Savez-vous vraiment calculer les risques?

Par Chantal Legault | 5 novembre 2014 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Andriy Popov / 123RF

Quelles leçons a-t-on tirées de la crise financière de 2008? Des mécanismes de mesure et de contrôle du risque ont-ils été adoptés depuis par les gestionnaires et les conseillers en services financiers? Pas suffisamment, estime Pierre Caron, auteur dInvestir et gérer le risque, actuaire et conseiller en placement depuis plus de 25 ans auprès de fonds institutionnels.

Conseiller.ca : Les intervenants financiers se préoccupent-ils davantage de la gestion du risque depuis 2008?

Pierre Caron : Les gestionnaires de portefeuille mesurent de plus en plus les risques financiers, mais la plupart des conseillers ne le font pas suffisamment. Plusieurs parlent encore essentiellement de la tolérance au risque avec leurs clients sans leur expliquer, chiffres à l’appui, les risques auxquels leur portefeuille peut être exposé.

C.ca : Quels sont les impacts pour les investisseurs?

Pierre Caron : Ils achètent certains produits sans comprendre qu’une année ou l’autre, ils pourraient obtenir des résultats très négatifs. Parfois, c’est le contraire : les clients refusent d’entendre parler d’un placement intéressant parce qu’ils ont déjà perdu de l’argent et n’ont pas l’information nécessaire pour bien évaluer le rendement par rapport au risque de l’investissement. On a l’impression dans bien des cas qu’il ne s’agit pas de placement, mais de pari ou de jeu.

Les différentes formes du risque

C.ca : Vous mentionnez dans votre ouvrage que le risque est la notion la plus difficile à saisir en matière d’investissement. Pourquoi?

Pierre Caron : Parce qu’il y a plusieurs facteurs à considérer. Il y a, d’une part, les risques financiers qui sont liés aux aléas du marché, aux types de placements choisis, à l’horizon des placements, aux choix des gestionnaires pour gérer les différents mandats et à la décision de couvrir ou non les devises dans un portefeuille d’actifs étrangers. Il faut aussi tenir compte des risques non financiers associés, entre autres, à une gouvernance déficiente relativement au suivi des placements.

Les conseillers connaissent bien les notions nécessaires pour calculer ces risques, mais ne savent pas toujours comment les appliquer dans leur pratique. Ils auraient avantage à sortir de la poussière les vieux concepts de volatilité et de rendement et s’en servir pour le bénéfice de leurs clients. Un de mes objectifs en écrivant ce livre consistait à démontrer, de façon claire, à l’aide de différentes mesures de risque et de nombreux exemples, comment expliquer concrètement la gestion du risque aux investisseurs.

C.ca : Quelles sont les mesures de risque que les conseillers devraient toujours présenter à leurs clients?

Pierre Caron : D’abord, le concept de volatilité. On doit mieux expliquer ses impacts possibles sur les rendements espérés. Le rendement par rapport au risque doit aussi être démontré. La mesure du ratio d’information, qui met en perspective la valeur ajoutée qu’on peut espérer d’un fonds relativement à l’indice de marché et la volatilité de cette valeur ajoutée, permet d’obtenir ce renseignement. C’est un concept simple, mais très peu de conseillers le calculent et l’expliquent à leurs clients.

MIEUX INFORMER POUR DES CHOIX ÉCLAIRÉS 

C.ca : Vous mentionnez plusieurs fois dans votre livre l’importance pour les conseillers de présenter aux investisseurs des analyses quantitatives des performances des différents placements.

Pierre Caron : Ces analyses sont primordiales pour bien comprendre les implications d’un placement et pour éviter qu’on ne prenne des décisions en nous basant uniquement sur des impressions. C’est une autre façon de sécuriser le client et de lui permettre de faire un choix éclairé.

Lorsqu’un conseiller rencontre un client, il est primordial qu’il définisse d’abord avec lui ses objectifs financiers, qu’il lui présente par la suite les analyses quantitatives pertinentes des placements qu’il lui recommande, et ce, sur différentes périodes du passé (périodes d’inflation, de récession et de croissance) et qu’il lui explique les risques inhérents à ces placements par rapport aux rendements.

Pierre Caron, auteur d’Investir et gérer le risque, actuaire et conseiller en placement

C.ca : Pourquoi ces informations ne sont-elles généralement pas transmises?

Pierre Caron : Le principal obstacle est le temps. La plupart des conseillers rencontrent leurs clients une fois par année et discutent essentiellement du portefeuille et du choix des titres. Peu de temps est consacré à l’explication des grands principes de la finance. Il y a quelques années, certains courtiers organisaient des rencontres éducatives, des 5 à 7, où ils invitaient leurs clients à assister à une conférence sur un sujet particulier. Ces rencontres n’existent presque plus. Pourtant, il faudrait prendre le temps de mieux éduquer les investisseurs. Tout le monde y gagnerait. Les intervenants financiers perdraient moins de clients. Les investisseurs comprendraient mieux les risques qu’ils prennent. Ils feraient des choix plus éclairés et il y aurait moins de risques de déception.

Investir et gérer le risque. Comment y parvenir? Pierre Caron, Presses de l’Université du Québec, 2014, 434 pages, 48,00$

Chantal Legault