RVER : le compte à rebours est enclenché!

Par Michèle Frenette | 22 mars 2012 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Comme on s’y attendait, le gouvernement provincial a annoncé dans son budget du 20 mars 2012 les éléments du régime volontaire d’épargne retraite (RVER) qui nous étaient inconnus. Il n’y a pas de surprise, si ce n’est le fait que les cotisations des employés ne seront pas immobilisées. Le gouvernement n’a pas statué non plus sur le taux maximal de frais de gestion, préférant laisser les fournisseurs démontrer que leurs frais sont raisonnables.

Voici donc les réponses du gouvernement aux éléments qui étaient en suspens :

  • Date d’entrée en vigueur : 1er janvier 2013
  • Période accordée pour la mise en place : 24 mois (d’ici le 1er janvier 2012). Le délai sera d’un an pour les employeurs qui deviendront visés au-delà de la période initiale de conformité.
  • Employeurs visés : les entreprises de cinq employés ou plus. Les employeurs visés sont les entreprises qui comptent cinq employés ou plus ayant au moins un an de service continu et qui n’offrent pas déjà la possibilité à l’ensemble de leurs employés de contribuer à un régime d’épargne en vue de la retraite au moyen de retenues sur les salaires; ils devront obligatoirement inscrire leurs employés à un RVER, alors que les autres employeurs pourront le faire sur une base volontaire.
  • Taux de cotisation par défaut : progressif, de 2 % à 4 % du salaire. Le taux de cotisation par défaut sera de 2 % pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, de 3 % pour la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2016 et de 4 % à compter du 1er janvier 2017; le participant pourra en tout temps modifier son taux de cotisation ou encore cesser de contribuer.
  • Cotisations patronales : non obligatoires et non sujettes aux taxes salariales. Les employeurs visés sont les entreprises qui comptent cinq employés ou plus ayant au moins un an de service continu et qui n’offrent pas déjà la possibilité à l’ensemble de leurs employés de contribuer à un régime d’épargne en vue de la retraite au moyen de retenues sur les salaires; ils devront obligatoirement inscrire leurs employés à un RVER, alors que les autres employeurs pourront le faire sur une base volontaire.
  • Statut des cotisations : non immobilisées; les cotisations salariales pourront être retirées en tout temps et les cotisations patronales pourront être retirées à compter de l’âge de 55 ans
  • Frais de gestion maximums : non déterminés. Chaque administrateur devra démontrer à la Régie des rentes du Québec que les frais de gestion qu’il exige sont comparables à ceux de régimes de retraite institutionnels de taille similaire.
  • Option de placement par défaut : fonds cycle de vie basé sur l’âge du participant. Le participant aura également accès à un maximum de cinq autres options de placement.

Rappel sur le RVER Le RVER est un régime d’épargne qui s’adresse en priorité aux travailleurs québécois qui n’ont pas accès à un régime de retraite chez leur employeur. Les travailleurs autonomes ainsi que tous les épargnants québécois peuvent également y participer.[1]

Le RVER avait été annoncé initialement par Québec dans son budget du 17 mars 2011 dernier, à la suite des travaux qui avaient été entrepris au mois de décembre 2010 par les ministres des finances des différentes provinces du Canada et le gouvernement fédéral. Ces travaux avaient pour but d’encourager l’épargne par la création de régimes de pension agréés collectifs (RPAC)[2]. Il intègre à la fois des caractéristiques des régimes complémentaires de retraite et des caractéristiques du régime enregistré d’épargne retraite (REER).

Et maintenant?

  • Pour les employeurs visés

L’impact le plus important se fera sentir chez tous les employeurs visés, qui auront l’obligation d’inscrire leurs employés à un RVER entre le 1er janvier 2013 et le 1er janvier 2015. Ils devront par la même occasion décider s’ils cotisent ou non au RVER et, dans certains cas, faire face à une demande à cet effet de la part des employés.

Puisque le RVER sera géré par des établissements financiers privés, les employeurs devront choisir eux-mêmes un fournisseur et mettre en place un programme d’information à l’intention de leurs employés.

