Rendements obligataires : comment les augmenter ?

Par Sophie Stival | 28 juin 2010 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Les taux bas et l’incertitude qui plane en Europe modifient le paysage obligataire et fournissent de nouvelles occasions d’investissement, a affirmé l’expert en revenu fixe Terry Carr lors de la Conférence Morningstar sur le placement.

Selon M. Carr, il faut désormais examiner sérieusement le potentiel des valeurs plus risquées, y compris les obligations de sociétés à revenu élevé et les créances souveraines provenant des marchés émergents. June Yee de Morningstar a assisté à la conférence. Voici un résumé des propos du vice-président et directeur général, titres à revenu fixe à Gestion des placements mondiaux MFC (Canada).

Démographie oblige… Entre 1995 et 2000, les pays moins développés représentaient moins de 26 % de la croissance du PIB mondial. De 2002 à 2007, ce chiffre grimpe à 46 %. Ces données sont éloquentes et donnent un net avantage aux marchés émergents.

« En Occident, il y aura à l’avenir de moins en moins de gens qui travailleront. Les taux de natalité sont faibles pour commencer, explique M. Carr. En revanche, la force de travail des pays émergents ne cesse de s’accroître. Les occasions existent parce que ces économies émergentes n’ont pas toutes les capitaux dont elles ont besoin, alors qu’en Occident, avec la retraite qui s’annonce pour beaucoup, nous sommes essentiellement des gens qui épargnent et qui prêtent. »

L’Amérique du Nord vulnérable Malgré des mesures de relance et des politiques gouvernementales efficaces lors de la crise financière de 2008-2009, le Canada et l’Amérique du Nord ne sont pas des « circuits fermés », et l’incertitude règne toujours, spécialement en Europe, souligne M. Carr.

M. Carr pense que les placements obligataires demeurent un « marché pour les professionnels » et il exige une gestion active du risque de change et des analyses approfondies. Au Canada, par exemple, au moment de la crise du crédit, les émissions du gouvernement du Canada ont relativement bien fait, quant aux provinces, elles se sont appréciées d’environ 5 %, alors que celles des sociétés ont été malmenées immédiatement.

2009 : l’année des obligations à rendement élevé 2009 a été une année marquante pour les obligations corporatives à rendement élevé. En terme de risque du crédit, les obligations cotées AA et A ont connu contre toute attente des rendements similaires, rappelle M. Carr. « On était rémunéré pour le risque, mais d’une façon relativement modeste. »

M. Carr remarque cependant une perturbation plus importante de la relation risque/rendement. « Au cours des dix dernières années, le revenu fixe s’est bien comporté comparativement aux actions », dit-il. D’ailleurs, les années où les obligations corporatives ont connu des difficultés en fonction des rendements, les actions ont été deux fois plus rudoyées, rappelle M. Carr. « Cela a vraiment changé notre vision des choses. »

Couvrir le risque de change : un exemple En plus des changements tactiques, couvrir le risque de change peut également contribuer à augmenter le rendement, croit M. Carr. « Il s’agit de déterminer si nous pouvons atténuer les risques liés aux devises quand c’est nécessaire, sans pour autant devenir des courtiers en devises. »

Se servant de l’exemple du Fonds d’obligations de Société Manuvie, un passage turbulent pour les États-Unis et sa devise, M. Carr illustre comment la patience et la sélection de stratégies de couverture de change ont été cruciales pour les rendements.

À ce moment-là, le dollar US frôlait la parité avec le dollar canadien. « Avec trois mises en sept ans, nous avons pu ajouter 220 points de base, explique M. Carr. Soyez très, très patients. Ce n’est pas la peine de transiger beaucoup, mais il faut agir au mieux selon le moment du cycle où l’on se trouve. »

Et les obligations à rendement réel? Bien que les obligations à rendement réel préservent le pouvoir d’achat du capital par rapport à l’inflation, elles présentent également certains risques qui leur sont propres, prévient M. Carr. L’expert ne perçoit pas l’inflation comme un risque et croit qu’une déflation « à la japonaise » serait plus inquiétante pour le Canada.

Les bons du Trésor canadiens sur 30 ans sont comparables aux obligations à rendement réel, dit M. Carr. « Quand les taux d’intérêt montent, les deux chutent, dit-il. Mais quand vous investissez dans des obligations à rendement réel, même avec le rééquilibrage en fonction de l’inflation, vous prenez la décision d’abandonner le rendement d’une obligation à long terme. »

Il cite en exemple le moment, entre mai 2005 et mai 2010, où les obligations à rendement réel ont dégagé 3,7 %, comparativement aux 6,1 % des obligations du Canada sur 30 ans. « On a renoncé en moyenne à environ 2,6 %, et en fin de compte, elles ont sous-performé, déclare M. Carr. Ce sont des situations dans lesquelles on s’expose à un risque important lié à la durée. »

Parfois, par contre, la situation se prête bien aux obligations à rendement réel. Lorsque la différence des rendements est plus faible, ça peut avoir un impact significatif sur les gains, affirme M. Carr. Par exemple, entre mai 2005 et novembre 2008, « au beau milieu de la crise, il ne fallait abandonner que 1,3 %, soit 130 points de base » si l’on choisissait les obligations à rendement réel au lieu des obligations du Canada sur 30 ans », dit-il.

En terminant son allocution, M. Carr a émis un dernier avertissement concernant l’achat d’obligations à rendement réel : « C’est un arbitrage contre le risque d’inflation. Ne le faites qu’au titre d’un choix tactique ou si vous avez une durée très, très longue. »

Sophie Stival