Se faire apprécier des plus fortunés

Par Denis Méthot | 25 mai 2015 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Tout ce que vous devez savoir pour approcher et fidéliser cette clientèle.

Au Québec, gagner 178 000 $ par année avant impôt signifie se classer parmi les personnes riches, selon Statistique Canada. À peine 1 % des contribuables de la province appartiennent à ce cercle étroit.

Cette clientèle, qui dispose souvent de montants importants à investir, est recherchée et courtisée. Comment pénétrer ce marché, y décrocher des clients et s’assurer de leur fidélité ? Quelques conseillers ont accepté de nous dévoiler leurs stratégies et ciblent les erreurs à éviter.

Qu’est-ce qu’un investisseur fortuné ? Le directeur d’un grand bureau montréalais, qui a requis l’anonymat, fait une distinction entre l’investisseur qui a 1 M $ et plus en placements et celui qu’il qualifie de « très fortuné », qui possède 25 M $.

1. ALLER LES CHERCHER

Comment établir le contact avec cette clientèle avant la grande séduction ?

Planificatrice financière, Line Shink est employée à salaire depuis quatre ans à Gestion MD, une société de gestion de patrimoine appartenant à l’Association médicale canadienne (AMC). La totalité de sa clientèle est constituée de médecins. À la retraite, plusieurs auront accumulé plus de 2 M $.

Mme Shink a la chance de pouvoir leur faire des présentations dans les hôpitaux. Néanmoins, tout n’est pas joué d’avance et elle doit faire ses preuves. Les références représentent une part appréciable de ses nouveaux clients. Comme ces professionnels se parlent entre eux, elle souligne l’importance de l’uniformité de son discours. La démarche demande aussi de la discrétion. Elle ne discute jamais d’un autre médecin avec un client, même s’il lui en parle.

L’expert du bureau montréalais souligne de son côté l’importance des références et du réseautage par l’entremise d’activités professionnelles ou caritatives. À l’inverse, l’une des avenues à éviter demeure la sollicitation directe.

2. SAVOIR LES CHOYER

◊ Les gens fortunés sont souvent très occupés. Quand vous les contactez, ils sont en réunion ou n’ont pas le temps de vous parler. Un conseiller doit donc se rendre disponible à leurs heures, soit le matin très tôt, ou le soir au besoin. Paul Levasseur, planificateur financier et conseiller en sécurité financière à SFL Placements, s’est notamment fixé un plafond de 200 clients afin d’avoir suffisamment de temps à leur consacrer.

◊ Souvent, même si elles ont beaucoup d’argent, les affaires d’investissement et de placements n’intéressent pas les personnes fortunées. Le planificateur doit les prendre en charge et les suivre comme un médecin prend en charge et suit la santé d’un patient.

« Il faut faire des suivis serrés avec ces clients. S’il y a une nouvelle financière importante, je vais la leur expédier par courriel, illustre Line Shink. On doit aussi les renseigner, les former et trouver un point fiscal qui va s’appliquer à eux, mais dont personne ne leur a jamais parlé. »

◊ Quand ce type de client entre dans votre bureau, il sait que vous avez d’autres clients dont il vous faut vous occuper, mais il veut que vous vous consacriez totalement à lui et que vous lui posiez des questions le concernant.

◊ Le directeur montréalais insiste aussi beaucoup sur l’importance d’impliquer le conjoint ou la conjointe. « Comment peut-on s’occuper du patrimoine d’une famille sans la conjointe ? s’exclame-t-il. Il faut tenir compte de qui elle est, son implication, ses connaissances en matière de placement et son pouvoir décisionnel. C’est une erreur de ne pas le faire. »

◊ De son côté, Line Shink ne se limite plus à l’aspect investissement avec ses clients médecins. « On ne donne pas uniquement des conseils en placement. De plus en plus, on s’occupe de la planification globale. On prend en main les volets assurance, succession, incorporation, investissement. Il faut avoir une valeur ajoutée parce que tout le monde veut ces clients », rappelle-t-elle.

3. ÉVITER DE LES FAIRE FUIR

Voici quelques erreurs courantes à éviter pour séduire les gens fortunés :

• Ne pas connaître ce créneau, ses enjeux, les clients visés (entrepreneurs, professionnels, etc.) et leurs particularités avant de vouloir y entrer.

• Vouloir aller trop vite, se montrer impatient… c’est un comportement qui va leur déplaire.

• Arriver mal préparé aux rencontres, écouter et ne pas prendre de notes, ne pas poser les bonnes questions ou les poser et être mal à l’aise de demander des précisions si on comprend mal.

• Parler de son modèle d’affaires avant de connaître le client. À moins qu’il ait posé des questions en ce sens, cette approche est à proscrire.

• Ne pas choisir ses clients. Si le conseiller n’est pas d’accord avec ce que l’investisseur veut faire, il n’est pas forcé de le prendre.

• Se réserver trop peu de temps pour sa clientèle fortunée, à qui on doit toujours livrer le meilleur service. Si votre volume de clients ralentit votre exécution, cela jouera contre vous, dit le directeur.

• Ne pas tenir compte des sommes à placer dans sa stratégie. L’approche n’est pas la même si l’investissement est de 250 000 $, 1 M $ ou 3 M $.

• Ne pas évaluer adéquatement la tolérance au risque. « Ça fait partie de votre travail de dire à un client que vous n’êtes pas d’accord avec le niveau de risque qu’il veut prendre », ajoute l’expert.


• Ce texte est paru dans l’édition de mai 2015 de Conseiller. Il est aussi disponible en format PDF. Vous pouvez également consulter l’ensemble du numéro sur notre site Web.

Denis Méthot