Ils devront enfin mettre en place un mécanisme de suivi pour l’inscription automatique des nouveaux employés, prélever les cotisations sur les paies et les remettre au fournisseur choisi.

  • Pour les autres employeurs

Bien que dans une moindre mesure, le RVER aura un impact sur les autres employeurs, qu’ils offrent ou non un régime de retraite à leurs employés. Ceux qui offrent un régime de retraite à leurs employés souhaiteront comparer leur régime actuel au RVER, notamment en ce qui a trait à la responsabilité fiduciaire et, pour les groupes de plus petite taille, aux frais de gestion exigés de la part des fournisseurs. Certains pourraient également être attirés par la simplicité du régime.

Ceux qui n’offrent pas de régime de retraite à leurs employés pourraient quant à eux se retrouver dans une position concurrentielle affaiblie aux yeux de leurs employés actuels et futurs. Ils pourraient souhaiter, voire devoir considérer la mise en place facultative d’un RVER à l’intention de leurs employés. Ceux qui flirtent avec le seuil de cinq employés devront mettre en place un mécanisme de suivi et un « déclencheur » les informant de leur obligation s’ils passent dans la catégorie des employeurs visés.

  • Pour les employés et les épargnants en général

Les employés qui travaillent pour un employeur visé devront obligatoirement être inscrits au régime, qu’ils le souhaitent ou non; c’est ce que le gouvernement appelle le mécanisme d’inscription automatique. Ce n’est qu’après avoir été inscrits qu’ils disposeront d’un délai de 60 jours pour se « désinscrire » du régime. Sinon, à l’expiration de ce délai, des cotisations seront automatiquement prélevées de leur paie, au taux par défaut qui sera applicable au moment de leur adhésion. Les employés pourront par la suite modifier leur taux de cotisation ou encore cesser de cotiser.

Les employés qui ne font pas d’épargne en vue de la retraite pourraient être plus enclins à le faire si les cotisations sont prélevées sur leur paie, à condition évidemment qu’ils en aient les moyens. Le cas échéant, il est à souhaiter que le RVER soit plus approprié à leur situation que le compte d’épargne libre d’impôt (CELI), ce qui est loin d’être universel si l’on se fie aux courbes de Claude Laferrière[3] représentant les taux effectifs marginaux d’imposition (TEMI) des individus et des ménages. C’est d’ailleurs ce qui est actuellement décrié par plusieurs. Sans cotisation de la part de l’employeur, le RVER risque dans bien des cas d’appauvrir l’épargnant par rapport au CELI.

Ceux qui épargnent déjà en vue de la retraite chercheront certainement à savoir si le RVER serait plus performant pour eux que les véhicules d’épargne et produits individuels qu’ils utilisent

Le RVER peut s’avérer un outil formidable s’il est bien utilisé et qu’il représente un marché suffisamment important pour que les fournisseurs offrent des produits de qualité à faible coût. Un nouveau type de régime ne crée cependant pas de nouvel argent et les Québécois sont endettés; il ne faut pas s’attendre à des niveaux de cotisation très élevés s’il n’y a pas de contrepartie de la part des employeurs. Et si le gouvernement profitait du momemtum pour offrir un avantage fiscal additionnel aux employeurs, ne serait-ce que sur une période temporaire, pour les inciter à contribuer au RVER et ainsi les aider à bâtir graduellement un « vrai » régime de retraite?

Michèle Frenette, B.A.A., est présidente de GRMF inc., et spécialiste en régimes de retraite.


[1] Bien que le régime soit collectif, il sera ouvert à tous; les fournisseurs de RVER pourront les offrir sur une base individuelle. Cependant, les frais devront être les mêmes pour tous les participants au RVER.

[2] Le régime de pension agréé collectif (RPAC) réfère au générique fédéral pour ce type de régime, alors que le régime volontaire d’épargne retraite (RVER) est le régime de type « RPAC » propre au Québec.

[3] Centre québécois de formation en fiscalité (CQFF) : www.cqff.com/claude_laferriere/accueil_courbe_2011.htm

Michèle Frenette