M. Théberge, qui assure que l’AMF a répondu aux demandes d’informations du journaliste au cours « des derniers mois ».

M. Blanchet de son côté ne nie pas avoir mis l’accent sur les aspects négatifs du rapport, ou « points à améliorer » selon les mots de l’Autorité, mais rappelle que les aspects en question ont été sélectionnés parce qu’il s’agit là d’une information qui tient de « l’intérêt public ».

Un rapport commandé en 2012

Le Journal a eu accès à un rapport interne que l’AMF a commandé à la firme KPMG en 2012. L’article mentionne des problèmes dans la gestion de la possession de preuve lors des enquêtes, la communication déficiente des dossiers à l’interne, un désordre informatique ou encore des failles dans la sécurisation des informations confidentielles.

Le rapport de la firme suggère à l’AMF d’amorcer un virage afin de mieux informatiser ses méthodes d’enquête dans les 30 mois. En 2015, ce virage serait toujours en voie d’être complété, selon les informations obtenues par le JdeM.

L’AMF ne s’inquiète pas outre mesure de ces remontrances et affirme n’avoir « aucune inquiétude par rapport à ses processus en place ».

La réplique du PDG Louis Morisset

Dans une lettre ouverte diffusée le vendredi 6 mars, le président-directeur général de l’AMF Louis Morisset a répliqué aux allégations du Journal de Montréal. Consultez l’intégralité de cette réponse.

* La rédaction a mis les mots en évidence pour les besoins du texte.

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Pierre-Alexandre Maltais