Succession : comment s’assurer de tout récupérer?

Par Martin Morin | 29 mai 2020 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : bacho12345 / 123RF

« Partir, c’est mourir un peu, […] on laisse un peu de soi-même, en toute heure et dans tout lieu », écrivait Edmond Haraucourt. On laisse effectivement, dans le long trajet de la vie, des choses ici et là. Résultat : c’est un véritable casse-tête pour ceux qui doivent ensuite retracer les avoirs oubliés d’un proche décédé.

Que devez-vous conseiller à vos clients pour éviter qu’une telle situation se produise et quels sont les outils existants pour retrouver les biens lorsqu’ils n’apparaissent pas dans un document testamentaire?

La dernière chose que l’on a envie de faire lorsque disparaît une personne qui nous est chère, c’est de commencer à jouer à Columbo, explique Magali Dussault-Brodeur, conseillère en planification du patrimoine à Assante.

FAIRE UNE LISTE

L’un des problèmes modernes qui se pose quand on veut amasser la bonne documentation pour liquider une succession, c’est que les preuves physiques tendent à disparaître avec les outils technologiques.

« C’est difficile à l’ère du numérique, car on reçoit maintenant tous nos relevés sur Internet. Il y a de moins en moins de traces papier de ce qu’on fait et nos ordinateurs sont verrouillés, indique la notaire. On n’a donc pas accès aux documents. »

La solution est simple, mais exige l’effort de colliger toutes les informations au même endroit. « Premièrement, il faut faire un bilan de nos contacts, des institutions avec lesquelles on fait affaire. Il faut monter le fichier et le mettre à jour de manière régulière. »

Le type d’information qu’on peut y retrouver :

  • Les coordonnées complètes du comptable et/ou du notaire;
  • Toutes les polices d’assurance (maison, voiture, vie, etc.);
  • Toutes les informations liées aux cartes de crédit possédées;
  • La liste de TOUS les actifs;
  • Le nom des bénéficiaires inscrits en cas de décès;
  • Les détails des préarrangements funéraires, s’ils existent.

Bref, il faut éviter de tracer un portrait général, mais plutôt établir une liste très détaillée, car peu de registres peuvent être consultés pour trouver de telles informations. Si on ne le fait pas, il reviendra à la succession de procéder à un véritable travail archéologique pour dénicher relevés de compte, régimes de retraite d’un ancien emploi, assurance vie oubliée, etc. Voilà qui peut être fastidieux. Et jouer à Columbo, ce n’est pas donné à tout le monde.

Et quelles possessions oublie-t-on le plus souvent de noter? Selon Magali Dussault-Brodeur : les coffrets de sécurité dans une institution bancaire, les multiples assurances vie (« on a souvent la petite assurance qui traîne depuis 30-40 ans, qui est payée et cachée bien loin »), des avantages d’anciens emplois (options sur titres, régimes de retraite), de petits placements de peu de valeur qui s’accumulent.

« On pense toujours au dernier emploi tenu, mais pas à tous les autres le précédant », dit-elle.

Et cette liste, on la conserve où? Pas dans le coffret de sécurité à la banque, souvent difficile d’accès. On devrait trouver un endroit où la garder en toute sécurité (dans une armoire, un garde-robe, la table de chevet, etc.) et aviser quelques-uns de ses proches de grande confiance.

Il ne faut pas oublier qu’un tel bilan de possessions sera aussi utile en cas d’inaptitude que de décès!

LE REGISTRE DES BIENS NON RÉCLAMÉS

Mais que devrait faire votre client en charge d’une succession si son proche décédé n’a pas dressé cette liste? Il peut notamment regarder du côté de Revenu Québec.

Celle-ci a « la responsabilité de recevoir et d’administrer provisoirement les biens qui ne sont pas réclamés par leurs propriétaires », indique Martin Croteau, porte-parole de Revenu Québec.

Il existe deux types principaux de bien non réclamé : les produits financiers et les biens de succession.

« D’une année à l’autre, la valeur des biens non réclamés détenus par Revenu Québec tourne autour de 300 millions de dollars. En date du 3 mars 2020, elle s’élevait à 350 476 326 $ », mentionne-t-il.

Pour aider les personnes en charge d’une succession, Revenu Québec procède à :

  • l’inscription des biens non réclamés dans un registre public gratuit mis à jour hebdomadairement;
  • la promotion de celui-ci sur les réseaux sociaux et dans divers salons d’entreprise;
  • la publication d’avis publics dans les journaux québécois (Gazette officielle du Québec, Journal de Québec∕Montréal, Le Soleil, etc.), dans le Registre des droits personnels et réels mobiliers et dans le Registre foncier du Québec;
  • une démarche permettant de retracer des informations et des personnes susceptibles de faire avancer les dossiers. Pour ce faire, Revenu Québec utilise toutes les informations disponibles dans ses bases de données (croisement de données). Une fois une personne ayant des droits sur ces biens retracée, on lui fait parvenir une lettre, un courriel ou une notification dans Mon Dossier citoyen.

« Les utilisateurs du registre sont invités à saisir le nom du propriétaire du bien (par exemple, un défunt) ou le nom de la société ou de l’entreprise dissoute. Si le bien a été confié en fidéicommis à un notaire ou à un avocat, il est possible d’inscrire le nom de ces derniers », indique M. Croteau.

Ainsi, en 2018-2019, ce sont 33,8 millions de dollars que Revenu Québec a remis aux propriétaires et ayants droit.

Le registre des biens non réclamés est accessible sur le site Internet de Revenu Québec.

LES SERVICES DE LA BANQUE DU CANADA

De son côté, la Banque du Canada offre également de l’aide à ceux et celles qui sont à la recherche de sommes autrefois possédées par une personne décédée qui n’aurait pas laissé d’information à ce sujet.

« La Banque du Canada assure la garde des soldes qui n’ont pas été réclamés pendant une période de 10 ans et dont l’institution financière fédérale qui détient l’actif n’a pas pu retrouver les propriétaires. Nous gardons toutes les sommes de 1 000 dollars et plus pendant 100 ans. Les soldes non réclamés inférieurs à ce montant sont conservés pendant 40 ans; par l’institution financière canadienne pendant 10 ans à compter de la date de la dernière transaction du titulaire du compte, puis à la Banque du Canada pendant 30 ans de plus », indique Rebecca Spence, consultante en relations avec les médias au sein de l’institution.

Le site web de la Banque du Canada explique en détail les étapes à suivre pour déposer une demande afin de retrouver des sommes non réclamées, avec la liste des documents exigés en fonction du type de demande.

« À la fin de 2019, environ 2,1 millions de soldes non réclamés, d’une valeur de quelque 888 millions de dollars, étaient consignés dans les livres de la Banque. Plus de 93 % des soldes non réclamés étaient inférieurs à 1 000 $ : ils représentaient 26 % de la valeur totale. La Banque a versé cette année-là 8,5 millions de dollars à des détenteurs de soldes non réclamés », indique Rebecca Spence, qui ajoute que le plus ancien montant orphelin date de… 1900!

Ainsi, il ne faut rien laisser au hasard et à la volonté des survivants de faire un fastidieux travail de recherche. On peut facilement le leur éviter en colligeant toutes les informations liées à son actif personnel et familial. Ici, trop n’est pas comme pas assez, alors il ne faut pas hésiter à tout mettre, afin que les proches puissent vivre leur deuil sans tracas.

Martin Morin