REER et correction boursière : rééquilibrer sans se tromper

Par Jean-François Parent | 17 novembre 2015 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
9 minutes de lecture

Les pertes importantes enregistrées par les marchés au dernier trimestre forcent le rééquilibrage des portefeuilles. Quelques pistes pour ne pas se tromper.

Le Dow Jones perdant plus de 1 000 points en une seule séance, le 24 août dernier, a fait peur. Ajoutons à cela la chute des cours chinois à la fin de l’été, de l’ordre de plus de 8 % en une seule journée, et il n’est pas étonnant que des sueurs froides parcourent l’échine des épargnants.

Affligé de baisses plus modestes, le marché canadien a néanmoins vu certains de ses secteurs perdre plus de 3 % durant le seul mois d’août, comme ce fut le cas pour la finance et l’énergie. La consommation discrétionnaire et les soins de santé cédaient quant à eux plus de 6 et 8 % respectivement.

Ces pertes ont causé beaucoup de nervosité, comme l’explique Pierre Payeur, conseiller principal chez Desjardins Gestion de patrimoine. « Et pas que chez les investisseurs, parmi les conseillers aussi. Il y a beaucoup de volatilité, et donc beaucoup d’incertitude. »

Plusieurs se demandent donc comment réagir à ce marasme dans les portefeuilles, alors que l’épargne enregistrée, investie dans les comptes REER, a quelque peu fondu, explique Pierre Payeur.

Une analyse que partage la portefeuilliste Marie-Josée Turcotte, de BMO Nesbitt Burns. « Nous traversons un marché haussier structurel qui subit une correction, avec des baisses moyennes pouvant atteindre près de 10 % », observe-t-elle.

PRUDENCE AVANT TOUT

Un marché haussier structurel est le fait de grandes tendances économiques de fond, comme l’accroissement de la masse monétaire, le désendettement, ou la faible valorisation des cours. En clair, la hausse des dernières années n’est pas que cyclique, et devrait se poursuivre malgré la dégringolade des cours enregistrée cet été. En fait, les actions ont pratiquement triplé depuis la crise des subprimes, le S&P 500 affichant notamment un gain de 220 % depuis 2009.

Marie-Josée Turcotte

« On voit des mouvements assez prononcés sur les marchés, mais comme il n’y a pas de changements fondamentaux dans l’économie, il faut garder le cap.  »

Marie-Josée Turcotte, BMO Nesbitt Burns

Malgré la récente dégelée, le temps resterait donc clément, même s’il sera très volatil, en somme. Il faut donc réagir prudemment, selon Marie-Josée Turcotte : « On voit des mouvements assez prononcés sur les marchés, mais comme il n’y a pas de changements fondamentaux dans l’économie, il faut garder le cap. Dans le contexte d’un portefeuille équilibré, composé pour moitié d’actions, avec 40 % de revenu fixe et 10 % de liquidités, la portion actions aura perdu de la valeur. Il faut donc la ramener à son point d’équilibre en ajoutant des actions. »

Et insister auprès des investisseurs pour qu’ils ne se lancent pas dans une vente de feu, met en garde la portefeuilliste. D’autant plus que vendre, et décaisser du compte REER, implique un coût fiscal.

FNB ou fonds équilibrés ?

Dans le contexte actuel, un fonds équilibré servira surtout à réduire la volatilité du portefeuille, explique Gaétan Veillette. « Cela rassure les investisseurs plus nerveux. Ce type de produit permet aux gens de se prémunir contre les baisses soudaines, tout en ne subissant pas la volatilité qu’impliquent des hausses importantes. »

« Pour ceux qui investissent dans un contexte de REER, on doit miser sur le long terme », avance Pierre Payeur, qui est d’avis que le fonds équilibré sert bien ce profil. Il est également bénéfique aux investisseurs – et aux conseillers – qui souhaitent adopter une approche plus passive face aux événements. Les fonds équilibrés servent ainsi de refuge contre les aléas du court terme dans les portefeuilles REER.

Les deux experts s’entendent pour dire que, dans les prochains trimestres, les fonds équilibrés doivent surtout être offerts à ceux que la volatilité rend malheureux. Car les montagnes russes sont encore de la partie, notamment de par l’incertitude des marchés, mais également en raison des ventes fiscales de fin d’année qui doivent encore survenir et qui ajouteront beaucoup de mouvements dans les prochains mois.

C’est également dans une perspective de passivité pour un portefeuille que les fonds négociés en Bourse (FNB) peuvent être intéressants, selon Marie-Josée Turcotte. « Le FNB est une stratégie passive, car il calque les indices. » Il offre une bonne couche de diversification supplémentaire, mais reste un produit vulnérable aux aléas du marché. « Un FNB indiciel du marché canadien subit toute la variation de ce marché », ce qui ne réduit pas nécessairement la volatilité du portefeuille.

Marie-Josée Turcotte estime en outre qu’il peut être erroné de ne considérer les FNB que sous l’angle du prix. À ses yeux, leurs frais d’à peine 50 points de base dans certains cas, comparativement aux quelque 200 points exigés pour les fonds communs, ne disent pas tout. « Ils ont une fonction différente au sein du portefeuille de celle des fonds équilibrés ou des actions. On les recommande aux investisseurs souhaitant des investissements plus nichés, comme les marchés émergents », analyse-t-elle.

