Sanctions disciplinaires : une forme d’immunité pour les dirigeants?

Par Fabrice Tremblay | 11 juin 2012 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Les décisions disciplinaires à l’encontre de représentants fautifs sont nombreuses au Québec, et largement diffusées depuis plusieurs années. Les sanctions à l’encontre des dirigeants des firmes en épargne collective qui emploient ces représentants sont beaucoup plus rares. Une nouvelle étude universitaire montre en fait que les sanctions à l’égard de dirigeants sont plus rares au Québec que dans le reste du Canada.

L’étude exhaustive qui vient d’être publiée s’intitule « Les courtiers en épargne collective, leurs dirigeants et leurs représentants sont-ils à l’abri de sanctions disciplinaires au Québec? ». Ce travail a été co-écrit par Raymonde Crête, Cinthia Duclos et Frédéric Blouin et publié dans le vol.42, no 1 de la Revue générale de droit (2012).

« Chaque fois qu’il y a un représentant qui commet une faute déontologique, ne devrions-nous pas nous poser la question si le dirigeant qui le surveillait, et si la firme qui l’employait, n’ont pas eux aussi commis une faute? », résume Cinthia Duclos, l’une des chercheurs ayant travaillé sur cette étude.

Pour la période allant de janvier 2005 à la mi-septembre 2011, les auteurs ont analysé l’ensemble des décisions disciplinaires en épargne collective, rendues en particulier au Québec, et également dans le reste du Canada. Les sanctions disciplinaires n’incluent pas les poursuites de l’AMF en cour pénale. Il s’agit, par exemple, des décisions prisent par la Chambre de la sécurité financière à l’encontre de représentants.

Premier constat : le cadre réglementaire au niveau déontologique est assez flou pour ce qui est des firmes et des dirigeants. Dans les autres provinces, les dirigeants doivent respecter les règles du MFDA (Association canadiennes des courtiers de fonds mutuels). « Dans l’état actuel, au Québec, il faut surtout se baser sur les lois générales, comme la Loi sur les valeurs mobilières, et sur le règlement 31-103. Il y a des grandes lignes qui sont dressées, mais on n’a pas une réglementation précise et spécifique pour les dirigeants et les firmes », explique Mme Duclos, qui est doctorante à la Faculté de droit de l’Université Laval.

Comparaisons

En matière de sanctions disciplinaires pour les dirigeants de firme, le Québec souffre un peu au jeu des comparaisons avec le reste du Canada. Sur le total des décisions prises à l’encontre de dirigeants de firmes au Canada, 15 % provenaient du Québec et 85 % des autres provinces. La proportion du Québec est inférieure par rapport à son poids considéré en nombres d’inscriptions.

En fait, pendant la période 2005-2011, seules quatre décisions comportant des sanctions disciplinaires à l’égard de dirigeants de firmes en épargne collective ont été prises au Québec. Trois de ces décisions ont été prises par la CSF, qui a été en mesure de le faire car les dirigeants concernés étaient également inscrits en tant que représentant. L’une de ces trois décisions visait Vincent Lacroix.

Condamnée à suivre un cours La quatrième décision a été rendue par l’AMF, qui a la possibilité dans certains cas de prendre des sanctions disciplinaires à l’égard de dirigeants de firmes. « La décision rendue par l’AMF, bien qu’ayant une incidence directe sur un dirigeant, s’adresse à un courtier. La sanction imposée est ainsi accessoire: le courtier (Avantages Services financiers inc.) devait faire la preuve à l’Autorité que sa dirigeante responsable avait suivi et réussi un cours de perfectionnement en déontologie donné par la CSF, sans quoi la certification en épargne collective du cabinet serait suspendue », peut-on lire dans l’étude.

À l’inverse, le Québec se démarque par le nombre de sanctions disciplinaires imposées directement à des représentants. Sur le total des décisions prises à l’encontre de représentants au Canada, 48 % proviennent du Québec et 52 % proviennent de tout le reste du Canada.

Fabrice Tremblay