Réglementation des banques : le grand recul?

Par La rédaction | 1 mai 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Depuis la crise financière de 2008, les régulateurs des services financiers occidentaux ont resserrés la réglementation sur les banques et tenté d’harmoniser leurs exigences. Mais depuis quelques temps, un fort vent contraire menace de renverser la tendance, constate Bloomberg.

Tout a commencé en juin 2016, lorsque les Britanniques ont voté pour la sortie de leur pays de l’Union européenne. Soudainement, les banques installées dans cette Mecque de la finance qu’est la City de Londres ont commencé à étudier leurs options. Resteraient-elles à Londres après le Brexit ou délocaliseraient-elles une partie de leurs activités sur le continent européen?

CATASTROPHE ÉCONOMIQUE

Un exode des banques représenterait une catastrophe pour la Grande-Bretagne. Selon l’association TheCityUK, environ 7 % de la main-d’œuvre du Royaume-Uni travaille dans le secteur de la finance, lequel génère près de 12 % du PIB, en plus de contribuer 66 milliards de livres sterling (117 milliards de dollars canadiens) en taxes et de produire un excédant commercial de 72 milliards de livres sterling (127 G$ CAN). Depuis 2007, les entreprises étrangères ont investit environ 100 milliards de livre sterling (177 G$ CAN) dans le secteur de la finance du Royaume-Uni, plus que n’importe quel autre secteur de son économie.

La réaction du 10 Downing Street n’a donc pas tardé. La première ministre conservatrice Theresa May s’est dite résolue à combattre toute mesure punitive de l’Union européenne avec des diminutions d’impôt et des changements politiques favorisant les investisseurs et les entreprises. Elle a ouvertement laissé entendre que des assouplissements pourraient être apportés aux réglementations sur les banques dans la foulée du Brexit. Cela rejoint les revendications d’Intercontinental Exchange Inc., l’une des plus grandes plateformes boursières, et de la firme d’avocats d’affaires Shearman & Sterling LLP, lesquels voient dans le Brexit une occasion de réviser les règles imposées par la Commission européenne et de créer « un environnement réglementaire favorable aux marchés ». Lire : couper dans la réglementation et l’assouplir.

Cette attitude n’a pas laissé les autres pays européens indifférents. En effet, plusieurs d’entre eux rêvent d’attirer chez eux les banques rebutées par le Brexit. Elles font donc pression sur l’Union européenne pour que celle-ci assouplisse ses règles, afin d’encourager les défections des banques installées au Royaume-Uni, ce qui pourrait créer une véritable « course vers les bas-fonds » en matière de réglementation.

D’autant plus que la situation n’est pas moins volatile de l’autre côté de l’Atlantique. En élisant Donald Trump à la Maison-Blanche en novembre 2016, les Américains ont porté au pouvoir un homme qui prône la déréglementation du secteur des banques et de la finance. Celui-ci a déjà ordonné la révision de plusieurs réglementations et protections des consommateurs. Dernière en date : les règles encadrant le rôle que l’État peut jouer auprès d’une banque en faillite et d’autres permettant de désigner certaines institutions financières non bancaires comme critiques pour le système financier et donc de pouvoir leur imposer des restrictions supplémentaires.

DÉJÀ FATIGUÉS DE RÉFORMER

Tout cela fait dire à Mark Carney, qui dirige le comité de stabilité financière des régulateurs mondiaux, qu’il faut craindre une « lassitude des réformes », laquelle empêcherait de compléter les efforts amorcés depuis la crise de 2008. Déjà, les discussions du comité sur la supervision des banques de Bâle ont du plomb dans l’aile. Les efforts pour adopter de nouveaux règlements, comme ceux empêchant les banques d’utiliser leurs propres méthodes internes d’évaluation des risques pour déterminer si elles ont assez de capital, sont entravés par les objectifs politiques et idéologiques des dirigeants de certains pays, dont les États-Unis et le Royaume-Uni.

Les crises financières ne connaissent pas les frontières, mais les institutions financières, elles, savent bien s’en servir pour dresser les États les uns contre les autres, afin de promouvoir l’instauration de règles jouant en leur faveur. Reste à voir les résultats, lorsque le paquebot de la finance frappera son prochain gros iceberg. Les États devront-ils encore leur lancer des bouées de sauvetage au prix de milliards de dollars d’argent public?

La rédaction