Tirer profit des fintechs et du bitcoin

Par Pierre-Luc Trudel | 24 mai 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Il devient de plus en plus évident que l’émergence des fintechs va bouleverser l’industrie des placements, mais probablement pas au point de faire disparaître le conseil financier « humain ». Pour survivre, les professionnels en services financiers devront toutefois adapter leur offre de services à cette nouvelle réalité. C’est le message lancé par les panélistes d’un dîner-conférence organisé mercredi par CFA Montréal.

Parmi les nombreuses fintech qui fleurissent un peu partout au pays, des firmes comme Wealthica misent sur les données ouvertes et l’open banking pour faciliter la gestion de la vie financière de leurs clients. Grâce à un tableau de bord en ligne, les utilisateurs de Wealthica ont accès à un portrait consolidé de leurs comptes et de leurs placements détenus dans différentes institutions financières.

« Le problème avec le modèle traditionnel, dans lequel les informations ne sont pas partagées par les institutions financières, c’est que les conseillers n’ont pas [toujours] une vue d’ensemble de l’actif de leurs clients », explique Simon Boulet, fondateur de Wealthica.

Selon lui, l’agrégation des données financières comporte de multiples avantages, autant pour les conseillers que pour les investisseurs. En ayant accès au portrait complet de l’actif d’un client, un conseiller peut par exemple facilement comparer la performance des placements qu’il gère par rapport à des portefeuilles détenus dans d’autres institutions financières. Et plus besoin de demander ses relevés de compte au client, toute l’information est disponible au même endroit.

« L’open banking offre vraiment de belles occasions pour les clients et les institutions financières. Le problème, c’est que seulement une poignée d’entre elles partagent leurs données à des tierces parties », déplore Simon Boulet.

Pour contourner ce problème, Wealthica, de même que plusieurs applications bien connues comme Mint, ont recours au screen scraping, qui consiste à utiliser un logiciel pour parcourir les sites web des institutions financières en imitant les actions d’un vrai visiteur. Les données ainsi récoltées peuvent ensuite être consolidées. Contrairement à l’open banking, le client doit toutefois partager ses codes d’accès avec l’entreprise, et comme les données sont non structurées, elles sont parfois erronées ou incomplètes.

Simon Boulet souhaite donc que les institutions financières soient de plus en plus nombreuses à accepter de partager les données de leurs clients avec des applications tierces. Il tient d’ailleurs à préciser que l’agrégation de données financières est autorisée par les régulateurs comme l’Autorité des marchés financiers (AMF), dans la mesure où certaines règles relatives à la sécurité et la confidentialité des données sont respectées.

PAS TROP TARD POUR MONTER À BORD DU BITCOIN

Si de nombreux acteurs de la finance traditionnelle estiment que le bitcoin est une bulle qui va exploser tôt ou tard, la monnaie virtuelle peut encore compter sur des adeptes convaincus. Parmi eux, Jonathan Hamel, président et fondateur de l’Académie Bitcoin, une firme de consultation spécialisée dans les domaines de la blockchain et du bitcoin.

« Environ 90 % de ce qu’on entend sur le bitcoin, c’est du bruit. Le bitcoin, c’est du sérieux. C’est triste que certains joueurs traditionnels tentent de freiner sa croissance et celle des fintechs en général », déplore-t-il.

Alors que beaucoup d’investisseurs estiment qu’ils ont déjà manqué le bateau en ce qui concerne le bitcoin, le spécialiste n’est pas du même avis. « Nous sommes encore très tôt dans la vie du bitcoin. La place qu’il occupe sur les marchés est encore minuscule par rapport aux catégories d’actif traditionnelles. En fait, on peut même dire que sa couverture médiatique est disproportionnée. »

Jonathan Hamel est donc convaincu que le bitcoin continuera sur sa lancée, notamment parce qu’il offre de nombreuses occasions aux investisseurs en raison de sa volatilité et parce qu’il affiche une très faible corrélation par rapport aux autres catégories d’actif. L’arrivée de contrats à terme ayant le bitcoin comme sous-jacent va aussi contribuer à mousser sa popularité, croit-il.

PENSER DIFFÉREMMENT

« L’ajout de cryptomonnaies à un portefeuille a aussi pour effet d’augmenter le ratio de Sharpe [NDLR : la prime de risque] », assure-t-il. Mais encore faut-il savoir comment les échanger et à quel moment. À ce chapitre, Jonathan Hamel concède que les techniques d’analyse fondamentale habituellement utilisées par les analystes financiers et les gestionnaires de portefeuilles ne sont pas d’un grand secours.

« Il faut voir le bitcoin d’une autre façon, sortir de ses souliers d’analyste. On peut faire le rapprochement avec l’or. C’est le marché qui a donné sa valeur à l’or au fil des siècles. C’est un peu la même chose avec le bitcoin. Ce n’est pas vraiment possible de déterminer sa valeur intrinsèque en se basant sur des données fondamentales. »

Bien que les cryptomonnaies risquent d’être à la source de nombreux changements dans le système financier actuel, elles seront davantage source d’occasions que de rupture pour les banques et les conseillers en services financiers, croit Jonathan Hamel.

« Les conseillers vont devoir s’adapter à une nouvelle clientèle et offrir des services liés aux bitcoins. Les investisseurs vont rechercher des professionnels capables de gérer, sécuriser et rééquilibrer des portefeuilles de cryptomonnaies, dit-il. La popularité du bitcoin va donner la possibilité aux conseillers de développer de nouveaux services, et de facturer des frais pour ces services. »

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Pierre-Luc Trudel