Retraités de l’État : Quebecor sème la controverse

Par Ronald McKenzie | 15 novembre 2011 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Des associations de retraités de l’État québécois s’insurgent contre une série d’articles publiés dans le Journal de Montréal et le Journal de Québec.

Selon le journaliste Rémi Nadeau, les nombreux départs à la retraite de fonctionnaires créeraient une « pression croissante » sur les finances publiques. « Alors que l’État versait 4,8 milliards de dollars en prestations aux retraités, en 2006, cette somme est passée à 6,5 milliards en 2010, et atteindra 10 milliards en 2020 », écrit le journaliste.

Sur la base des plus récentes évaluations actuarielles de la CARRA, de 18 000 à 20 000 employés de l’État prendront leur retraite chaque année d’ici 2016, ajoute-t-il. Les projections feraient état d’un sommet de 435 000 prestataires en 2020, alors qu’ils étaient moins de la moitié, soit 211 000, en 2003. « Le passif des régimes de retraite, qui s’élève actuellement à 29 milliards de dollars, est inscrit à la dette du Québec », précise Rémi Nadeau.

Il note également que les retraités de l’État touchent des revenus « beaucoup plus élevés » que ceux du secteur privé. Ainsi, en 2005, les femmes retraitées du secteur public avaient un revenu moyen de 35 203 $ par rapport à 18 285 $ pour celles du secteur privé. Quant aux hommes retraités du public, ils percevaient un revenu moyen de 43 562 $, contre 29 540 $ pour ceux du secteur privé.

L’AREQ bondit

L’Association des retraitées et retraités de l’éducation et des autres services publics du Québec (AREQ) a vivement réagi à la publication de ce dossier, qu’elle estime contenir des exagérations et des omissions.

« Encore une fois, on cible les personnes retraitées du secteur public comme étant un fardeau pour l’État et pour les contribuables. Or, contrairement à ce que laisse entendre le dossier, ces personnes ont largement contribué, à même leur salaire, pendant des années, à se bâtir une rente décente. Elles auront défrayé, en bout de ligne, la moitié du coût de leur rente. On ne leur a pas fait de cadeau. Et, grâce aux impôts et aux taxes à la consommation qu’elles payent aujourd’hui, elles aident à financer les services publics », a lancé la plus importante association québécoise de personnes retraitées de l’État.

L’AREQ souligne que les évaluations actuarielles récentes effectuées par la CARRA ne font pas craindre pour la santé financière des régimes. Le Fonds d’amortissement des régimes de retraite, où sont capitalisées des sommes devant être utilisées pour le paiement des rentes, devrait être pleinement capitalisé en 2017. « Il serait donc exagéré de prétendre que les départs à la retraite et les engagements financiers qui en découlent vont vider les coffres de l’État, dans la mesure, bien sûr, où le gouvernement effectue les choix budgétaires adéquats », note l’AREQ.

Pour ce qui est de l’apparent traitement de faveur dont jouiraient les retraités de la fonction publique québécoise, l’AREQ fait remarquer que la rente de retraite constitue du « salaire différé » qui fait partie du traitement global des employés de l’État. Si ces personnes ont, dans certains cas, des revenus de retraite plus élevés, dit l’AREQ, c’est qu’une partie de leur rémunération (jusqu’à 8 % de leur salaire annuel) a été mise de côté pour leurs vieux jours alors qu’ils étaient au travail.

« Toutefois, il importe de rappeler qu’un grand nombre de personnes retraitées, surtout des femmes, n’ont pas accumulé trente-cinq années de service au sein de l’État, et que leurs salaires étaient très bas à une certaine époque, de sorte que leur rente de retraite n’est pas aussi élevée qu’elle y paraît. »

Des retraités systématiquement défavorisés

L’Association québécoise des retraité(e)s des secteurs public et parapublic (AQRP) a également critiqué le dossier du Journal de Montréal et du Journal de Québec.

Elle a déclaré que les constats « ne correspondent pas à la réalité des personnes dont les années de service se situent entre 1982 et 1999, qui constituent la majorité de nos membres ».

Au contraire, depuis près de 30 ans, la cohorte de 1982-1999 a été « systématiquement défavorisée » dans les demandes syndicales à l’endroit du gouvernement. « La cohorte de 1982-1999 est clairement dans une situation particulière et inéquitable », a déclaré l’AQRP.

En effet, ce groupe de retraités aurait été privé de nombreux avantages qui ont favorisé les cohortes suivantes :

* En 2000, l’indexation de la rente a été améliorée pour atteindre la moitié de l’inflation, alors que la rente de 1982-1999 n’est pas indexée au coût de la vie.

* Entre 1982 et 1999, le taux de cotisation au RREGOP a toujours été d’au moins 7 %, alors qu’il a été de 5,35 % entre 2000 et 2004.

* Entre 2011 et 2014, les travailleurs du gouvernement bénéficieront d’un congé de cotisation supplémentaire équivalent à 340 millions de dollars.

* L’équité salariale dans le secteur public n’est accessible que pour les années de service travaillées en 2001 et après, et n’est donc pas accessible aux travailleuses de 1982-1999.

* En 1982, l’indexation de la rente des années 1982 à 1999 a été coupée en raison de la crise économique, en plus de subir l’effet à long terme des baisses de salaire de l’époque, un choc que n’ont pas eu à subir les personnes dont les années de service se situent en 2000 et après.

L’AQRP rappelle que le projet de loi no 23, adopté récemment par l’Assemblée nationale, reconnaît la problématique de la désindexation des régimes de retraite pour les années 1982 à 1999, « mais sans apporter de réelle possibilité de correction de la désindexation ». Selon l’association, le projet de loi « prévoit même de nouveaux congés de cotisation pour les travailleurs en cas de surplus ».

Ronald McKenzie