Sans surprise, la Banque du Canada hausse son taux directeur

Par La rédaction | 12 juillet 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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La rumeur s’est avérée. Comme nombre de commentateurs le prédisaient depuis plusieurs semaines, la Banque du Canada a bel et bien relevé son taux directeur mercredi pour le monter à 0,75 %. Une première augmentation en sept ans, alors même que le taux avait été revu à la baisse par deux fois en 2015.

« L’heure est venue, indique Jimmy Jean, économiste principal chez Desjardins. L’économie a fait ses preuves. Il y a un momentum. Le marché de l’emploi va bien notamment puisque neuf des dix derniers mois ont été positifs en termes de création d’emplois. Et puis, il reste que les taux sont extrêmement faibles. Même avec une deuxième hausse cette année, il plafonnera à 1 %. C’est un niveau qui avait été critiqué par le passé comme étant trop faible et favorisant une bulle immobilière. »

Cette décision de la BdC risque cependant de faire grimper les coûts des hypothèques à taux variables, les marges de crédit hypothécaires et d’autres prêts liés aux taux préférentiels des grandes banques.

Quatre grandes institutions financières ont d’ailleurs annoncé mercredi une hausse de 25 points de base de leur taux préférentiel. La Banque Royale, la Banque de Montréal, la Banque TD et le Mouvement Desjardins feront ainsi passer leur taux préférentiel de 2,70 % à 2,95 % à compter de jeudi.

Jimmy Jean ne croit pourtant pas que cela mettra en difficulté les propriétaires ayant une hypothèque à rembourser. Il estime en effet que cette hausse avait été anticipée depuis plusieurs mois et que les premiers acheteurs devaient au moins depuis l’automne dernier être capables de se qualifier pour l’obtention d’un crédit hypothécaire à des taux plus élevés.

« En revanche, la fête est finie, lance-t-il. Les taux ont été historiquement bas pendant de longs mois, c’était très alléchant pour les acheteurs mais pas forcément très sain. On a vu ce qui s’est passé sur les marchés immobiliers de Vancouver et de Toronto avec des augmentations de prix telles qu’il y a risque d’effondrement. La hausse du taux va sans doute faire en sorte d’éviter qu’une telle situation s’en vienne à Montréal par exemple. »

UN ÉVÉNEMENT

Jimmy Jean ne nie cependant pas que cette hausse soit un véritable événement dans le petit monde de la finance canadienne. Il souligne par exemple que certains de ses plus jeunes collègues n’ont jamais vécu de changement de taux. Et qu’il en est de même parmi les conseillers.

« Il va falloir en rassurer certains pour qu’ils puissent eux-mêmes rassurer leurs clients, note-t-il. N’oublions pas que cela donne un signal positif. Lorsque les banques centrales haussent les taux, ça signifie qu’elles font confiance à leur économie. Et ça, c’est une bonne nouvelle pour les investisseurs. »

Une nouvelle positive donc pour les particuliers qui dépendent de revenus d’intérêt comme les retraités ou les investisseurs au profil de risque assez limité puisque leurs revenus vont être un peu plus élevés. En revanche, l’environnement de taux faible a favorisé la valorisation du secteur boursier et il faut s’attendre à de plus faibles rendements dans ce secteur.

« Ici au Canada, nous avons une bourse qui dépend beaucoup du prix des matières premières, notamment du pétrole, nuance-t-il. Même si ces prix ont connu des difficultés depuis le début de l’année, on s’attend à ce que la situation s’améliore dans les prochains mois puisque la croissance des pays émergents reprend. Du côté de la bourse canadienne, on pense donc que malgré l’augmentation des taux, il y a de la place pour des gains dans la deuxième moitié de l’année. »

PLUS DE VOLATILITÉ

Dans la situation actuelle, M. Jean conseille d’éviter les produits boursiers sensibles à l’augmentation des taux d’intérêt, les secteurs reliés à l’immobilier et à la consommation notamment, qui peuvent à très court terme souffrir un peu.

Sur le plan international, l’économiste estime que les Bourses ne sont pas à l’abri de la volatilité dans les prochains mois, car la Banque du Canada n’est pas la seule dans le monde à revoir ses taux directeurs à la hausse. L’Europe semble vouloir elle-aussi les remonter dans un avenir proche.

« Mais je ne crois pas en une catastrophe du côté des Bourses, rassure-t-il. Le fait que la croissance soit au rendez-vous, ce qui semble vouloir être le cas, devrait l’éviter. »

Jimmy Jean ne croit pas non plus qu’on en arrive à une fin de cycle à court terme.

« C’est vrai que la crise a dix ans, que les cycles en moyenne durent dix ans et que la fin survient généralement lorsque les banques centrales remontent leurs taux. Mais dans le cas présent, je crois qu’elles l’ont fait avec beaucoup de précautions. La reprise a été très lente, ce qui laisse croire que le cycle va être plus long que d’ordinaire. Je pense que nous avons encore deux belles années devant nous, si ce n’est pas trois. »

La plupart des économistes anticipent une deuxième remontée à l’automne, ce qui amènerait le taux directeur à 1 %, soit son niveau de 2015.

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