Régulateur national : « Il faut tourner la page centralisatrice »

Par Rémi Maillard | 7 janvier 2016 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Malgré la défaite électorale des conservateurs, le projet de commission nationale des valeurs mobilières cher à Stephen Harper continue à susciter des remous, comme en témoignent des lettres récemment publiées dans plusieurs médias au pays.

Alors que le nouveau gouvernement fédéral n’a pas encore fait connaître sa position dans ce dossier, Louis Morisset, PDG de l’Autorité des marchés financiers (AMF) et président des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM), a signé deux de ces missives au mois de décembre, l’une dans le Financial Post, l’autre dans le Globe and Mail.

En réponse à une lettre ouverte de l’ancien ministre fédéral des Finances Joe Oliver diffusée quelques jours auparavant, le patron de l’AMF rappelle notamment que « l’harmonisation de la régulation est déjà un fait au Canada ».

LE SYSTÈME ACTUEL EST « FLEXIBLE ET EFFICACE »

En effet, souligne-t-il, « la vaste majorité des règles et politiques développées au cours des 20 dernières années l’ont été avec cet objectif en tête », ce qui a donné aux ACVM « la flexibilité nécessaire pour répondre efficacement aux enjeux de régulation locaux ».

Par ailleurs, poursuit Louis Morisset, non seulement le régulateur unique proposé par le gouvernement sortant aboutirait à démanteler le système de coopération déjà en place sous l’égide des ACVM, mais il le remplacerait par une structure comportant des « trous » importants puisque deux provinces (le Québec et l’Alberta, qui représentent environ 40 % de la capitalisation boursière au pays) n’y participeraient pas.

Sa conclusion? « Au lieu de présenter comme une faiblesse le fait que le Canada soit la seule économie développée sans régulateur unique, je crois que cela prouve au contraire à quel point sa structure de régulation est adaptée à un espace aussi vaste et diversifié. »

UNE STRUCTURE « ENCENSÉE »

Dans une autre intervention publiée à la veille de Noël dans La Presse, les ex-ministres provinciaux des Finances Raymond Bachand et Monique Jérôme-Forget reviennent eux aussi sur cette affaire.

Leur point de vue rejoint celui exprimé par Louis Morisset : en matière de réglementation des valeurs mobilières, l’industrie des services financiers est bien servie par le système actuel et le projet de Stephen Harper de créer un organisme centralisé avait « comme seul objectif de donner à ce même gouvernement et à l’Ontario la mainmise sur l’encadrement des valeurs mobilières et des instruments dérivés au Canada ».

Après avoir souligné que « la structure actuelle, décriée par l’ancien gouvernement fédéral, est encensée par les organismes internationaux, dont la Banque mondiale », Raymond Bachand et Monique Jérôme-Forget rappellent que le rapport 2014 sur l’état de l’économie canadienne du Fonds monétaire international « a de nouveau souligné la solidité du système actuel, qui repose sur la compétence des provinces ».

LE MYTHE DE L’EFFICACITÉ

Au passage, ils s’interrogent sur la pertinence du « mythe » selon lequel « un régulateur unique, peu importe sa forme », constituerait « un rempart absolu contre la fraude », comme en témoigne le fait que les scandales Enron et Madoff ont bien eu lieu aux États-Unis.

« Il n’existe pas de réels avantages à créer un tel organisme, tant du point de vue des consommateurs que de l’industrie des services financiers et ce, autant au Québec que dans les autres provinces et territoires », soutiennent les deux anciens ministres.

« N’en déplaise aux promoteurs de ce projet, l’industrie des services financiers est bien servie par la structure existante et le système actuel de passeport grâce auquel le participant au marché peut accéder aux marchés de tous les territoires concernés en ne traitant qu’avec son autorité principale et en se conformant à un ensemble de lois harmonisées », soutiennent-ils.

RESPECT DES COMPÉTENCES CONSTITUTIONNELLES

De plus, « cette structure a également comme avantage de respecter les compétences constitutionnelles tout en permettant la flexibilité et l’autonomie de réflexion et d’exécution dans le respect des nombreuses diversités régionales ».

Leur conclusion? « Le Canada dispose d’un système national efficace, quoique non centralisé sous le contrôle du gouvernement fédéral » et « le projet de l’ancien gouvernement constituerait un net recul en apportant davantage de lourdeur, de coûts et de conséquences économiques de toutes sortes ».

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Rémi Maillard

Journaliste multimédia. Santé, environnement, société, finances personnelles. Également intéressé par les affaires publiques, les relations internationales, la culture… Passionné de cyclisme.