Survivre à la crise du coronavirus

Par Hélène Roulot-Ganzmann | 20 avril 2020 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : sorbetto / istockphoto

Fermeture des bureaux, confinement, télétravail pour tous, le tout sur fond de crise financière… dans ce contexte, les conseillers se doivent de rassurer leur clientèle et de préparer l’avenir.

Quand nous l’avons contacté le 20 mars dernier, Fabien Major était confiné dans les Laurentides avec sa conjointe, qui dirige avec lui la succursale Major Gestion privée d’Assante. Ils revenaient tout juste d’un séjour à l’étranger. La plupart des conseillers faisaient du télétravail, une partie du personnel se trouvait encore dans leurs bureaux d’Outremont, mais tout le monde bossait fort afin que toutes les activités puissent être externalisées avant que le gouvernement ne décrète la fermeture des entreprises non essentielles.

« Heureusement, depuis l’an dernier, tous nos formulaires sont numériques, raconte-t-il. Nous pouvons donc continuer à travailler à distance avec nos clients, car ils sont en mesure de signer directement sur leur téléphone ou leur tablette. Ainsi, le virus a moins de chance de se propager. »

Cela lui permet de profiter de la présente période, qui offre de belles occasions, selon lui. Si le client ne panique pas et qu’il a un peu d’argent à investir, la baisse des marchés fait en sorte qu’il est possible d’acheter des actions bien en dessous de leur valeur normale.

« Nous avons d’ailleurs de beaux réflexes de la part de nos clients et ça fait chaud au cœur, indique Fabien Major. Il y a un calme relatif vu le contexte. Je mets ça sur le compte de notre stratégie d’investissement adoptée il y a cinq ans et conçue pour traverser les crises. Nous privilégions la gestion active, nous opérons des rééquilibrages constants qui nous permettent de nous adapter. Aussi, nous offrons la planification financière, nous ne sommes pas uniquement des vendeurs. Nous regardons donc la situation financière de nos clients de manière globale. »

LA FIN DE CYCLE APPROCHAIT

Ainsi, lorsque les premières secousses ont été ressenties, Major Gestion privée a choisi de communiquer franchement avec sa clientèle. Par les réseaux sociaux, une infolettre, devenue hebdomadaire, des textes d’opinion susceptibles de rassurer. Très vite, il a parlé des occasions qu’offre la crise.

« On savait que le cycle économique était dû pour prendre fin dans les mois à venir, explique-t-il. On était prêts. »

Communiquer, apaiser le client, lui montrer qu’on est maître de la situation et qu’on va le guider, voilà bien ce que tout professionnel devrait arriver à faire en pareille situation. Jean-Pierre Lauzier, expert-conseil en vente, mise en marché et service à la clientèle, explique qu’alors que nous sommes encore en plein cœur de la période de turbulence, la moindre des choses est que les conseillers envoient un courriel à toute leur clientèle. Celui-ci devrait bien expliquer la situation et qui faire preuve d’empathie.

« On peut aller jusqu’à appeler les clients, de façon plus personnelle, leur demander comment ils vont, indique-t-il. Certains ont peut-être perdu leur emploi, mais en même temps, ils bénéficient possiblement des annonces d’aide financière des gouvernements et des allègements de paiement prévus par plusieurs entreprises. On s’est mis sur pause. On garde des liquidités pour survivre. »

Pour le président de MICA Cabinets de services financiers, Gino-Sébastian Savard, le plus important est de bien montrer à tout le monde – tant au personnel qu’à la clientèle – qu’il y a un capitaine à bord et qu’il tient bien la barre. Ça passe par la communication interne et externe, des capsules vidéo pour transmettre des messages, mais aussi des appels personnalisés.

« Je passe du temps chaque soir au téléphone avec des clients pour analyser chacune des situations et réajuster les portefeuilles, raconte-t-il. C’est maintenant qu’il y a des occasions. Lorsque l’activité redémarrera, ce sera déjà trop tard. Tout ce qu’on achète aujourd’hui est comme en spécial! »

M. Savard souligne notamment qu’en ce moment, il serait bon de miser sur une surpondération en actions pour profiter du fait que plusieurs titres sont peu coûteux, quitte à rééquilibrer par la suite.

LE SOUVENIR DE CE QUI S’EST PASSÉ

« Pour l’instant, nous sommes dans la gestion de crise, note le président de MICA, mais à un moment donné, nous allons en sortir. Je suis certain que beaucoup de choses vont changer. On va avoir le droit de recommencer à vivre, mais les gens vont avoir le souvenir de ce qui s’est passé. »

Il espère que ceux qui vivaient d’un chèque de paie à l’autre vont comprendre tout l’intérêt de faire des économies, d’avoir un coussin de sécurité, d’être plus prudents.

« La crise va révéler les forces et les faiblesses des entreprises et des individus », affirme Alexandrine Ananou, avocate montréalaise depuis peu associée du cabinet de consultation Coya, au Royaume-Uni. Elle a rédigé un guide à l’usage des entrepreneurs pour survivre à la COVID-19, dont les conseillers pourraient s’inspirer.

« C’est un bon moment pour la réflexion, poursuit-elle. L’erreur qui pourrait être faite, c’est de ne pas prendre note de ce qui fonctionne et ne fonctionne pas pendant la crise. Le télétravail généralisé fait en sorte que les entreprises les plus modernes, qui ont misé sur les technologies de l’information, ont un avantage. Celles qui parviennent à s’adapter à une situation inédite également. Une fois que la tempête se sera calmée, tout le défi sera de mener une véritable introspection. »

LA TERRE EST UN VILLAGE

Elle ajoute que les employés auront appris des choses durant cette crise; notamment qu’ils sont probablement capables d’être efficaces en télétravail, et ils y auront sans doute pris goût. Les employeurs devront en tenir compte.

« La crise actuelle nous fait nous rendre compte que la Terre est un village, ajoute Jean-Pierre Lauzier. Avant, on disait que lorsque les États-Unis éternuent, le Canada a la grippe, mais maintenant, même quand la Chine tousse, nous sommes malades ici. Ça doit affecter notre façon de penser. On ne peut pas bâtir de mur, on est sur le même bateau. »

Fabien Major croit quant à lui que cette période tumultueuse démontre tout l’intérêt pour les conseillers d’aller chercher leur diplôme de planificateur financier afin non seulement de pouvoir offrir une prestation globale à leurs clients, mais aussi d’avoir plus de contrôle sur leurs propres revenus.

« Si on ne vit que de l’industrie de la commission, c’est sûr qu’on est à la merci d’un écart de conduite d’un client qui panique », conclut-il.

Hélène Roulot-Ganzmann