Règlement 31-103 : la survie de la CSF est menacée

Par Ronald McKenzie | 23 juillet 2007 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Si le gouvernement du Québec décide de choisir le MFDA comme organisme d’autoréglementation [OAR] du secteur de l’épargne collective au Québec, cela pourrait entraîner le démantèlement de la Chambre de la sécurité financière.»

On ne peut pas dire que Luc Labelle, vice-président exécutif de la CSF, parlait la langue de bois jeudi dernier. Lors d’une rencontre avec l’équipe éditoriale de Conseiller.ca et d’Objectif Conseiller, le vice-président exécutif de la Chambre de la sécurité financière(CSF), assisté de Lise Provost, directrice des communications, ont dressé un bilan de l’année 2006 et tracé les grandes lignes des activités de 2007.

«Le dossier vital, c’est le projet de Règlement 31-103. Nous comprenons mal pourquoi le gouvernement retiendrait la solution MFDA, alors que la CSF a tous les éléments pour devenir l’OAR du secteur de l’épargne collective au Québec. C’est la meilleure solution pour le marché Québécois», dit Luc Labelle. On l’appelle l’Option 3-A. Le public peut en prendre connaissance en cliquant ici.

Avant de poursuivre son argumentation, il précise: «Que les cabinets en épargne collective soient encadrés par un OAR est une bonne chose. Mais il est crucial que les centres de décisions demeurent au Québec.» En effet, si c’est le MFDA qui l’emporte, le siège social de l’OAR sera à Toronto. Certes, on ouvrira un bureau au Québec, la documentation sera traduite en français et du personnel francophone effectuera le service à la clientèle. Cependant, les décisions importantes seront prises à Toronto.

Actuellement, ni la CSF ni l’Autorité des marchés financiers(AMF)n’ont à se soucier de la spécificité du Québec lorsqu’elles établissent des politiques ou adoptent des règlements. Elles y vivent! «Mais ce sera une tout autre histoire avec le MFDA. On sait que les relations entre le Québec et le reste du Canada ne sont pas toujours faciles», indique Luc Labelle.

Formellement, la CSF ne mène pas de lobby auprès de la ministre Monique Jérôme-Forget. Mais celle-ci connaît bien les positions de la CSF, souligne Luc Labelle. Il en rappelle les grandes lignes:* Une CSF restructurée permettra d’atteindre l’objectif d’harmonisation et de simplification du régime d’inscription partout au Canada.* Elle préservera les centres de décision au Québec.* Elle maintiendra les bénéfices de la multidisciplinarité de la Chambre et de ses membres.* Elle est des plus cohérentes avec la volonté qui sous-tend l’instauration du passeport.* Elle sera plus accessible pour le public: proximité, langue, culture. En outre, le public n’aura à s’adresser à un seul OAR.

«N’oublions pas que la CSF fonctionne selon une structure démocratique. Chaque membre peut voter pour ses administrateurs. Le MFDA a une formule moins représentative. Nous avons 100ans d’histoire derrière nous. La Chambre, c’est un réseau de 20sections régionales bien implantées partout dans la province.»

Lors de l’assemblée générale qui s’est tenue le 15 juin dernier, les membres ont appuyé massivement l’Option 3-A. À l’évidence, ils veulent que la CSF devienne l’OAR du secteur de l’épargne collective au Québec. «C’est juste logique. En matière de valeurs mobilières, le gouvernement du Québec soutient le régime du passeport. Il s’oppose à ce qu’un organisme unique pancanadien encadre ce secteur. Or, s’il dit oui au MFDA, il ira à l’encontre de sa position, car le MFDA deviendra alors le seul organisme au pays à surveiller l’épargne collective», note Luc Labelle.

Pourtant, il est possible que Québec décide de retenir les services du MFDA. Cette hypothèse est formulée par l’AMF dans son document de consultation, et de grands cabinets d’ici y sont favorables. Ce serait la solution de la facilité. Qu’adviendrait-il alors de la CSF?

« Nous perdrions la moitié de nos représentants. En effet, nous comptons quelque 23000conseillers détenteurs d’un permis en épargne collective. Ils s’en iraient du côté du MFDA. Cela nous causerait un important manque à gagner au chapitre des cotisations. Quant aux représentants qui nous demeureraient assujettis, comme les planificateurs financiers et les conseillers en sécurité financière, ils verraient leurs cotisations augmenter significativement», indique Luc Labelle.

Par ailleurs, les 12000conseillers qui détiennent deux permis ou plus seraient encadrés par deux OAR: le MFDA pour le commerce des fonds communs, et la CSF pour la ventes d’assurances de personnes, par exemple. Et ils seraient tenus de cotiser aux deux endroits. «Le régime de passeport a pour but de simplifier et d’harmoniser la réglementation, en plus de réduire les coûts. Si on choisit le MFDA au Québec, on perdra tout cela. Nous reculerons avant 1999.»

Les aspects où le régime québécois est à l’avant-garde seront choses du passé. Luc Labelle, qui n’hésite pas à parler du «démantèlement de la Chambre», explique: «La réglementation par principes de la déontologie, innovatrice et propre au Québec, sera remplacée par l’imposition de règles strictes. La multidisciplinarité, qui caractérise les représentants du Québec et les organismes qui les encadrent, sera en danger. Quantà la formation continue obligatoire, elle risque de disparaître. Or, ce sont les conseillers eux-mêmes qui réclament cette formation, car elle maintient à jour leur compétence. Elle est de plus en plus enracinée dans leur pratique professionnelle.»

Les enjeux pour l’industrie québécoise des services financiers sont donc considérables. La première phase de consultation est terminée. Uniquement pour la question de l’OAR du secteur de l’épargne collective, l’AMF a reçu une vingtaine de mémoires qu’elle est en train d’étudier. À la suite de cet examen, elle déposera un nouvelle proposition qui sera également soumise à une autre période de consultation, plus courte celle-là, de 60 jours. Celle-ci devrait avoir lieu à la rentrée; les dates restentà confirmer. «Normalement, l’AMF aura fait son choix. Si ses propositions mettent en péril les objectifs du régime du passeport, nous ferons des démarches politiques pour les infléchir», dit Luc Labelle.

Ronald McKenzie