Selon l’histoire, octobre rime avec risque

Par Steven Lamb | 21 juin 2010 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Le vieil adage « vendre en mai et s’en aller » s’est encore avéré cette année, mais les investisseurs qui ont le goût du risque devraient peut-être conserver leurs liquidités jusqu’en octobre, de l’avis de Jeremy Grantham, stratège en chef et cofondateur de GMO.

« En ce qui concerne la répartition de l’actif, notre démarche est fort simple. Notre credo est que tout revient à la normale, déclare M. Grantham dans son allocution au 63e congrès annuel du CFA Institute, à Boston. Avec un tel principe, il vaut mieux être précis sur ce qui est normal. Autrement dit, nous croyons qu’au bout de sept ans, nous reviendrons à des ratios C/B normaux et des marges bénéficiaires normales. »

L’essoufflement économique actuel n’est pas une surprise car les deux premières années d’un mandat présidentiel aux États-Unis ont toujours été caractérisées par des marchés baissiers. La situation devrait se redresser en 2011, étant donné que la troisième année d’une présidence est historiquement la plus florissante.

Les raisons de ce « boom de l’an trois » sont élémentaires : les deux premières années, les présidents utilisent leur capital politique pour implanter des mesures impopulaires, puis ils s’attèlent à la stimulation de l’emploi au cours de la troisième année, en prévision des prochaines élections. Le cycle de l’emploi atteint ses plus hauts niveaux environ neuf mois avant les élections. « Les politiciens ne sont pas totalement idiots et ils ont compris ce qui motive le vote et ce qui stimule l’emploi », ajoute-t-il.

Si l’excédent du rendement réel du S&P 500 se chiffre en moyenne à 10,1 % pour la deuxième année d’un mandat présidentiel, il grimpe à +15,3 % (en moyenne toujours) au cours de la troisième année.

Comme dans le cas de la plupart de ses pronostics, M. Grantham formule une mise en garde. Ces gains proviendront des titres de l’indice qui comportent le plus de risque. Les titres les plus volatils, qui représentent 25 % de l’indice, compte pour 30 points de base du rendement total. En fait, le trimestre qui présente le plus risque le plus élevé n’enregistre de profits que dans la troisième année.

« Le message que nous donne la Fed est : allez-y, spéculez, et si ça tourne au vinaigre je ferai de mon mieux pour redresser le cap; mais au cours des années un et deux, son message a toujours été : si vous spéculez, c’est à vos risques et périls. Comme les spéculateurs sont des personnes rationnelles, ils sont beaucoup plus actifs au cours de la troisième année », explique-t-il.

L’an trois commence en octobre 2010, et M. Grantham s’attend à ce que le président de la Fed, Ben Bernanke, évoque un « motif sans aucun rapport » pour maintenir la politique actuelle de taux incitatifs. Si cette mesure n’est pas précédée d’une correction à la baisse du S&P 500, elle pourrait déclencher une nouvelle bulle boursière pour les investisseurs américains en 2011.

Mais selon M. Grantham, un autre scenario est plus probable. « À mon avis, les protagonistes de la prochaine bulle seront les marchés émergents et les produits de base. »

« Dans les deux dernières bulles importantes — celles du Japon et des technologiques du NASDAQ — les ratios C/B ont atteint le triple de ceux du reste du monde. Franchement, c’était un argument d’achat minable. En revanche, les arguments à l’appui d’une bulle dans les marchés émergents sont en béton. Le FMI vient de publier une projection de croissance du PIB réel sur quatre ans de 6 % pour les marchés émergents et de 2,25 % pour les États-Unis. Je suis persuadé que l’écart entre 2,25 % et 6 % suffira à lui seul à convaincre le monde d’investir dans les nouvelles économies. »

Il prédit que les actions des marchés émergents se négocieront avec une prime appréciable de 50 % pendant les prochaines années, soit une nette différence par rapport aux multiples de trois enregistrés pendant les bulles du Japon et des technologiques. Au fur et à mesure que la bulle prendra de l’ampleur, M. Grantham surpondérera sans doute le secteur afin de tirer parti de cette croissance.

Quant aux produits de base, il affirme que le secteur forestier est le seul où il est relativement évident d’investir. Il compte y placer 50 % de l’actif de sa fondation personnelle et pense que c’est un moyen simple de protéger l’environnement.

Il table sur un potentiel de croissance de 6 % pour le secteur forestier, qu’il considère moins risqué que les dettes souveraines puisqu’il comporte une certaine protection contre l’inflation, ajoutant que cette catégorie d’actif a l’avantage d’être anticyclique.

Il se montre moins favorable à la valeur refuge anti-inflation traditionnelle. « Je déteste l’or. Il ne rapporte pas de dividendes, il n’a pas de valeur, on ne peut pas prédire son évolution. Selon le modèle d’évaluation que l’on adopte, la valeur de l’or varie entre 800 $ et 6 500 $, dit-il. Mais il précise que cela ne l’a pas empêché d’en acheter et ajoute, en plaisantant, qu’il est sur le point d’y mettre un terme. L’or est le refuge de dernier recours. Je suis tellement excédé de le voir grimper que je vais m’en débarrasser. »

Pour les titres à revenu fixe, son pronostic est « horrible » car ceux qui élaborent les politiques vont jeter les retraités sur la paille. Les rendements réels normaux devraient se situer autour de 1,5 % à 2 %, et non pas à leur niveau courant de 1 %. « Ce n’est qu’une tactique pour remplir les poches des banques et des fonds de couverture », conclut-il.

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Steven Lamb