Bref, l’objectif est d’essayer de profiter de certaines opportunités lorsqu’on veut faire montre d’un peu plus d’audace.

ACTIONS ET DIVERSIFICATION GÉOGRAPHIQUE DANS LA MIRE

Ça tombe bien, puisque les actions, qui étaient souvent trop chères parce que surévaluées, sont maintenant offertes à rabais, courtoisie de la récente correction. Ainsi, « le conseiller devrait positionner ses clients pour la reprise. Dans un contexte de portefeuille équilibré, il faudrait donc surpondérer les actions », soutient Gaétan Veillette, planificateur financier au Groupe Investors.

Attention cependant, « car malgré la correction de l’été, il y encore beaucoup d’incertitude, et donc de volatilité », met en garde Pierre Payeur. Par contre, le marché américain est maintenant moins coûteux, et l’économie n’y va pas si mal. « Au Canada toutefois, le marché n’est pas cher, mais le prix du pétrole cause encore beaucoup d’incertitude, et je pense que les évaluations du secteur énergétique sont encore un peu élevées », ajoute le conseiller principal de Desjardins.

Tant Pierre Payeur que Marie-Josée Turcotte plaident pour davantage de diversification géographique au chapitre des actions. « Les investisseurs canadiens ont été gâtés ces dernières années, note la portefeuilliste de BMO, grâce à la surperformance causée par la grande demande pour les matières premières. » Par contre, les choses se tassent du côté du marché canadien, tandis que les économies plus profondes et mieux diversifiées, comme celles des États-Unis et de l’Europe, offrent de bons rendements à bons prix.

Pierre Payeur en rajoute : « Dans un contexte de REER, on vise le long terme. À cet égard, les marchés émergents offriront de bons rendements, notamment en Inde », dit-il, recommandant également d’aller magasiner chez nos voisins du Sud.

Quant à Gaétan Veillette, du Groupe Investors, il dit privilégier les moyennes capitalisations européennes.

LES REVENUS AU BEAU FIXE…

Pour la portion revenu fixe des portefeuilles, nos trois experts sont d’avis qu’il faut rester sur ses positions, avec un avantage pour les échéances à court terme. « Je table sur une continuité des bas taux d’intérêt », affirme Gaétan Veillette, selon qui il n’y aura par conséquent pas de pertes obligataires importantes dans les deux ou trois prochaines années.

« On prévoit peu d’inflation, alors les perspectives de hausse de taux sont encore modestes, poursuit Pierre Payeur. Il n’y aura ainsi pas de grands rendements, mais sûrement pas de rendements négatifs dans le marché obligataire. »

Encore ici, la diversité géographique est de mise. L’Australie, par exemple, offre de bonnes perspectives de rendement obligataire, mais il faut se méfier des régions, comme les îles Britanniques, où les rendements ne permettront pas de surpasser l’inflation dans les prochaines années.

Ce qu’il faut surtout éviter, c’est de se réfugier dans les revenus fixes, estime Gaétan Veillette. « En misant sur les CPG pour calmer les investisseurs plus nerveux, on risque de perdre de la valeur en ne battant pas l’inflation. »

Les meilleurs fonds équilibrés Rendement annualisé sur 10 ans (%), selon Morninsgtar Canada (PalTrack), au 21 septembre 2015
Équilibrés revenu fixe
Fidelity répartition de revenu * 8,8
Compass Conservative Balanced Portf. 5,7
Standard Life Revenu diversifié 5,4
Harmony port. conservateur Globale 5,1
Mackenzie revenu 5
Équilibrés actions canadiennes
Mackenzie équil. canadien croiss. 6,8
imaxx canadien à versement fixe 6,6
AGF revenu mensuel élevé 6,5
Mackenzie Cundill can. équilibré $ US 6
Fidelity Répartition actifs can. 6
Équilibré canadien neutre
Dynamique équilibré Blue Chip 8,2
Fidelity Revenu mensuel 8,1
Fidelity Cat. équilibré Canada 7,9
Fidelity Équilibre Canada 7,9
Dynamique de revenu de dividendes 7,2
Équilibré mondiaux à revenus fixes
CI Série Portefeuilles de revenu 6
Franklin Quotentiel port. de rev. divers 5,2
CI Série Portefeuilles de revenu 5,1
Quotential Diversified Income Port. Ser. 5
Russell port. équilibré rev. LifePoints 5
Équilibrés mondiaux d’actions
Mawer équilibré avantage fiscal 7,7
Mackenzie Ivy mondial équilibré 7,5
Cambridge à revenu élevé 7,4
Dynamique valeur équilibré 7,1
Fidelity Répartition mondiale 6,6
Équilibrés mondiaux neutres
Mawer équilibré 7,8
CI Signature revenu et croissance 7
CI Signature cat. soc. rev. croiss. 6,8
CI Signature revenu élevé 6,6
CI Signature Cat. société rev. élevé 6,5
* Les différentes séries du fonds Fidelity répartion du revenu occupent les cinq première places du palmarès sur 10 ans (Séries A, S8, T8, etc.) Nous avons privilégié la meilleure de ces séries pour notre classement.

• Ce texte est paru dans l’édition de novembre 2015 de Conseiller. Il est aussi disponible en format PDF. Vous pouvez également consulter l’ensemble du numéro sur notre site Web.

Jean-François Parent