Succession transfrontalière : conseils pour ne pas perdre le nord

Par Frédérique David | 14 octobre 2014 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Me Dan Armand Derhy, notaire et conseiller juridique. Photo : Frédérique David

« Le Canada est un pays d’immigration », a rappelé mercredi Me Dan Armand Derhy, notaire et conseiller juridique, lors du congrès annuel de l’Association de planification fiscale et financière (APFF).

Puisque chaque pays a sa juridiction, il peut rapidement devenir difficile de s’y retrouver.

« Dans un contexte transfrontalier, un élément d’une succession peut être dans une autre juridiction, que ce soit un bien, un héritier, un défunt ou un contrat », a ajouté Me Stéphane Larose, notaire et planificateur financier.

Québécois qui ont des actifs à l’extérieur du pays, héritiers à l’extérieur de la province ou immigrants québécois qui gardent des liens avec leur pays d’origine (actifs, entreprises, successions) : chaque type de client demande un traitement différent.

« Les trois points principaux à identifier sont la citoyenneté des personnes, leur domicile et leur résidence, explique Me Dan Armand Derhy. Le domicile est le lieu que le client associe à sa juridiction-mère, le lieu où il va revenir lorsqu’il aura terminé son contrat de travail, par exemple. C’est une question d’intention et c’est une question de déclaration du client. »

Ces informations sont déterminantes pour bien traiter des dossiers de succession.

« Ainsi, sur le plan de la fiscalité, la majorité des pays imposent selon la résidence, alors qu’en planification successorale, on parle surtout de domicile, précise Me Derhy. Certains pays, comme les États-Unis, vont imposer aussi sur la base de la citoyenneté. »

Quelles sont les lois applicables?

  • C’est la loi du domicile des conjoints qui détermine le régime matrimonial qui s’applique. « Même s’ils sont au Québec depuis vingt ans, s’ils se sont mariés en Égypte avant de venir vivre au Québec c’est le droit égyptien qui s’applique à leur régime matrimonial », explique Me Derhy.
  • Les créances alimentaires sont régies par le créancier, c’est-à-dire la personne qui peut réclamer ces créances alimentaires. « Un enfant adulte qui est dépendant financièrement et qui habite en Colombie-Britannique peut réclamer une créance alimentaire au Québec », souligne Me Derhy.
  • La capacité et l’état d’une personne sont régis par le droit du domicile de cette personne. « Le mandat en cas d’inaptitude va être séparé en deux points, précise Me Derhy. Le domicile va déterminer quand la personne va devenir inapte et comment on constate son inaptitude. Ensuite, si le contrat est valide au Québec, il devrait être applicable dans la plupart des juridictions. Il faudra simplement voir à l’homologuer si nécessaire. »
  • Pour la planification testamentaire d’une personne domiciliée au Québec, c’est le droit du Québec qui va s’appliquer à sa capacité de tester. « Au Québec, on peut tester par contrat de mariage ou par testament », rappelle Me Derhy.
  • La fiducie est un contrat. Si elle est régie par un autre État et que cet État le permet, elle est valide.
  • Pour le règlement de succession d’une personne domiciliée au Québec, c’est le droit québécois qui s’applique, « même si elle est décédée aux États-Unis et résidait en France », ajoute Me Derhy.

L’exemple de la France

Quelques changements dans les lois successorales sont prévues en France à partir du 17 août 2015, a indiqué Me Stéphane Larose.

« L’Union européenne a adopté un nouveau règlement sur les successions internationales, explique-t-il. La loi successorale sera la loi de la résidence habituelle du défunt. Par ailleurs, un certificat successoral européen indiquera qui sont les héritiers. »

En France, l’assujettissement aux droits successoraux est basé sur le domicile fiscal.

« Si le défunt est fiscalement domicilié en France, la totalité des biens est assujettie aux droits successoraux. Si le défunt n’est pas fiscalement domicilié en France, seulement les biens situés en France sont assujettis. Enfin, si les héritiers sont fiscalement domiciliés en France, les biens sont assujettis. »

Dans le cas où des héritiers domiciliés en France héritent d’un parent domicilié au Québec, « la double imposition sera évitée par la convention fiscale Canada-France, précise Me Larose. Les impôts payés par l’héritier peuvent être crédités au défunt. »

Conseiller au congrès de l’APFF :

Frédérique David