Tout le monde a un plan, jusqu’au premier coup reçu au visage

Par Patrick O’Toole | 21 Décembre 2021 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : Refat Mamutov / 123RF

La situation actuelle des banques centrales fait venir cette célèbre citation du boxeur Mike Tyson à l’esprit de Patrick O’Toole, vice-président, titres à revenu fixe mondiaux chez Gestion d’actifs CIBC.

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« L’inflation s’en prend au marché obligataire dernièrement, et beaucoup de gens ont été surpris du fait que les obligations à long terme n’augmentent pas davantage. En particulier aux États-Unis, les bons du Trésor sur dix ans demeurent sous les pics qu’on a vus en mars 2021 et en octobre 2020. L’inflation est élevée, mais la lutte acharnée se poursuit entre ceux qui pensent que la hausse est transitoire, comme l’ont maintenu les banques centrales, et ceux qui estiment qu’elle va perdurer. La Fed et la Banque du Canada ont modifié leur position fin septembre, et la Fed a fait peur au marché quand elle a parlé de réduire dès novembre son programme d’achat d’obligations ou allégement quantitatif, pour y mettre fin à la mi 2022 », observe Patrick O’Toole.

Selon l’expert, cette déclaration a ouvert la porte aux spéculations sur les hausses de taux, puisque la Fed a déjà dit qu’elle ne hausserait les taux qu’une fois son programme d’allègement quantitatif terminé. La Banque du Canada a aussi déclaré que les taux pourraient monter en milieu d’année prochaine.

« En conséquence, les marchés de contrats à terme se sont rapidement préparés à la perspective de hausses de taux l’année prochaine ; plus précisément, ils entrevoient quatre à cinq hausses au Canada et deux à trois aux États-Unis dans les 12 prochains mois. Cela paraît agressif, surtout pour le Canada. Mais souvenons-nous que les marchés de contrats à termes se sont maintes fois trompés et montrés trop agressifs dans leurs prévisions de hausses de taux. Et nous croyons que les banques centrales vont s’avérer têtues et procéder doucement à leurs hausses ; d’autant plus que toutes deux ont l’intention d’attendre le plein emploi auparavant », explique Patrick O’Toole.

Reste à définir ce qu’elles entendent par plein emploi. Par le passé, le Fed a déjà haussé ses taux avant de voir une reprise de l’emploi pour la tranche moins avantagée de la main-d’œuvre. Au Canada, le gouverneur adjoint a récemment déclaré que la Banque attendrait de voir une reprise complète de toutes les catégories d’emploi avant de hausser les taux.

« Elles ont un plan pour hausser lentement leurs taux en lien avec la reprise de l’emploi, mais elles pourraient faire face à une situation à la Mike Tyson, qui a notoirement déclaré : tout le monde a un plan jusqu’au moment de recevoir un premier coup de poing au visage. Le marché obligataire pourrait bien être ce coup de poing, par exemple si les rendements à long terme grimpent davantage, même si pour le moment, cette catégorie d’actifs ne semble pas inquiète de l’inflation », dit Patrick O’Toole.

Selon lui, le fait que les rendements à long terme sont sous leurs records récents est un signe que le marché est d’accord avec la Fed et la Banque du Canada sur la perspective d’un retour à la normale de l’inflation d’ici la fin 2022, autour de leur cible commune de 2 %.

« Les rendements obligataires et les taux à plus long terme pourrait monter un peu l’an prochain, mais rien de trop excessif. Ce serait dû au ralentissement de la croissance que l’on prévoit tant aux États-Unis qu’au Canada ; mais elle devrait rester à un bon niveau autour de 3 % du PIB réel. Avec l’inflation qui devrait retomber dans les 2 %, la croissance est encore positive », entrevoit l’expert.

Il prévient tout de même que c’est un scénario idéal qui ne tient pas compte des problèmes éventuels liés au coronavirus, d’un possible ralentissement de la reprise, ou encore d’une poursuite de la chute des prix du pétrole. Tous ces éléments pourraient compromettre les plans des banques centrales.

Ce texte fait partie du programme Gestionnaires en direct, de la CIBC. Il a été rédigé sans apport du commanditaire.

Homme d'affaires dans un champ de blé, levant les bras vers le ciel.

Patrick O’Toole

Entré au service de Gestion d’actifs CIBC en mai 2004, Patrick est membre de l’équipe des placements à revenu fixe à l’échelle mondiale oeuvrant à l’intérieur de la plate-forme de gestion de placements de la société.