Rémunération : de nombreux conflits d’intérêts potentiels

Par La rédaction | 16 Décembre 2016 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
6 minutes de lecture

Vingt-sept. Les institutions financières utilisent pas moins de vingt-sept moyens différents de rémunérer leurs représentants. Et nombreux sont ceux qui présentent un risque plus ou moins grave de conflits d’intérêts, jugent les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM).

C’est ce que révèle leur nouvel avis publié aujourd’hui dans le cadre des travaux de recherche qu’elles mènent pour régler les questions d’ordre réglementaire entourant la relation client-conseiller.

Les fameuses commissions intégrées, qui font l’objet de tant de débats et que les ACVM pourraient bien décider d’interdire, ne sont qu’un des nombreux systèmes de rémunération des représentants parmi la vaste gamme de pratiques.

Ces dernières ont été mises en lumière par un sondage réalisé en 2014, sondage portant sur la rémunération des représentants de grandes institutions financières qui fournissent des services à des clients individuels en tant que membres de l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels et de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM), de même qu’à des clients fortunés en tant que gestionnaires de portefeuille.

Pour chacune des vingt-sept pratiques, les ACVM ont déterminé le degré de possibles conflits d’intérêts qui pourraient en découler.

PRIORISER LES INTÉRÊTS DE SA SOCIÉTÉ

Résultat : la grande majorité d’entre elles sont de nature à faire passer les intérêts du représentant ou de l’institution financière avant ceux du client, jugent les Autorités. Elles pourraient donc pousser le conseiller à inciter son client à acheter des produits inadéquats ou à investir de manière plus risquée qu’il ne le voudrait ou ne le devrait.

Parmi ces pratiques, on compte notamment la rémunération axée sur le volume de ventes et le chiffre d’affaires généré, les incitatifs (pécuniaires ou non) pour prioriser les produits exclusifs, les incitatifs selon le montant des placements, ou encore les concours sur les produits, les services ou certaines promotions.

Concernant ces derniers, les ACVM estiment qu’ils «visent avant tout à encourager les représentants à vendre des produits ou services (ou les deux) qui sont prioritaires pour leur société, mais non pour le client. Ils peuvent donc motiver les représentants à promouvoir des produits et services dont le client n’a pas besoin ».

Les ACVM considèrent qu’il y a conflit d’intérêts lorsque les intérêts de différentes parties, par exemple ceux d’un client et d’une personne inscrite, sont incompatibles, opposés ou divergents. Elles estiment que le repérage et la résolution des conflits d’intérêts constituent des obligations réglementaires fondamentales.

Parmi les vingt-sept pratiques, une poignée d’entre elles trouvent cependant grâce aux yeux des ACVM : celles qui consistent à baser la rémunération sur les commentaires positifs des clients, les pénalités pour mauvaises pratiques de vente, les barèmes de rémunération neutres, c’est-à-dire indépendants du type de produit vendu, ou encore celle qui consiste à rémunérer du personnel indépendant chargé de la conformité.

AU MIEUX DES INTÉRÊTS DU CLIENT

Sur ce même dossier du rehaussement des obligations des conseillers, des courtiers et des représentants envers leurs clients (33-404), les ACVM ont reçu 130 personnes la semaine dernière à Montréal pour discuter des réformes proposées et revenir sur les commentaires soulevés lors de la consultation.

Les médias n’étaient pas conviés à cette rencontre, mais selon plusieurs sources consultées par Conseiller, la discussion a notamment porté sur le concept de « meilleur intérêt du client ». Plusieurs voix dans le milieu, notamment celle de FAIR Canada, s’élèvent afin de demander à ce que ce concept soit plus réglementé afin que les conseillers se voient dans l’obligation d’agir de la sorte, sous peine de commettre une faute professionnelle.

Mais à cela, plusieurs panélistes ont répondu que ça n’en valait pas la peine, au moins pour l’instant, indiquent nos sources.

Selon Claudyne Bienvenu, vice-présidente de l’OCRCVM, déterminer une norme réglementaire ferait doublon avec ce qui se trouve déjà dans le projet 33-404. Elle a ajouté que la phase 2 du modèle de relation client-conseiller (MRCC 2) vient tout juste d’être mis en place et qu’il serait plus pertinent d’attendre afin d’en faire un premier bilan dans quelques mois au moins, nous ont indiqué certains participants à la rencontre. À ce moment seulement, il sera temps de se réajuster si le MRCC 2 n’a pas mis fin aux conflits d’intérêts.

De son côté, le président du Conseil des fonds d’investissement du Québec (CFIQ), Stéphane Blanchette, a tenu à rappeler que les derniers sondages en la matière démontrent que les investisseurs sont plutôt satisfaits de leur conseiller. Il ne voit donc pas lui non plus pourquoi il faudrait aller plus loin que ce qui se trouve déjà dans 33-404, mentionnent nos sources.

S’ALIGNER SUR LE CLIENT

L’Autorité des marchés financiers (AMF) tient elle aussi le même discours, émettant « de sérieuses réserves sur les avantages réels d’introduire une norme réglementaire d’agir au mieux des intérêts du client en plus des réformes ciblées dans le document de consultation 33-404, car elle craint que sa codification entraîne des conséquences inattendues », affirme une des personnes présentes à la rencontre.

Quant à savoir quel mode de rémunération est le moins susceptible d’engendrer des conflits d’intérêts, l’autorité québécoise a répondu que « chaque forme de rémunération peut engendrer des conflits d’intérêts», selon un autre participant.

Elle encourage ainsi les courtiers et leurs représentants à adopter des méthodes « alignées avec les besoins de leurs clients ».

La rédaction vous recommande :

La rédaction