Stratégies fiscales et fiducies : Les intéressés sont nombreux

10 Décembre 2012 | Dernière mise à jour le 10 Décembre 2012
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Sophie Ducharme

Nous savons que la création d’une fiducie entre vifs peut avoir plusieurs objectifs, notamment :

– Soustraire les biens à l’emprise des créanciers en les transférant dans une entité juridiquement distincte;

– Réaliser un fractionnement de revenus avec les membres de la famille.

Ainsi, plusieurs dirigeants d’entreprise mettent en place une structure fiduciaire similaire à celle présentée ci-contre afin de réduire la charge fiscale découlant de la distribution des profits. Un dividende est versé par la société en exploitation (OPCO) à la fiducie qui l’attribue à ses bénéficiaires. Récemment, plusieurs professionnels ont mis en place cette structure lorsqu’ils ont eu la possibilité de s’incorporer. Un fractionnement de revenus avec le conjoint et les enfants majeurs est ainsi réalisable.

Attribution fiscale et distribution monétaire

Jusqu’en 1996, il était possible pour une fiducie de faire le « choix de bénéficiaire privilégié » qui permettait d’imposer les montants de revenus dans les mains des bénéficiaires sans leur verser les sommes. Ce choix permettait d’imposer les bénéficiaires tout en conservant le contrôle des biens de la fiducie. Il y avait alors attribution fiscale aux bénéficiaires, mais pas de distribution monétaire.

Malheureusement, ce choix est désormais offert uniquement dans des situations où les bénéficiaires ont un handicap physique ou mental. Ainsi, les règles actuelles font en sorte que si des revenus sont attribués fiscalement à des bénéficiaires, ceux-ci doivent recevoir et conserver les sommes (distribution monétaire obligatoire) ou recevoir un billet payable par la fiducie.

L’Agence du revenu du Canada a annoncé qu’elle examinait ces structures de fractionnement afin de s’assurer que les sommes soient réellement la propriété des bénéficiaires. Il semble que certaines stratégies font en sorte que les bénéficiaires redonnent les sommes reçues à l’actionnaire principal.

Outre la vérification fiscale, il existe un risque qu’on pourrait qualifier « d’appauvrissement du bénéficiaire ». Imaginons la situation d’un enfant qui se fait attribuer fiscalement un dividende de 20 000 $ par année pendant quelques années, mais que toutes les sommes soient retournées à l’actionnaire principal. Il existe un risque qu’éventuellement l’enfant comprenne le stratagème et demande son dû. Belle discussion de famille en perspective.

Vente d’entreprise

Lorsqu’une société comme OPCO est vendue, les actionnaires peuvent réduire l’impôt découlant de la vente des actions en utilisant la déduction pour gains en capital de 750 000 $. Afin de multiplier les déductions, les actions détenues par la fiducie sont également vendues et le gain en capital est fiscalement attribué aux enfants (mineurs ou majeurs) qui utilisent aussi leur déduction de 750 000 $.

Il est important de savoir que la partie imposable du gain en capital attribuée aux bénéficiaires doit leur être versée monétairement. Ainsi, l’utilisation de la déduction pour gains en capital de 750 000 $ fait en sorte qu’une somme de 375 000 $ doit être remise aux enfants. Certes, il est possible d’émettre un billet, mais il s’agit cependant d’une somme à payer.

Une autre conséquence de cette stratégie est que la Curatelle publique doit être avisée lorsqu’un enfant mineur possède des montants supérieurs à 25 000 $.

Attention aux stratégies mises de l’avant pour des raisons fiscales qui éventuellement peuvent occasionner des conséquences financières et juridiques non prévues.

Sophie Ducharme, notaire, Pl. Fin., vice-présidente, Fiducie et service conseil Gestion Privée 1859, Banque Nationale du Canada.


Cette chronique est tirée de l’édition de d’octobre du magazine Conseiller. Consultez-la en format PDF.